Voilà une idée pour résoudre le conflit qui a l’air d’une  vision de fin du monde : Accorder la citoyenneté et des droits égaux à  tous les Palestiniens de Cisjordanie. Et qui milite pour la solution  d’un seul état ? Des gens de droite et des colons.         
         
Manifestation  à laquelle ont participé les députés palestiniens israéliens, à  proximité du point de passage d’Erez entre Israël et la bande de Gaza,  le 31 décembre 2009.
"On ne peut pas attendre grand chose des négociations  avec Mahmoud Abbas, même si le Président Obama semble avoir une opinion  différente, car Abbas ne représente même pas la moitié des Palestiniens.  Il y a peu de chances qu’il en sorte quoique ce soit de positif. Une  autre solution pourrait être la Jordanie. Si la Jordanie acceptait  d’intégrer plus de territoire et plus de personnes tout serait plus  facile et plus naturel. Mais la Jordanie refuse de le faire. En  conséquence je dis qu’il faut envisager une autre solution : il faut  qu’Israël étende sa loi à la Judée Samarie et accorde la citoyenneté à  un million et demi de Palestiniens".
Ces remarques qui semblent subversives à beaucoup, n’ont  pas été prononcées par un homme de gauche qui défend la solution d’un  état pour deux peuples. Elle l’ont été par un membre du Betar, ancien  officiel du Likoud où il était le mentor politique du Premier Ministre  Benjamin Netanyahu, et ancien ministre de la défense et des affaires  étrangères, Moshe Arens. Le 2 juin, Arens a publié une tribune dans  Haaretz ("Y a-t-il une autre option ?") dans laquelle il demandait  instamment que soit envisagée une alternative politique à la situation  existante et aux négociations politiques. Il veut briser le grand tabou  de la politique israélienne en donnant la nationalité israélienne aux  Palestiniens de Cisjordanie. Quand on l’accuse de promouvoir un état  judéo-palestinien binational, Arens répond tranquillement : "Nous sommes  déjà un état binational et aussi un état multiculturel qui de plus  comporte de multiples secteurs. La minorité [c’est à dire les Arabes]  chez nous représente 20 pour cent de la population. C’est un fait et on  ne peut pas nier les faits".
Alors que Washington, Ramallah et Jérusalem se traînent  vers ce qui paraît être la solution bien connue et évidente de deux  états pour deux peuples sur la base des frontières de 1967 et un échange  de territoires à minima, une rupture conceptuelle est en train de  s’effectuer à droite. Ses idéologues ne se contentent plus de s’opposer à  l’évacuation des colonies au nom d’arguments sécuritaires destinés à  instiller la peur dans le coeur des Israéliens. Leur nouvelle idée vient  de la prise de conscience qu’il est nécessaire de briser le noeud  politique pour pallier aux inconvénients du statu quo et remédier à  l’isolation dans laquelle se trouve Israël.
Autrefois l’apanage des extrêmes politiques, cette  approche est maintenant soutenue par certains leaders du Likoud et des  colons, des personnes qui ne sont pas nécessairement considérées par des  extrémistes ou des marginaux. Un mois environ avant qu’Arens ne publie  cet article, le membre de la Knesset Reuven Rivlin (Likud) avait  déclaré : "Il est préférable que les Palestiniens deviennent des  citoyens de l’état plutôt que d’avoir à diviser le pays". Dans un  interview cette semaine, Rivlin défend et explicite cette même  proposition. En mai 2009, le membre Likoud du parlement, Tzipi Hotovely a  organisé une conférence à la Knesset sous le titre "Alternatives à la  solution de deux états". Depuis, elle a demandé publiquement à deux ou  trois reprises que la citoyenneté soit accordée aux Palestiniens "de  manière graduelle".
Elle projette maintenant de publier une tribune sur ce  thème. Uri Elitzur, ancien président du Yesha Council of Settlements (  le conseil des colonies de Judée Samarie c à d de Cisjordanie NdT) et  secrétaire général de Netanyahu pendant son premier trimestre de premier  ministre, a publié l’année dernière un article dans le journal des  colons "Nékuda" qui préconise de mettre en place un processus au terme  duquel les Palestiniens auraient "une carte d’identité bleue [comme les  Israéliens], des plaques d’immatriculation jaunes [comme les  Israéliens], la sécurité sociale et le droit de vote à la Knesset".  Eminy Amrousi, ancienne porte parole du Yesha Council of Settlements  participe aux réunions entre les colons et les Palestiniens et parle  clairement "d’un pays dans lequel les enfants des colons et les enfants  des Palestiniens iront ensemble en bus à l’école".
