Luis Lema
Le  gouvernement américain renonce à obtenir un gel de la colonisation de  la part des Israéliens pour favoriser la poursuite des négociations avec  les Palestiniens. Retour à la case départ
La faute à WikiLeaks, qui a  « causé une diversion » à Washington l’empêchant de se concentrer sur le  Proche-Orient, comme le disent les Israéliens ? Plutôt les incendies  qui ont fait rage sur le Mont Carmel, et qui ont « pleinement occupé »  le gouvernement de Benyamin Netanyahou, comme le rétorquait un peu vexé  un responsable du Département d’Etat américain ? Une chose est sûre :  personne n’avait réellement la tête à ça. Et l’administration  américaine, qui s’était essayée à un étrange exercice en mêlant cadeaux  et promesses à l’Etat hébreu afin d’obtenir un gel partiel de la  colonisation, se voit obligée de le concéder : c’est un échec [1]. Une fois de plus, un retour à la case départ.
Après des mois de surplace, les propositions américaines  avaient frappé par leur transparence le mois dernier : en échange d’un  gel de nonante jours des colonies israéliennes en Cisjordanie (mais non à  Jérusalem-Est), les Etats-Unis s’engageaient à offrir à Israël des  avions de combat dernier cri,  d’une valeur de 4 milliards de dollars. Ils promettaient aussi  d’utiliser leur influence et leur droit de veto au Conseil de sécurité  des Nations unies afin de contrecarrer toute velléité des Palestiniens de rechercher une reconnaissance internationale de leur Etat.
Cette offre, pourtant, n’a jamais été confirmée par  écrit. Les Israéliens en demandaient davantage, exigeant notamment que  la partie arabe de Jérusalem soit aussi comprise dans le marché. Ils  voulaient être sûrs qu’aucun piège ne les attendait au contour qui les  aurait forcés à poursuivre les discussions. Ils réclamaient en outre de  ne pas être tenus responsables si les négociations n’avaient pas donné  de résultats.
Aujourd’hui – alors que se sont déroulées entre-temps  les élections américaines de mi-mandat et que la rentrée politique  promet d’être chahutée – les Américains le reconnaissent entre les  lignes : ils ont fait fausse route. Placées sous le tic-tac de  l’horloge, les négociations promettaient de s’embourber rapidement. Les  Palestiniens souhaitaient soulever immédiatement la question du tracé  des frontières. Les Israéliens n’entendaient évoquer d’abord que les  thèmes liés à la sécurité. Au 91e jour, l’échec prévisible des  discussions aurait laissé les deux camps exsangues et aurait placé la  région au bord de l’explosion.
Pourquoi dès lors s’être aventuré si loin ? Certains  sont persuadés que Washington n’aurait pas pu agir de la sorte s’il  n’avait dessiné un « plan B » dans le même temps. Des négociations  secrètes, dans le style du processus d’Oslo, qui montreront bientôt  combien tout le monde s’est fourvoyé en prédisant le pire ? Si  l’existence de ces négociations se vérifiait, la surprise serait de  taille : tous les signes semblent prouver le contraire. « C’est une  crise. C’est une impasse, s’emportait à Ramallah le responsable  palestinien Nabil Chaath, selon la télévision Al Jazira. Il n’y a pas moyen de remettre ce processus sur les rails. »
De fait, le sous-secrétaire d’Etat américain, Philip Crowley,  semblait reconnaître que la situation risquait d’être plus compliquée  encore pour les Etats-Unis après ces mois de tentatives chaotiques.  Entre-temps, plusieurs Etats latino-américains ont en effet annoncé leur  intention de reconnaître l’existence d’un futur Etat palestinien s’il  venait à être proclamé à l’ONU. « Nous ne sommes pas en faveur de ce  genre d’actions, expliquait-on au Département d’Etat. Comme nous l’avons  dit très, très souvent, nous pensons que toute action unilatérale est  contreproductive. »
Cette démarche coûtera-t-elle un veto aux Américains,  contraints de l’utiliser en dehors du marché recherché avec Israël ?  L’Etat hébreu semble confiant. Ron Dermer,  un proche du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, en venait  même à expliquer que le gouvernement israélien n’avait pas abandonné  l’idée de recevoir aussi, malgré tout, les 20 avions de combat promis…
D’ici là, la cheffe de la diplomatie, Hillary Clinton,  recevra ses prochains jours plusieurs responsables israéliens et  palestiniens, à qui elle devrait exposer le « regard neuf » qu’entend  porter Washington sur toute la question. A Washington, on évoque le  retour à des « discussions de proximité », soit des négociations  indirectes menées par l’intermédiaire des Américains. Un « regard neuf »  qui fait rire jaune les Palestiniens. « C’est comme organiser une fête  de fiançailles après un mariage. Cela n’a aucun sens », s’exclamait le député palestinien Mustafa Barghouti.
[1]  . N’oublions pas que, bien que soumis à de multiples pressions en  faveur d’Israël, son "parrain" tout puissant a à sa disposition les  moyens d’imposer sa volonté.  Il ne s’agit pas ici d’une erreur  d’appréciation d’une administration Obama qui aurait la tête ailleurs,  mais bien de choix politique et stratégique large et aussi de l’absence  de courage politique qui caractérise les gouvernements US quand  approchent des échéances électorales où le lobby pro israélien pèse  lourd. Au lieu d’offrir à l’Etat qui viole le droit de façon  systématique des armes supplémentaires -militaires et politiques,  le  courage et la clairvoyance politiques au niveau global seraient par  contre une politique ferme de sanctions, en application du droit  international, seule solution  politique efficace, qui a fait ses  preuves ailleurs. Démarche d’ailleurs  encouragée et réclamée par des pans de plus en plus larges des sociétés  occidentales qui se lancent avec espoir dans les campagnes de Boycott,  Désinvestissement, Sanctions auxquelles appelle la société civile  palestinienne (et plus récemment l’ANP), avec le soutien des militants  anticolonialistes israéliens.