Lamis Andoni - Al Jazeera
          L’Union Européenne a permis depuis trop longtemps à Washington de dominer la diplomatie israélo-Arabe.         
Plusieurs  anciens dirigeants européens ont appelé l’UE à prendre une position  plus ferme sur la construction de colonies israéliennes- Photo :  Gallo/Getty
Plusieurs politiciens européens de premier rang ont  invité l’Union européenne (UE) à menacer l’Israël de sanctions s’il  continuait à établir des colonies juives sur le territoire palestinien  sous occupation.
Une lettre signée par notamment Mary Robinson, l’ancienne commissaire de l’UE, et Javier Solana,  l’ancien représentant des affaires étrangères de l’organisation,  réclame un plan européen pour une paix basée sur l’établissement d’un  état palestinien indépendant sur l’équivalent de « 100% du territoire  occupé [par Israël] en 1967, et avec pour capitale Jérusalem-est ».
Ces demandes formulées par un groupe de 26 anciens  dirigeants européens ne sont pas très différentes de la position  officielle de l’UE, mais cet appel représente une pression pour une  politique plus ferme qui inclut des mesures adaptées pour faire pression  sur Israël et le faire céder.
Parmi les suggestions se trouve la proposition que le  gel formel [non officiel] du développement des relations diplomatiques  avec Israël devrait être lié à la question des colonies. « L’UE a  toujours maintenu que les colonies sont illégales, mais elle n’y a lié  aucune mesure de rétorsion pour la construction et l’expansion  ininterrompues des colonies, » déclare la lettre qui a été envoyée aux gouvernements européens et aux institutions européennes.
L’UE est avant tout invitée à faire preuve d’une  certaine initiative et à prendre des décisions indépendamment de la  politique des Etats-Unis qui ont jusqu’ici dominé tous les efforts  diplomatiques pour résoudre le conflit israélo-arabe - un fait longtemps  désiré par Palestinians qui ont toujours été déçus par la faiblesse de l’Union Européenne face à Washington.
Domination duc champ diplomatique
Une politique européenne indépendante, et offensive,  pourraient nettement changer la dynamique des relations internationales,  en particulier quant elle se rapporte au Moyen-Orient. Mais le fait que  les signataires de la lettre  soient des responsables politiques qui ont jusqu’à récemment tenu des  positions fortes à travers l’Europe, indique non seulement l’ampleur du  ressentiment européen concernant le statu quo mais également l’incapacité du continent de se détacher librement de la politique extérieure des USA.
Dès le début des négociations israélo-arabes, qui ont  commencé par la conférence de Madrid en 1991, l’Europe a joué un rôle  actif mais secondaire - laissant les Etats-Unis dicter les limites du  processus.
Historiquement, les Etats-Unis étaient si soucieux  d’exclure d’autres pays qu’ils ont activement voulu empêcher une  conférence de paix internationale sur le conflit du Moyen-Orient,  jusqu’à ce qu’il ait été clair que l’Union Soviétique était au bord de  l’effondrement. Une fois celle-ci disparue, les Etats-Unis pouvaient  monopoliser entièrement le champ diplomatique.
En même temps que cette suprématie, c’est la politique  de Washington qui a dominé, avec pour principal objectif l’assurance  qu’Israël maintienne un niveau militaire et politique sans concurrence.  Ceci a été garanti en empêchant d’autres pays ou institutions de  participer aux négociations asymétriques.
La principale différence entre les Etats-Unis et l’UE  est que la plupart des pays européens, au moins dans leurs discours,  croient qu’une solution au conflit israélo-arabe doit être basée sur le droit international et les résolutions des Nations Unies,  alors que les Etats-Unis cherchent à nier ces dernières pour s’assurer  que n’importe quelle solution sera basée sur des faits imposés par  Israël sur le terrain.
Mais en dépit de cette attitude politique différente,  l’UE est pour l’essentiel reléguée derrière Washington - soutenant et  facilitant le processus de négociation contrôlé par les Etats-Unis.
Cette déférence envers les Etats-Unis comme  superpuissance unique n’est pas confinée au conflit israélo-arabe. Plus  largement l’Europe n’a pas clairement contesté la puissance des  Etats-Unis ou n’a pas cherché une plus grande parité dans son alliance -  ce qui est peut-être spécialement démontré dans son suivisme obéissant  vis-à-vis de Washington dans les guerres désastreuses d’Irak et  d’Afghanistan.
Le moment de se mutiner ?
Mais ce n’est pas seulement la faiblesse de l’Europe qui  a permis aux Etats-Unis de fixer les paramètres des relations  occidentales avec la région. Les Arabes doivent également être blâmés de  maintenir l’illusion que la clef de la paix soit dans les mains de  Washington. Les officiels arabes se plaignent souvent que l’Europe n’a pas répondu à  leurs attentes et a laissé la région vulnérable face aux Etats-Unis,  mais les officiels européens, pour leur part, estiment que la soumission  arabe envers Washington a miné les efforts de l’Europe pour renforcer  son rôle.
Les deux parties semblent peu disposées à se libérer de  la poigne des Etats-Unis sur les relations internationales. Il est important de noter que les positions européennes varient - avec  la Grande-Bretagne, l’Allemagne, et dans une certaine mesure, la France,  jouant le rôle des principaux soutiens européens à la politique  extérieure des Etats-Unis. Mais le fait que la lettre ait été signée par d’ex-responsables de ces pays - comme Chris Patten, un ancien membre britannique de la Commission européenne, Helmut Schmidt,  un ancien chancelier allemand, et Hubert Védrine, un ancien ministre  des affaires étrangères français - indique l’ampleur de la frustration  européenne face au soutien total apporté par Washington à Israël.
Israël, qui a été rapide à condamner la lettre, a  toujours prétendu que « l’hostilité » de l’Europe affectait son rôle  dans le processus de paix, alors que les Etats-Unis ont pareillement  utilisé l’argument que leur « rapport spécial » avec Israël les  mettaient en meilleure position pour encourager les Israéliens à faire  des concessions. Mais cet argument est seulement partiellement vrai.  Israël doit être influencé par l’Europe, parce que il ne peut tenir  aucune position dans le monde avec le seul appui des Etats-Unis.
Le lobbying israélien permanent en Europe et la  contrariété d’Israël face à des campagnes populaires européennes pour la  solidarité avec les Palestiniens ont à plusieurs reprises indiqué  qu’Israël employait l’argument de « la force » afin d’exercer son chantage sur l’Europe et se dégager des pressions internationales.
Il est difficile de mesurer l’impact de la lettre, mais  le moment choisi pour sa publication suggère que les signataires croient  que les campagnes européennes populaires croissantes contre les actions  d’Israël justifient un passage de l’UE des paroles aux actes. Il est  temps pour l’Europe de jouer le rôle qui doit être le sien, et que les  Palestiniens ne soient pas les seuls perdants de la subordination  européenne à l’égard de Washington.
Maintenant que les Etats-Unis ont abandonné leurs  efforts pour obtenir un gel de la colonisation comme prélude aux  négociations, l’Europe doit mettre un terme au monopole des Etats-Unis  sur la diplomatie pour la paix. Les Etats arabes et les Palestiniens  doivent également appuyer cette révolte d’ex-responsables européens de  premier plan [Europe’s grandees], comme les appelle The Guardian, et devraient commencer par retirer certains de leurs oeufs du panier de Washington.
* Lamis Andoni est une analyste et une commentatrice des questions du Moyen-Orient et de la Palestine.