Un nouveau camp politique ne s’est pas encore formé  autour de cette idée et il y a encore des trous dans la théorie. Mais  bien que ses avocats ne semblent pas travailler ensemble, leurs projets  se révèlent extrêmement proches. Ils rejettent tous absolument les  différentes idées de séparation ethnique et veulent donner des droits  politiques aux Palestiniens. Ils envisagent un processus qui prendrait  de 10 ans à une génération et au terme duquel les Palestiniens auraient  tous les droits civils mais dans un pays dont les symboles et l’esprit  demeureraient juifs. C’est là que les adeptes de droite de cette  solution divergent de ceux de la gauche. La droite ne parle pas d’un  état neutre "un état pour tous les citoyens" sans identité particulière,  ni d’un "Israstine" avec un drapeau arborant à la fois le croissant et  le bouclier de David. La droite envisage un état dont Israël demeurerait  souverain, mais dans une réalité plus complexe, et qui répondrait à la  vision d’un état juif démocratique sans occupation et sans apartheid,  sans barrières et sans séparations. Dans un tel état, les Juifs  pourraient aller vivre à Hébron et prier sur la tombe des Patriarches,  et un Palestinien de Ramallah pourrait être ambassadeur et vivre à tel  Aviv ou simplement s’y offrir une glace au bord de la mer. Ca vous  paraît fou ? "Quand tous les chemins semblent mener à une impasse" a  écrit Elitzur dans Nékouda " c’est généralement que le bon chemin est  celui qui n’a jamais été envisagé, celui qui a été universellement  considéré comme inacceptable, tabou".
L’IMPASSE
Il y a un an, pendant un séminaire sponsorisé pas le  groupe d’Initiative de Genève, Uri Elitzur a surpris les assistants  parlementaires qui l’écoutaient en donnant des détails clairs et précis  sur le cadre politique souhaitable :"La pire solution est apparemment la  bonne :  constituer un état binational en annexant toute la terre et en  donnant à tous la citoyenneté".
Parmi ceux qui furent surpris il y avait des leaders du  mouvement colonial Gush Emounim (le bloc des croyants). Cela fait  quelque temps que Elitzur essaie de faire passer son idée :"Au début je  me suis trouvé dans un splendide isolement" dit-il "mais dernièrement de  plus en plus de gens me suivent. Je pense que c’est la seule solution  envisageable. La solution de deux états a été au centre des débats  pendant 10 ans et plus. Tous les politiciens disent -tout haut ou tout  bas- qu’ils sont pour mais rien ne se passe. Les différences entre la  droite et la gauche à propos desquelles ils s’étripent sont en réalité  insignifiantes. Mais chacun croit que modifier sa position d’un iota va  entraîner la destruction de l’état. Ce n’est la faute de personne, ni de  la droite ni de la gauche pas même des Palestiniens. le monde arabe ne  veut pas de compromis avec nous et même si nous en trouvions un il ne  durerait pas.
"De plus, la situation actuelle est dans une impasse"  continue Elitzur "elle ne peut pas durer. Les problèmes avec la  communauté internationale qu’Israël a dû affronter ces cinq dernières  années viennent de ce que le monde en a assez. La communauté  internationale nous dit :"Vous nous aviez promis que la situation était  temporaire mais elle dure depuis 40 ans déjà. Nous sommes d’accord pour  attendre encore 10 ans mais nous voulons savoir ce que vous avez  l’intention de faire". Les Israéliens commencent aussi à le comprendre.  Je veux que nous cherchions la solution à l’autre bout de la chaîne qui  va de la situation existante à l’annexion et la naturalisation de tous  les Palestiniens" (de Cisjordanie, pas ceux de Gaza NdT).
Dans les forums internes et pour les gens de son camp,  Elitzur est encore plus direct. "Il y a beaucoup de versions douces ou  édulcorées de l’apartheid" écrit-il dans Nékouda qui a consacré une  édition entière à la recherche d’alternatives à la solution de deux  états, "Certains suggèrent que les Palestiniens devraient être sous  domination israélienne mais voter au parlement jordanien. On parle  d’autonomie, de cantons, d’un gouvernement autonome sans pouvoir. Ce  n’est ni par hasard, ni par négligence, qu’aucune de ces idées n’est  devenue la politique officielle du Likoud ou de la droite. Au bout du  compte elles se résument toutes à ceci : une population entière vivant  sous la loi israélienne sans droits civils. C’est inacceptable sur une  base permanente. C’est une situation qui ne peut être que temporaire et  qui engendre des pressions croissantes autant internes qu’externes pour  qu’il y soit mis fin définitivement".

  Que répondez-vous aux allégations comme quoi vous avez rejoint la gauche radicale ?
"Il y a une grande différence entre nous. Moi je parle  d’un état juif, l’état du peuple juif qui aurait une large minorité  arabe. La gauche parle d’un état arabe contenant une minorité juive,  même s’ils n’en ont pas une conscience claire. Les gauchistes qui  manifestent [dans le village cisjordanien de] Bil’in ont rejoint sans  réserves la cause Palestinienne".

