Roland Lombard - Témoignage Chrétien
          Roland Lombard, universitaire et lecteur de Témoignage  chrétien, s’est rendu à Gaza dans le cadre d’un colloque scientifique  organisé par l’université Al-Azhar. Il décrit une population qui résiste  à l’humiliation, la pauvreté et l’isolement.         
Le pays commence juste après la dune,  passés les barbelés et les humiliations. Il s’est construit de pierres  millénaires et dévoile ses loques, restes squelettiques des récents  bombardements aux relents de phosphore. Il vit d’une eau impropre à la  consommation et trompe son désespoir dans le sourire d’une mer qui le  berce, d’une mer polluée à l’endroit du Wadi Gaza, terre marécageuse à la biodiversité menacée.
Une conférence pluridisciplinaire, dédiée aux sciences fondamentales et appliquées, organisée par l’université Al-Azhar,  nous a fourni l’occasion, à mon épouse et moi, d’entrer dans la bande  de Gaza, de prouver d’une manière concrète notre solidarité envers nos  collègues palestiniens, envers tous les Gazaouis incarcérés dans un  territoire minuscule  du fait de l’occupant et de la lâcheté des gouvernements occidentaux.  Un million et demi de personnes soumises à un siège implacable.
Tunnel
L’autorisation n’a été délivrée par les autorités  égyptiennes que quarante-huit heures avant l’ouverture de la conférence.  Course effrénée au billet d’avion, bouclage des valises dans  l’affolement d’un départ précipité.
L’arrivée à Rafah par Le Caire est éprouvante. Trajet  ponctué de contrôles, fonctionnaires déplaisants, méprisants à l’égard  des Palestiniens. Tout est fait pour décourager les aventureux et sans le bénéfice d’une mission dûment acceptée, la frontière est fermée.
On peut tenter de pénétrer par les tunnels, moyen auquel sont réduits parfois les Palestiniens de la diaspora pour aller embrasser leurs proches.
L’accueil par les Palestiniens est évidemment tout autre. On est très chaleureusement reçu  dans ce pays qui manque de tout, au chômage endémique, où l’espérance  de vie est conditionnée par un désastre écologique sciemment entretenu  par l’occupant, où le confinement de la population entraîne des séquelles psychologiques.
« La bande de Gaza dévoile ses restes squelettiques des récents bombardements aux relents de phosphore »
(Photo Roland Lombard)
Sans parler des problèmes économiques. Mais la lutte,  la résistance est manifeste à chaque instant, dans chaque activité. Les  Gazaouis risquent de succomber aux violences qu’ils subissent mais  ils mourront debout. Près de soixante mille étudiants fréquentent les trois universités.
Les chances de trouver un emploi correspondant à son  diplôme sont minimes. Qu’importe ! L’éducation est une façon de résister  à la barbarie de l’État israélien, à la déshumanisation que l’occupant  voudrait imposer. L’éducation et la culture.
S’il est difficile de résumer une conférence dont les  thèmes couvraient un large spectre allant de la biologie aux  mathématiques, en passant par la chimie, la physique, les sciences de  l’environnement, l’impression générale qui s’en dégage souligne la  maîtrise des enseignants palestiniens et les efforts qu’ils fournissent pour dispenser un enseignement de qualité.
Plusieurs sources indépendantes relèvent le bon  niveau de formation des étudiants palestiniens, le taux élevé de  réussite dans les écoles doctorales européennes ou états-uniennes, leur  motivation. La recherche est souvent tributaire des coopérations  établies avec l’extérieur.
Coupures de courant
Les moyens sur place sont limités, l’occupant  interdisant l’importation des matériaux indispensables à la maintenance  des appareils, pièces de rechange ou azote  liquide, par exemple. Le renouvellement de l’appareillage est également  rendu pratiquement impossible. Les coupures de courant, fréquentes,  mettent en péril les matières stockées dans les congélateurs.
Nonobstant ces difficultés, les chercheurs gazaouis produisent des mesures qui peuvent avoir un impact international.  C’est le cas des études menées sur les sujets se rapportant à la santé  publique, les effets des bombes au phosphore sur la contamination des  sols.
Les sciences de l’environnement sont également en pointe,  et dans le même temps révélatrices de la catastrophe attendue si rien  n’est entrepris pour enrayer la dégradation constante de l’écosystème.
Le pays commence juste après la dune, après les barbelés  et les humiliations. Il se joue des turpitudes de l’occupant par sa  volonté de survie. Ce soir le sourire des « petites sœurs de Jésus »,  qui accompagnent les Gazaouis et que nous rencontrons, dit la paix de l’espoir au sein d’une situation amèrement noire.
Je repartirai avec cette double vision, celle du  cauchemar vécu et celle puisée dans le regard des enfants, le regard  d’une jeunesse qui ne demande qu’à vivre dans le respect de ses droits.