Karim Lebhour
Près  de vingt ans après le début du processus de paix entamé à Madrid en  1991, l’Etat palestinien n’a toujours pas vu le jour. Mohammed Shtayyeh,  négociateur palestinien et proche conseiller de Mahmoud Abbas, évoque  avec RFI la stratégie palestinienne en cas d’échec des discussions et la  possibilité de saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies.
Depuis la fenêtre de son  bureau dans les faubourgs de Ramallah, Mohammed Shtayyeh a une vue  imprenable sur les maisons alignées au cordeau de Psagot, une colonie  plantée sur une colline dominant la ville. « Ce n’est pas qu’un problème  de principe, assure le négociateur palestinien. Certaines villes comme  Qalqilya (nord) sont déjà complètement entourées par les colonies  israéliennes. C’est une menace directe sur l’établissement d’un Etat  palestinien ».
Le nouveau cycle de pourparlers lancé à Washington par  le président Barack Obama, le 2 septembre dernier, bute toujours sur le  refus israélien de prolonger le gel des constructions dans les  implantations juives de Cisjordanie et le refus palestinien de négocier  sans avoir obtenu ce gel.
« Ce processus ne mène nulle part. Nous négocions depuis  dix-neuf ans et les Israéliens continuent de prendre notre terre et nos  ressources en eau. L’Autorité palestinienne est une autorité sans  autorité. Nous ne faisons rien de plus que de la gestion municipale avec  l’argent des pays donateurs : une route par-ci, une école par-là. La  décision de mettre un terme à l’occupation ne doit pas être laissée aux  seuls Israéliens. Ils ne sont pas prêts à nous accorder davantage qu’une  autonomie. La communauté internationale doit réfléchir à des  alternatives. Le statu quo est intenable ».
L’entourage du président palestinien s’est persuadé  qu’il ne faut plus compter sur les seules négociations pour parvenir à  l’établissement d’un Etat et préparer la prochaine étape. Une fois  expiré le délai d’un mois fixé au 8 novembre par la Ligue arabe pour  l’extension fort peu probable du gel des constructions israéliennes, les  dirigeants palestiniens comptent dévoiler leur plan B : saisir le  Conseil de sécurité des Nations unies pour obtenir la reconnaissance de  l’Etat de Palestine, sans attendre le consentement d’Israël.
« Dans un premier temps, nous demanderons aux Etats-Unis  de reconnaître l’Etat palestinien dans les frontières de 1967  (Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est, ndr). En cas de refus, nous irons  devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Si le Conseil nous oppose un  veto, nous pourrons encore nous retourner vers l’Assemblée générale et  demander l’activation du mécanisme « Union pour le maintien de la paix »  par lequel l’Assemblée peut se substituer au Conseil de sécurité en cas  de blocage. Enfin, nous pouvons également demander que les Territoires  palestiniens soient placés sous la tutelle de l’ONU. Toutes ces options  sont sur la table ».
Cette perspective a été immédiatement rejetée par le  chef du gouvernement israélien Benyamin Netanyahu, menaçant les  Palestiniens de représailles en cas de « mesure unilatérale ». « Les  Nations unies ne peuvent pas créer un Etat. La ligne verte (qui sépare  Israël des Territoires palestiniens) n’a pas d’existence officielle. Et  de toute façon, quel gouvernement palestinien serait reconnu : celui du  Hamas à Gaza ou celui du Fatah en Cisjordanie ? remarque Ygal Palmor, le  porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères. Sur le  plan diplomatique, les Palestiniens marqueront peut-être des points,  mais ça ne changera rien sur le terrain. Les lendemains de fête seront  douloureux », prédit-il. Mohammed Shtayyeh fait au contraire le pari  qu’il sera beaucoup plus difficile pour Israël de justifier l’occupation  de l’Etat de Palestine auréolé d’une reconnaissance internationale.
« Si l’ONU nous accorde cet acte de naissance, ce sera  la première fois qu’un Etat de Palestine est officiellement reconnu dans  les frontières de 1967. Cela peut changer le rapport de force dans les  négociations avec Israël. En cas de refus, nous conservons une dernière  option : revenir à l’occupation israélienne totale et laisser le  gouvernement israélien prendre en charge totalement la gestion des  Territoires occupés. Nous entrerons alors dans une nouvelle forme de  lutte. Un homme, une voix dans le cadre d’un seul Etat, comme en Afrique  du Sud ».