  Pourtant, en termes de projet politique, il y a des points de convergence entre vous et eux ?
En termes de projet politique, oui. Et alors ? J’ai  beaucoup d’opinions en commun avec l’extrême gauche. Je pense qu’on doit  refuser d’obéir à l’ordre de démanteler des colonies, eux pensent qu’il  faut refuser de servir dans les territoires et nous sommes tous les  deux contre le mur [de séparation]. Cela ne me dérange pas de partager  certaines façons de voir avec des Juifs avec qui j’ai par ailleurs de  profonds désaccords. Mais je ne ferai jamais alliance avec des  Anarchistes [contre le mur] même si je suis moi-même contre le mur. Nous  avons cela en commun mais sur le reste nous sommes en complète  opposition. D’après moi, l’état d’Israël a été établi pour défendre les  droits d’un toute petite minorité au Moyen Orient - 6 millions  d’individus contre 300 millions- et c’est son but principal. Quand cet  objectif est atteint, comme Israël est aussi un état démocratique, il  doit accorder les droits humains à tous, Juifs ou non Juifs".
A vrai dire, Elitzur n’a plus besoin de la gauche pour  l’arracher à son splendide isolement. Hanan Porat, par exemple, une des  icônes fondatrices de Gush Emunim, tout en rejetant ce qu’il appelle "La  citoyenneté automatique qu’Uri propose, qui est naïve et risque d’avoir  de graves conséquences", suggère aussi d’appliquer graduellement la loi  israélienne dans les territoires (occupés de Cisjordanie NdT), d’abord  dans les endroits où il y a une majorité juive puis, en l’espace de 10  ou 40 ans, à toute leur étendue.

  Et les Palestiniens ?
Porat :"A mon avis, les Arabes ont trois possibilités.  D’abord ceux qui veulent un état arabe et sont prêts pour y parvenir à  user du terrorisme ou de la lutte armée n’ont pas leur place dans l’Etat  d’Israël. Deuxièmement, ceux qui acceptent la place qu’on leur offre  sous la souveraineté israélienne mais ne veulent pas être partie  prenante de l’état ni remplir toutes leurs obligations peuvent avoir le  statut de résident et bénéficier de tous les droits humains sans pouvoir  exercer de représentation politique dans les institutions de l’état. Et  du coup ils seraient dispensés de certaines obligations comme les  obligations militaires ou le service national. Et troisièmement ceux qui  se déclarent loyaux envers l’état et ses lois et qui sont prêts a  remplir toutes les obligations légales et à lui jurer fidélité peuvent  recevoir la citoyenneté complète. Je considère cela comme un principe  moral et humain : on ne peut forcer personne à accepter une citoyenneté  ni l’octroyer sans garanties. Nous avons essayé à Jérusalem Est et, le  fait est, nous avons échoué.
"Ca n’a aucun sens de brandir la perspective d’un état  où tout le monde serait citoyen comme une menace" continue Porat "Déjà  il y a 30 ans, nous autres de Gush Emounim étions contre les deux  solutions extrêmes générées par la peur - se retirer (des territoires  occupés NdT) ou déporter (les Palestiniens NdT)- et nous affirmions que  dans le Retour à Sion la population arabe qui le désire à sa place, à  condition que nous fassions preuve de prudence pour la mise en place du  processus".
LA POLITIQUE DU MOINDRE COÛT
Quelques semaines avant de publier son article dans  Nékouda, Elitzur a participé à la conférence Hotovely organisée à la  Knesset sur les alternatives à la solution de deux états. En dépit de la  participation de conférenciers sérieux tels que l’ancien chef d’état  major et actuel Ministre des Affaires Stratégiques, Moshe Ya’alon et le  Major Général (res.) Giora Eiland, un ancien chef de Conseil National de  Sécurité, Hotovely est sorti déçue de la conférence. "On a exprimé des  idées qui vont du statu quo à "la Jordanie est la Palestine". le plupart  des conférenciers ont rejeté l’alternative proposée par la gauche sans  proposer quoi que ce soit à sa place.
"C’est le discours caractéristique de la droite depuis  des années" ajoute-t-elle. "C’est comme si la droite lançait un Quassam  (un missile NdT) sur chaque argument de la gauche. A l’exception des  racines idéologiques profondes qui nous disaient que cette terre était  la nôtre, nous n’avions aucune solution valable à offrir. Il n’y a que  Uri Elitzur qui ait proposé une approche différente".
Depuis ce jour-là, Hotovely est de plus en plus  convaincue que l’idée de donner la citoyenneté aux Palestiniens de Judée  et de Samarie doit faire partie de l’horizon politique. Pour le moment  elle pense que cela sera un lent processus qui prendra peut-être une  génération au cours de laquelle la situation sur le terrain se  stabilisera et les caractéristiques de l’état juif seront inscrites dans  une constitution. Mais le but doit être clair : annexion et citoyenneté  ou comme elle le dit :"Enlever le point d’interrogation qui se trouve  au dessus de la Judée et de la Samarie".
Hotovely :"J’ai deux raisons de penser cela. D’abord je  crois sincèrement que nous avons un droit sur la Terre d’Israël. Les  colonies de Shiloh et beit El se situent pour moi sur la terre de nos  ancêtres au plein sens du terme. Ensuite, je suis consciente que des  Palestiniens habitent ici. La droite comme la gauche font semblant de  croire qu’il n’y a pas d’être humains ici. La gauche a construit un mur  et préfère tout simplement ne pas les voir et la droite dit  seulement :"Continuons ainsi et voyons ce qui se passe". Nous avons  atteint un point critique, une situation qui menace toute l’entreprise  sioniste parce que la communauté internationale conteste désormais la  légitimité de notre défense de Sderot et Ashkelon et plus seulement la  légitimité de construire un avant-poste colonial".

