Ilan Pappé
          Les tambours de guerre se font entendre à nouveau en Israël et  s’ils sont audibles, c’est qu’une fois de plus l’invincibilité d’Israël  est en cause.         
Gaza,  janvier 2009 - Jeune garçon palestinien tué lors de l’offensive  israélienne - L’armée sioniste est une armée composée de pleutres et de  lâches - dirigée par des criminels endurcis - et qui ne sent à son  affaire que lorsqu’elle massacre des civils sans défense, en usant d’une  force militaire hors de toute mesure - Photo : EPA
En dépit de la rhétorique triomphaliste que l’on trouve  dans les rapports commémoratifs des différents médias, deux ans après  l’opération « Plomb durci », le sens qui domine est que cette campagne a  été un échec comme l’a été la deuxième guerre contre le Liban en  [juillet] 2006. Malheureusement, les dirigeants, les généraux et le grand  public dans l’Etat juif ne connaissent qu’un moyen de traiter les  débâcles militaires et les  fiascos.  Ils ne peuvent être dépassés que par une autre opération ou guerre qui  réussisse, à condition qu’elle soit menée avec plus de force et soit  plus impitoyable que la précédente, avec l’espoir de meilleurs  résultats.
La force, comme l’expliquent les commentateurs de  premier plan dans les médias (se faisant les perroquets de ce qu’ils  entendent dire par les généraux de l’armée), est nécessaire afin de  « dissuader », de « donner une leçon » et « d’affaiblir » l’ennemi.
Il n’y a pas de nouveau plan pour la bande de Gaza - il  n’y a pas de volonté réelle de l’occuper et de la placer sous occupation  israélienne directe. Ce qui est suggéré est de meurtrir la bande de  Gaza et son peuple une fois de plus, mais avec plus de brutalité et dans  un temps plus court.
On peut se demander, pourquoi ceci porterait-il des  fruits différents que « l’Opération Plomb durci » ? Mais ce n’est pas la  bonne question. La bonne question est : que peut vouloir faire d’autre  l’élite politique et militaire d’Israël (qui comprend le gouvernement et  les principaux partis d’opposition) ?
Cela fait des années qu’ils savent comment procéder en  Cisjordanie - coloniser, pratiquer le nettoyage ethnique et disséquer la  région jusqu’à sa mort, tout en restant publiquement fidèle au discours  futile sur la paix ou plutôt sur « le processus de paix ». Le résultat  final devrait être une Autorité palestinienne aux ordres dans une  Cisjordanie judaïsée à l’extrême.
Mais ils sont en panne complète d’idées sur la façon de  gérer la situation dans la bande de Gaza, depuis qu’Ariel Sharon a fait  son « désengagement ». Le refus de la population de Gaza de se séparer  de la Cisjordanie et du reste du monde semble plus difficile à vaincre,  même après le prix horrible en vies humaines que les Gazaouis ont payé  en décembre 2008 pour leur résistance.
Le scénario pour le prochain tour se déroule devant nos  yeux et il ressemble tristement à la même dégradation de la situation  qui a précédé le massacre de Gaza il y a deux ans : des bombardements  quotidiens sur la bande de Gaza doublés d’une politique qui cherche à  provoquer le Hamas afin de tenter de justifier davantage de voies de fait.
Comme l’explique un général, il est maintenant  nécessaire de prendre en compte les effets néfastes du rapport  Goldstone, à savoir que la prochaine attaque majeure devrait sembler  plus justifiée que celle de 2009 (mais cette préoccupation n’est  peut-être pas essentielle à ce gouvernement, et ne représente en rien un  obstacle).
Comme toujours dans cette partie du monde, d’autres  scénarios sont possibles - moins sanglants peut-être et porteurs de plus  d’espoir. Mais il est difficile de voir qui peut être à l’initiative  d’un autre avenir à court terme : la perfide administration Obama ? Les régimes arabes sans défense ? L’Europe sans caractère, ou les Nations Unies  handicapées ? La fermeté de la population de Gaza ainsi que celle du  peuple palestinien dans son ensemble font que la grande stratégie  israélienne pour les faire disparaître - comme le fondateur du mouvement  sioniste, Théodore Herzl, espérait le faire avec le peuple indigène de  la Palestine déjà à la fin du XIXe siècle - sera toujours tenue en échec.
Mais le prix à payer pour cela peut encore s’élever, et  il est temps pour tous ceux qui ont protesté d’une voix puissante et  efficace APRES le massacre de Gaza il y a deux ans, qu’ils le fassent  MAINTENANT et tentent de prévenir la prochaine guerre.
Cette voix est décrite en Israël comme une tentative de  « délégitimer » l’État juif. C’est la seule voix qui semble soucier  sérieusement le gouvernement et l’élite intellectuelle d’Israël  (beaucoup plus gênant pour eux que toute condamnation insipide venant  d’Hillary Clinton ou de l’Union Européenne). La première tentative pour  contrer cette voix a été de prétendre que la délégitimation était de  l’antisémitisme déguisé. Cela semble avoir fait long feu depuis qu’Israël a exigé de savoir qui dans le monde appuyait sa politique.
Et bien, il est apparu que les seuls sympathisants  enthousiastes de la politique israélienne dans le monde occidental  d’aujourd’hui sont les courants, les organisations et les politiciens  d’extrême droite, traditionnellement anti-sémites.
La deuxième tentative a été d’essayer de prétendre que  les tentatives ayant la forme du Boycott, du Désinvestissement et des  Sanctions, rendraient Israël plus déterminé à poursuivre sur sa voie et à  agir en État voyou [rogue state]. Toutefois, cela représente une menace vide de sens : la politique israélienne ne dépend pas de cette voix de moralité et de décence ; au contraire, cette voix est l’un des rares facteurs qui puissent limiter la politique agressive israélienne.
Et qui sait quand ?... Si les prochains gouvernements  occidentaux s’alignent sur leur public comme ils ont fini par le faire  concernant l’apartheid en Afrique du Sud, il peut être mis un terme à cette politique et rendu possible aux Juifs et Arabes de vivre en paix en Israël et en Palestine.
Cette voix est efficace parce qu’elle indique clairement le lien  entre le caractère raciste de l’État juif et la nature criminelle de  ses politiques envers les Palestiniens. Cette voix s’est récemment  structurée dans une campagne organisée et bien définie avec un message  clair : Israël restera un Etat paria aussi longtemps que sa  constitution, les lois et ses politiques continueront à violer les  droits fondamentaux de l’homme et de la société civile pour les  Palestiniens où qu’ils se trouvent, incluant le simple droit de vivre et  d’exister.
Ce dont nous avons  besoin maintenant, c’est que l’énergie - honorable mais totalement  futile -  investie par le camp de la paix israélien avec ses notions  importées d’occident sur la « coexistence » et les projets de  « dialogue », soit réinvestie avant qu’il ne soit trop tard dans une  tentative d’empêcher un autre chapitre génocidaire dans l’histoire de la guerre d’Israël contre les Palestiniens.
* Ilan Pappe est un  historien israélien, il est président du Département d’Histoire à  l’Université d’Exeter et co-directeur du Centre des Etudes Ethno  Politiques d’Exeter. 
 En 2007 il a publié « The Ethnic Cleansing of Palestine ».
                27 décembre 2010  - CounterCurrents - Vous pouvez consulter cet article à : 
http://www.countercurrents.org/papp...
Traduction : Samer
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