Jonathan Cook - The Dissident Voice
          Les Palestiniens seront les perdants, une nouvelle fois, écrit Jonathan Cook.         
Rencontre Clinton Netanyahu à New York, ce 11 novembre.
(AFP/Stan Honda)
En observant le processus de paix entre Israël et les  Palestiniens se traîner, année après année, sans aboutir, il est aisé  d’ignorer les énormes changements qui se sont opérés sur le terrain  depuis les Accords d’Oslo, signés il y a 17 ans.
Chacun de ces changements a contribué à saper le principal objectif des Palestiniens de parvenir à un Etat viable, que ce soit le quasi-triplement du nombre de colons juifs sur la terre palestinienne qui arrive maintenant à un demi-million, l’étranglement d’Israël qui se resserre sur Jérusalem-Est, le mur  qui annexe de fait de vastes parties de la Cisjordanie à Israël, ou la  division du mouvement national palestinien en deux camps rivaux après le  retrait d’Israël de la bande de Gaza en 2005.
Un nouveau recul et de même ampleur pourrait se produire  alors qu’Obama fait miroiter un ensemble de primes généreuses à la face  de Benjamin Netanyahu  pour tenter d’amener le Premier ministre israélien à renouveler pour  trois mois le gel partiel des constructions dans les colonies juives en  Cisjordanie.
La générosité de l’offre du Président US, qui comprend  20 avions de combat, pour une valeur 3 milliards de dollars, et un  soutien pour le maintien de la présence militaire israélienne dans la  vallée du Jourdain une fois déclaré l’Etat palestinien, cette générosité  est telle que même Thomas Friedman, du New York Times, l’a assimilée à un « pot-de-vin ».
 Les officiels israéliens ont dit hier qu’ils  attendaient de voir le texte de l’accord finalisé entre Netanyahu et la  secrétaire d’Etat US, Hillary Clinton, en sept heures de négociations.
En plus de la concession sur la vallée du Jourdain et de  l’offre des Jets de combat qui aurait pour effet de doubler l’aide  annuelle des USA, l’accord inclurait la promesse, par Washington, de  mettre son veto durant la prochaine année à toute résolution des  Nations-Unies à laquelle Israël s’opposerait et de s’abstenir, une fois  les frontières convenues, d’exiger de nouvelles limites à la croissance  des colonies.
Apparemment, Netanyahu va pouvoir obtenir le soutien de  son cabinet de droite à un gel court de la colonisation pour lequel,  cette fois, les Etats-Unis, comme ils l’ont bien indiqué, n’incluent pas  Jérusalem-Est.
Pour l’instant, dans ses efforts pour résoudre le  conflit, Obama a presque épuisé son capital politique. On a pressenti  cette semaine que la Maison-Blanche ne pouvait se permettre une  humiliation supplémentaire et qu’elle allait jouer le tout pour le tout.
Le calendrier des négociations désormais exige de  parvenir à un accord sur les frontières dans les trois mois - la durée  du gel des constructions dans les colonies -, suivi d’une résolution  définitive du conflit dans un an ou deux.
Dans la logique d’espoir de Washington, un gel sera  inutile dans trois mois puisqu’un accord sur les frontières aura déjà  établi si telle ou telle colonie était intégrée dans le territoire  d’Israël, et par conséquent autorisée à s’étendre, ou si elle était en Palestine et donc destinée à être détruite.
Dans le même esprit optimiste, les USA s’attendent  apparemment à ce que le problème des réfugiées soit purement et  simplement escamoté par la création d’un fond international spécial pour  les indemniser. Le droit au retour apparaît comme complètement hors négociations.
Si ces obstacles peuvent être surmontés de la sorte -  avec un très gros « si » -, il ne resterait plus qu’un point de discorde  important, l’avenir de Jérusalem-Est, à résoudre.
Et c’est là que les choses deviennent plus ardues. Les  USA ne proposent pas d’appliquer ce nouveau gel de trois mois à  Jérusalem-Est, vu les frictions entre Israël et les USA que provoquèrent  les constructions dans les colonies lors du dernier moratoire.
Cette concession et les grandes lignes d’une précédente proposition de paix US sous la présidence de Bill Clinton font penser à ce que sera  le plus probablement la stratégie de Washington. Jérusalem-Est sera  divisée, les grands blocs de colonie, qui abritent au moins 200 000  juifs, passeront à Israël, alors que la Vieille Ville et ses lieux  saints relèveront d’une souveraineté partagée compliquée.
Face à cette diplomatie US-israélienne intense, les  Palestiniens restent consternés. Ils ont qualifié l’accord entre les USA  et Netanyahu de « profondément décevant » et ils  demandent à la Maison-Blanche les mêmes primes généreuses pour faciliter  leur retour à la table de négociations. La Ligue arabe, qui a pris une  place importante dans la conduite des négociations palestiniennes,  s’oppose également à l’accord.
Les Palestiniens craignent qu’on leur laisse un  patchwork de zones déconnectées les unes des autres - qu’Israël appelle  déjà des « bulles » - pour leur capitale.
Si le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est capable d’avaler tout cela, ce qui semble hautement improbable, il lui faudra alors composer avec le Hamas,  la faction palestinienne rivale, dont on peut s’attendre à ce qu’elle  fasse tout ce qui est en son pouvoir pour mettre le holà à un tel  accord.
Et puis il y a Netanyahu. Peu d’analystes israéliens  pensent que, soudainement, il serait devenu plus intéressé par les  propositions US.
Neve Gordon, professeur de sciences politiques à  l’université Ben Gourion et auteur d’une importante étude sur  l’occupation, pense que le Premier ministre israélien est simplement en  train d’entrer dans le rôle que veut lui faire jouer Obama.
« Il va prendre la "marchandise"  proposée par les USA, mais il tiendra ferme sur les questions clés qui  assurent l’échec des négociations. De cette façon, il gagnera le mérite  d’avoir laissé se dérouler les négociations, et il laissera les  Palestiniens endosser la responsabilité d’être sortis des négociations. »
Cela  ressemble étrangement à une répétition des dernières négociations de  paix, à Camp David en 2000. L’intransigeance israélienne a bloqué les  négociations, mais c’est Yasser Arafat, le dirigeant palestinien, qui a été accusé par les USA et Israël de les avoir fait échouer.
L’échec de Camp David a conduit au déclenchement de la violence palestinienne, la Deuxième Intifada, et à la disparition  du camp de la paix israélien. Mr Netanyahu pourrait être tout disposé à  prendre le risque d’un remake pour de tels résultats aux pourparlers,  si cela lui permet d’éviter toute véritable concession sur un Etat palestinien. 
Ses derniers livres sont : Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle East (Pluto Press) et Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair (Zed Books)
                17 novembre 2010 - The Dissident Voice - traduction : JPP