  La  communauté internationale a cette attitude à cause de l’occupation.  Nous aurons une plus grande légitimité quand nous mettrons fin à  l’occupation.
"Nos retraits antérieurs ne nous ont pas donné une plus  grande légitimité. Pire encore, les dommages que nous infligeons à la  population palestinienne sont devenu plus meurtriers. Nos moyens de  défense sont devenus des tanks et des avions et cela est toujours pire  que des opérations de police sur le terrain".
"La gauche assume qu’une fois que nous serons cachés  derrière les frontières internationales, nous pourrons faire ce que nous  voulons. Mais il est déjà clair que tout n’est pas permis et que le  principe de proportionnalité entrave Israël à Gaza -alors qu’en  sera-t-il en Judée et Samarie ? En fait c’est encore plus grave. il y a  là un échec moral. Après tout il y a longtemps que la gauche a cessé de  parler de paix et qu’elle a recours aux termes de séparation et de  ségrégation. Ils sont même convaincus que le conflit continuera encore  après. Le résultat est une solution qui perpétue le conflit et qui nous  fait passer du rôle d’occupants à celui d’auteurs de massacres, pour le  dire sans détours. C’est la gauche qui nous a transformés en une nation  plus cruelle tout en mettant en même temps notre sécurité en danger".

  Est-ce q’un pays comportant une minorité de non Juifs aussi importante serait encore juif ?
Pour le moment nous parlons de citoyenneté en Judée et  Samarie pas à Gaza. A Gaza il y a un régime hostile qui rejette Israël.  Gaza ne fait pas partie du discours politique pas même du discours sur  la solution de deux états. Il y a un million et demi de Palestiniens en  Judée Samarie. Je dois dire clairement que je ne reconnais pas de droits  nationaux aux Palestiniens sur la Terre d’Israël. Je leur reconnais des  droits humains et des droits individuels et aussi des droits politiques  individuels - mais entre la mer (Méditerranée NdT) et la Jordanie il  n’y a place que pour un seul état, un état juif".

  Le  fait est que l’état a déjà du mal à contenir la minorité de 20% ( de  Palestiniens NdT). Comment fera-t-il avec 30 ou 40%  d’Arabes pour  préserver son caractère (juif NdT) ?
"Chaque situation a un prix. Le statu quo coûte très  cher, la solution de deux état aussi et l’approche que je propose a  aussi un prix. Gérer la minorité arabe est un problème moins grave que  les Qassams, le manque de légitimité et les actes immoraux que nous  serons amenés a commettre pour les régler et ça vaut mieux aussi que  d’avoir à renoncer à des morceaux de notre patrie y compris à  Jérusalem".

  Une  fois que les Palestiniens auront la citoyenneté ils pourraient devenir  incontrôlables. On va dire que vous jouez avec le feu.
"Tout le monde joue avec le feu. Il n’y a pas de  solution qui ne comporte pas de risque au Moyen Orient. Les risques de  deux états ne sont pas virtuels ils sont déjà concrets. Les risques dont  je parle peuvent être gérés par un processus rationnel qui durera une  génération".

  Des deux dangers dont vous parlez, un état binational ou deux états, lequel choisiriez-vous ?
"Sans hésitation le danger d’un état binational. Dans un  processus binational nous avons un certain niveau de contrôle, mais si  vous abandonnez un espace à une entité palestinienne, quel contrôle  aurez-vous sur ce qui s’y passe ?"
51% DE MAJORITE
Dans une réalité politique où les tensions entre les  citoyens arabes et juifs du pays augmentent, ceux qui proposent que les  deux peuples partagent l’espace entre la Méditerranée et le Jourdain ne  sont pas toujours pris au sérieux. Certains représentants de la droite  le comprennent. Pour Moshe Arens, l’intégration des Arabes israéliens  est une condition première - seulement après sera-t-il possible de  parler de donner la citoyenneté aux Palestiniens des territoires  (occupés NdT). "Si nous sommes incapables d’intégrer les citoyens arabes  d’Israël, que pourrons-nous offrir à de nouveaux citoyens ?"  s’interroge Arens "Si j’attends quelque chose de l’article que j’ai  publié c’est d’attirer l’attention sur le comportement envers la  population arabe à l’intérieur d’Israël. J’en ai parlé des dizaines de  fois au premier Ministre. C’est le problème le plus important de notre  pays. Si nous n’intégrons les Arabes, se sera un désastre".

  Il y a beaucoup de gens qui disent qu’il n’y a qu’à les transférer dans un état palestinien.
"Le discours d’Israel Beitenu n’a aucun sens. Ils  essaient d’engranger des bénéfices sur le plus bas dénominateur commun  du pays" dit Arens sèchement. "Où seraient-ils transférés ? La Galilée  serait-t-elle transférée dans l’état palestinien ? le Negev à l’Egypte ?  Ce n’est pas faisable. Ils font juste du tort aux 20% (d’Arabes  israéliens NdT) en les insultant en disant qu’ils veulent s’en  débarrasser et leur enlever la citoyenneté israélienne. Qui a jamais  entendu parler d’une chose pareille ?
"Je le répète : d’abord nous devons nous occuper des  arabes israéliens qui sont citoyens. C’est essentiel si nous envisageons  de donner la citoyenneté aux Palestiniens de Judée et Samarie. C’est  seulement s’ils voient que les Arabes sont heureux en Israël qu’ils  croiront qu’ils y seront heureux aussi".

  Vos  opposants vont dire qu’en publiant ce genre d’article vous consolidez  Shakh Ra’ad Alah [un leader d’u Mouvement Islamique en Israël] et que  vous voulez introduire une cinquième colonne dans le pays qui sonnera le  glas de l’état juif.
"Il n’y a que ceux qui ne comprennent pas la gravité de  la situation qui vont dire cela. J’ai écrit des dizaines de fois que le  gouvernement doit avoir deux buts : mettre hors la loi le Mouvement  Islamique parce que c’est un mouvement subversif et séditieux et en même  temps travailler à faire disparaître le sentiment de discrimination  qu’ont les Arabes qui sont citoyens d’Israël. Il leur est insupportable  de couper du bois et de puiser de d’eau - c’est à dire de faire le sale  boulot dans un pays industrialisé et développé comme Israël".

  Est-ce qu’on vous a accusé d’être devenu un post-sioniste après cet article ?
"Ca n’a pas de sens. Est-ce que [le leader révisionniste  Ze’ev] Jabotinsky était post-sioniste ? Il a pourtant parlé d’un état  juif avec une majorité juive et pour lui aussi une majorité signifie  51%. Dans son dernier livre, il suggérait que le président pourrait être  juif et le vice-président arabe ou vice-versa. Jabotinsky n’était pas  post-sioniste".

  S’il  a y quelque chose qui unit l’establishment politique -Ehud Barak, Tzipi  Livni et désormais Netanyahu aussi- c’est bien la certitude que donner  aux Palestiniens la citoyenneté serait dangereux et que seule la  séparation peut garantir l’existence d’un état démocratique juif.
"C’est de la démagogie. Si le Sionisme signifie "aussi  peu que possible pour les Arabes" alors je ne l’accepte pas. Jabotinsky  ne l’a pas accepté non plus. Vous appelez ça le Sionisme : aussi peu  d’Arabes que possible en Israël ? C’est le Sionisme d’[Avigdor]  Lieberman. Si ce que veut dire la rhétorique de Tsipi Livni c’est que  nous voulons le moins d’Arabes possible en Israël, alors c’est proche de  ce que dit Lieberman. Les gens ne devraient pas exploiter ce que je dis  pour leurs propres buts. Ce que je veux dire est que, avant toutes  choses, nous devons nous concentrer sur la population arabe d’Israël et  spécialement les musulmans. C’est un processus à deux niveaux. Seulement  après, dans bien des années, il sera possible d’envisager d’intégrer  des minorités supplémentaires et alors peut-être les Arabes qui habitent  de l’autre côté de la Ligne Verte (frontière de l’ONU de 1947 NdT)  diront que la vie est agréable en Israël -pas dans le but de nous  submerger démographiquement mais simplement parce que c’est vrai. Nous  n’y sommes pas encore.
UN SEUL PAYS
Si Elitzur et Arens représentent l’aspect politique de  la vision d’un état commun aux deux peuples, Emimy Amrousi s’intéresse à  son aspect quotidien. Amrousi qui habite dans la colonie de Talmon en  Cisjordanie milite dans l’association Eretz Shalom (Terre de Paix) qui  organise des réunions entre les colons et les Palestiniens pour parler  des intérêts locaux des deux communautés et pas nécessairement des  pièges politiques. Elle aussi reconnaît qu’il faudra dans un futur  lointain accorder la nationalité à tous le monde. "Mais ne faites pas de  moi un avocat de la solution d’un état" dit Amrousi. "A la fin cela  arrivera sûrement mais nous en sommes encore très loin. Nous ne sommes  pas comme le mouvement Canaanite : nous ne renonçons pas à l’état  d’Israël ni au drapeau d’Israël".

  Et donc tant que nous n’aurons pas atteint l’égalité à laquelle nous aspirons, nous devrons nous contenter du statu quo ?
"Non, je n’aime pas non plus le statu quo parce qu’il  n’est pas moral du tout. On ne peut plus tolérer une situation qui fait  que nos voisins palestiniens doivent traverser trois checkpoints pour  aller d’un village à un autre. Il y a là une aberration -même si c’est  pour des raisons sécuritaires logiques- mais quelque chose a mal tourné  en cours de route et nous ne pouvons plus l’accepter.
"Le mot "citoyenneté" est très nationaliste et très  politisé. Nous ne l’utilisons pas à Eretz Shalom, nous parlons de  relations entre voisins. Il n’y a pas ici de relations entre voisins car  soit nous sommes ennemis soit nous sommes transparents les uns aux  autres. Et les seules relations qui existent s’apparentent à celles d’un  cavalier avec son cheval. Il faut construire une base avant de parler  de citoyenneté et d’un système judiciaire. Nous devons parler leur  langue et nous pourrions même partager une piscine car chez eux comme  chez nous les hommes et les femmes se baignent séparément. Ca n’est  peut-être pas pour tout de suite mais nous devons penser d’abord à la  vie quotidienne. Je sais que cela ressemble à de la citoyenneté  conditionnelle  - dire qu’ils doivent d’abord être de bons voisins et  qu’ensuite je leur octroierai la citoyenneté- mais je veux vraiment  parler d’un processus qui part de tout en bas".

  De  tout en bas ou de tout en haut, à la fin nous aurons un état dont les  paramètres démographiques et géographiques seront bien différents de ce  que nous connaissons aujourd’hui.
" La démographie est en effet une menace, mais l’autre  menace est pire. Le prix le plus cher à payer serait d’avoir à couper ce  pays en deux avec une partie qui surplombe l’autre topographiquement.  Je ne peux pas parler aux Israéliens que je rencontre sur la plage de  Tel Aviv de la citoyenneté et des Palestiniens parce qu’ils ressentent  cela comme une menace. Toute la situation est faussée. Nous avons fait  des erreurs, nous sommes arrivés au mauvais endroit et nous devons  encore faire beaucoup de chemin mais finalement il n’y aura ici qu’un  seul espace. On ne peut pas encore parler d’un seul pays mais en  attendant on peut parler d’une seule terre".
On peut considérer avec cynisme Eretz Shalom, la  décision d’Amrousi d’apprendre l’Arabe et le projet des colons de Talmon  de construire un abri pour les ouvriers palestiniens qui attendent le  contrôle de sécurité au checkpoint de l’entrée de leur colonie. Très  tardivement, pourrait-on dire, et sous la menace d’une évacuation voilà  que Gush Emounim découvre les vertus de la colonisation éclairée. Mais  il y a un autre côté aussi à tout cela : l’impression que le centre  israélien, obsédé par l’idée de la séparation a négligé la question des  rapports avec la population arabe des deux côtés de la Ligne Verte.  Est-ce une coïncidence si Amrousi a choisi de décrire la réalité de la  Terre d’Israël par l’expression "un seul espace" utilisée par les  sociologues critiques de la gauche radicale ?
Prof. Yehouda Shenhave, qui appartenait autrefois à  "l’Arc en ciel Démocratique Séfarade" et qui est le directeur du journal  "Théorie et Critique" depuis 10 ans, croit que la conception de la  réalité de la droite, telle qu’elle est décrite ici, est plus précise et  plus honnête que le concept de deux états de la gauche. Dans son  dernier livre "l’époque de la Ligne Verte" (Am Oved, Hebrew) Shenhave  revient sur ce qu’il appelle la vraie origine du conflit, c’est à dire  1948 et non pas "le paradigme flou et dévastateur selon lequel tout  était formidable jusqu’en 1967 date à laquelle tout s’est mis à aller de  travers" comme l’écrit David Grossman dans "Le vent jaune". Shenhav  rejette à la fois la solution de deux états et celle "d’un état pour  tous ses citoyens". Il affirme que le seul modèle viable serait un état  qui reconnaîtrait les particularités des différentes communautés -  juives et palestiniennes - qui vivent dans l’espace entre la mer et la  rivière du Jourdain.
"Le diagnostique de la droite est exact" dit Shenhav qui  ajoute aussitôt " Mais soyons précis : Il ne s"agit pas de toute la  droite. La plupart de ses membres ne parlent pas ainsi. Mais il y a une  minorité qui analyse la réalité d’une manière moins hypocrite et moins  répressive que les gens de gauche qui soutiennent la solution de deux  états. La majorité de la gauche ne peut pas comprendre une conception de  l’espace qui soit homogène. les Juifs et les Palestiniens sont des  jumeaux siamois. L’idéologie de l’état juif prônée par les diserts  porte-parole de la gauche essaie de séparer les différents groupes  palestiniens et prend leur séparation pour un fait accompli. Au  contraire, Rubi [Reuven] Rivlin et Moshe Arens ont bien compris que,  quelque soit le côté de la Ligne Verte où ils vivent, ce sont tous des  Palestiniens.
" Je ne suis pas d’accord avec la mal que les colonies  font" continue Shenhav "Mais il faut reconnaître que le diagnostic  politique des colons est le bon. D’une manière ou d’une autre nous  l’apprendrons tous et la seule question est combien de sang sera versé  dans le processus. J’ai écrit exactement ce que la droite dit  aujourd’hui : la guerre de Gaza est le modèle de ce qui se passera s’il y  a une séparation dans l’avenir".

  Les  frontières de 1967 sont acceptées par la communauté internationale. La  gauche s’oppose au vol de terres qui a lieu dans l’est et au fait qu’une  colonie comme Ofra est situé sur une terre appartenant à des  Palestiniens.
"Quelle est exactement la différence entre Ofra et Beit  Dagan qui est situé sur [l’ancien village de] Beit Dajan ? Est-ce que  les 19 années qui séparent 1948 de 1967 font qu’une colonie est morale  est l’autre non ? Dans mon livre je cite Uri Elitzur qui dit "Vous [la  gauche] vous avez expulsé les Palestiniens en 1948, vous ne les avez pas  laissé revenir, vous avez établi des colonies sur tous leurs villages  et ensuite vous avez construit le mur de séparation et maintenant vous  venez vous plaindre alors que nous nous n’avons pas détruit un seul  village de Cisjordanie - pas même un seul- pour construire une colonie.
"Le paradigme de 1967 est destiné à permettre à la  gauche de vivre à Tel Aviv sans être dévorée par le remords" continue  Shenhav, "Les colonies seront sacrifiées pour réparer ce qu’ils ont fait  aux Palestiniens en 1948. Les colons paieront pour les péchés de la  gauche. Yossi Beilin et son initiative de Genève et tous les autres  veulent préserver ce qu’a réalisé l’élite ashkenaze".
"Entendons-nous bien : Je ne défends pas la vision de la  droite. Je voudrais seulement que la gauche écoute ce que la droite a à  dire. Il faut prendre le diagnostic de la droite et le développer dans  le cadre moral de la gauche en une vision capable de créer un avenir qui  reflète les valeurs de la gauche -et non pas le nationalisme, non pas  un empire juif".

  Vous considérez-vous comme quelqu’un de gauche ou de droite ?
Je ne sais pas. Dans mes écrits j’ai défendu le droit  [des Palestiniens] au Retour et je suis contre l’évacuation des  colonies. Alors qu’est-ce que ça fait de moi ?"
UNE GRANDE FRANCHISE
Les supporters du concept de deux états ne cessent de  mettre en garde contre le danger de ne pas saisir toute les occasions  d’établir un état palestinien. Maintenant que la droite a commencé à  parler de la solution d’un seul état, y aura-t-il encore de telles  occasions ? Bien sur, répond Gady Baltiansky, directeur général de  l’Initiative de Genève : "Mais j’apprécie la sincérité de ceux qui  parlent sans détours en ce moment. La droite a toujours parlé en termes  négatifs. Tzipi Livni a fait remarquer une fois que les discours du  Likoud commençait toujours par le mot "non". Non à un état palestinien,  non à l’évacuation, non, non et encore non. Maintenant il y a des gens  de la droite qui parlent avec beaucoup de franchise de ce qu’il faudrait  faire, même si certains d’entre eux hésitent encore à le faire en  public.
"Je n’ai jamais aimé les divisions entre "le camp de la  paix" et "le camp nationaliste", continue Baltiansky. "Le fait est que  je ne suis pas moins nationaliste que la droite et qu’elle veut la paix  tout autant que nous. En Israël il y a le camp de deux états et le camp  d’un état, le camp binational et il faut choisir entre les deux. Mais la  droite ne doit pas se faire d’illusions : Un seul état juif ne sera pas  la solution mais la poursuite du conflit. Il y aura des conflits à  propos du drapeau et de l’hymne national et des programmes scolaires et  ce sera insupportable".
Pour le moment accorder la citoyenneté aux Palestiniens  ne fait pas partie du programme de la droite. Selon le leader du Yesha  council, Danny Dayan : "Ce n’est pas une idée réaliste. Dans les  circonstances actuelles, cela pourrait mettre en danger la spécificité  d’Israël. Sur le plan moral, ce sont les Palestiniens qui sont  responsables du fait qu’ils ne puissent obtenir de droits civils dans un  avenir proche. Ils ont rejeté tous les compromis et ont choisi la  guerre et maintenant ils paient pour leurs erreurs. Ce n’est pas de  l’apartheid, c’est ce qu’ils ont choisi".

  Alors quelle est la solution ?
"La solution pour les dizaines d’années qui viennent  c’est la statu quo, avec des améliorations par ci par là. De toutes les  possibilités c’est celle qui offre le plus de stabilité. Il faut dire  aussi que même ainsi les Palestiniens ont plus de droits que les autres  Arabes du Moyen Orient, sauf peut-être au Liban".
Fidèle a sa vision, Dayan la semaine dernière - avant le  meeting de Netanyahu avec le président des USA Barak Obama- s’activait à  bricoler une coalition des leaders des partis de droite de la Knesset.  Son but : Forcer Netanyahu à mettre fin au gel de la construction dans  les territoires à la fin septembre comme il l’a promis. D’autres membres  de la Knesset qui sont contre la solution de deux états comme Aryeh  Eldad (Union Nationale) et Danny Danon (Likoud) m’ont aussi dit que  donner la citoyenneté aux Palestiniens n’était pas dans leurs intentions  même devant la menace de l’émergence du projet pour deux états.
Et pourtant on a le sentiment que même ceux qui sont  contre cette idée ont modifié leur position récemment. Adi Mintz, un  ancien directeur du Yesha council a présenté un projet d’après lequel  aussitôt la situation sécuritaire stabilisée, Israël annexerait 60% de  la Judée Samarie et 300 000 citoyens palestiniens recevraient la  citoyenneté israélienne. Le statut du reste de la population et du  secteur serait réglé, selon ce projet, dans le cadre d’une solution  régionale dans un avenir plus lointain.
Le journal Makor Rishon qui penche à droite a récemment  consacré une édition à la possibilité de laisser des colonies sous  souveraineté palestinienne si la solution des deux états était mise en  oeuvre. La logique conduit à penser que si ceux qui soutiennent cette  proposition sont sérieux alors ils n’auront aucun problème a vivre dans  un état qui s’étendra de la Méditerranée au Jourdain, quel que soit ses  particularités.
De toutes manières, on verra bientôt si la reprise du  processus politique conduit à ne garder comme option que l’établissement  d’un état palestinien ou si l’opposition à un état palestinien provoque  un élan de soutien pour la solution d’un seul état. Ceux qui promeuvent  cette option disent que son plus grand handicap est qu’il n’y a jamais  eu aucun débat sur ses avantages et inconvénients. En sorte que des  questions essentielles comme la période de transition menant à la  citoyenneté, le problème des réfugiés, le statut de Gaza et même  bizarrement celle du nombre exact de Palestiniens n’ont pas été  sérieusement étudiées.
C’est pourquoi Hotovely désire publier une tribune sur  ce sujet, avec l’aide éventuelle de l’Institut de recherche  Américain :"Je voudrais que chacun comprenne les enjeux, d’autant plus  que [[ MKAhmed]Tibi (MK arabe israélien NdT) et moi sommes dans le même  parti. Le tabou qui interdit de mentionner une autre option que celle de  deux états est quasiment antidémocratique. C’est comme du lavage de  cerveau".
Note du traducteur : Les  Palestiniens sont appelés par Israël de deux manière différentes : s’ils  habitent à l’intérieur de la ligne verte et détiennent la carte  d’identité israélienne, alors ils sont appelés Arabes israéliens et  s’ils habitent dans les territoires occupés sous différents statuts ils  sont appelés Palestiniens. J’ai conserve cette distinction dans les  notes insérées dans le texte par mesure de clarté, bien que les  Palestiniens d’Israël en général détestent qu’on les appellent Arabes  israéliens.