Vittorio Arrigoni
          Il a lutté toute la nuit dans un lit d’hôpital entre la vie et  la mort, mais Saliman, l’étudiant palestinien âgé de vingt ans, touché  le 26 septembre à la frontière par un tireur d’élite israélien, semble  maintenant hors de danger.         
Photo : Vittorio Arrigoni
La dernière victime d’une frontière à l’Est de la Bande de Gaza  qui, presque chaque jour, engloutit des vies humaines grâce aux tours  de surveillance munies de mitrailleuses à la détente facile, aux chars  d’assaut, aux jeeps, aux drones, aux hélicoptères Apache et aux avions  F16. Saliman Abu Hanza a été touché par un tireur d’élite durant les  manifestations qui, le matin du 26 septembre, ont vu se rassembler  devant la grille de barbelés des centaines de Palestiniens, accompagnés  de quelques journalistes et des activistes de l’International Solidarity Movement,  venus pour demander haut et fort la fin du siège criminel, l’arrêt de  la prolifération des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie et  pour revendiquer le droit de fouler leur terre légitime devant la  frontière.
Les manifestations non-violentes ont eu lieu  simultanément à 11h dans trois zones de la Bande de Gaza : au Nord-Est, à  Beit Hanoun, et au Centre-Est, à Al Maghazi, les militaires israéliens  ont tiré vers les manifestants, heureusement sans faire de blessés,  alors qu’à Faraheen, près de Khan Younis, les tireurs d’élite sont  entrés en action. Kamal, un ami de Saliman, décrit ce qui s’est passé :  « J’étais avec Saliman et nous marchions ensemble, nos drapeaux en main,  vers la ligne de frontière. Lorsque les jeeps sont arrivées, les  soldats israéliens ont aussitôt commencé à nous tirer dessus et j’ai fui  à l’arrière pour tenter de me mettre à l’abri. Soudain, j’ai vu mon ami  tomber, touché à l’estomac. Un seul coup, clairement ciblé, parti du  fusil de précision d’un tireur. »
Photo : Vittorio Arrigoni
Aidé par d’autres jeunes, Kamal a pris sur ses épaules  le corps de son ami blessé alors qu’il perdait déjà beaucoup de sang.  Ils l’ont traîné sur 500 mètres jusqu’à un triporteur qui l’a emmené à  l’hôpital Europa de Khan Younis. Lorsqu’il est entré en salle  d’opération, il se trouvait dans une situation critique : « De sérieuses  lésions à l’abdomen, trois à l’intestin, à la veine iliaque et au  rectum. Il a déjà subi une série d’interventions chirurgicales et de  nombreuses transfusions sanguines, les prochaines 24 heures sont  cruciales », a déclaré le médecin qui l’a pris en charge.
Comme cela est arrivé pour le meurtre d’Ahmed Deeb,  tué le 28 avril dernier durant une autre manifestation non-violente à   la frontière, le tireur israélien a utilisé un type de munition  particulier contre Saliman Abu Hanza, munition appelée communément  ‘dum-dum’ : ce projectile se fragmente au moment de l’impact, engendrant  de très graves lésions internes et entraînant souvent la mort de la  victime. L’usage des balles dum-dum a été interdit par la Convention de  Genève après la première guerre mondiale, tout comme le phosphore blanc,  les bombes DIME et les ‘fléchettes’, armes illégales que l’armée  israélienne continue à utiliser contre la population civile de Gaza,  comme le démontre abondamment les principales organisations de défense  des droits de l’homme.
Le matin du 27 septembre, un médecin de l’hôpital Europa  m’a confirmé que Saliman se trouvait aux soins intensifs et que son  état était stable.
Saliman n’est que la dernière victime de l’armée  israélienne depuis le 2 septembre, date qui a vu la reprise des  négociations entre Netanyahu et Abu Mazen, mais qui ici à Gaza a  coïncidé avec une escalade de la violence contre la population civile.  Depuis le début du mois, on compte sept personnes tuées par les soldats  israéliens seulement dans la Bande. Deux jours après le verdict rendu  par la Commission des droits de l’homme de l’ONU ayant condamné Israël  pour « homicide et torture » dans l’enquête sur le massacre de la  Freedom Flotilla, un jeune pêcheur, Mohamed Bakri, a été assassiné par la marine de Tel Aviv pendant qu’à bord de son bateau minuscule il pêchait non loin de la côte.
Une preuve ultérieure de ce qu’affirmait le regretté  Edward Said : « Les négociations de paix sont les premiers obstacles à  la paix ». Depuis plus de 15 ans que dure la farce des pourparlers  ayant eu comme seul résultat moins de terre et moins de droits pour les  Palestiniens ainsi que la prolifération des colonies illégales  israéliennes, on ne fait plus vraiment confiance à la communauté  internationale et aux jeux politiques. Les Palestiniens considèrent avec  davantage d’espoir les mobilisations de la société civile mondiale en  leur soutien, la campagne de boycott du BDS Movement,  les missions humanitaires qui, en cherchant un moyen de briser le  siège, remettent la tragédie de Gaza au premier plan dans les médias  occidentaux. Comme le convoi Viva Palestina  actuellement en route, et Irène, le bateau des pacifistes juifs  récemment intercepté par la marine israélienne avant d’atteindre Gaza.
Restons Humains.
Hôpital Nasser de Khan Younis. Bonnes nouvelles.
Photo : Vittorio Arrigoni
Saliman a repris connaissance et son état évolue positivement.
Je ne serai pas surpris de le revoir aux manifestations dès qu’il pourra à nouveau tenir debout, comme cela est arrivé par le passé à d’autres jeunes qui malgré leurs blessures par balle plus ou moins graves, n’ont pas renoncé et ont continué à lutter pour récupérer leur terre.
Je ne serai pas surpris de le revoir aux manifestations dès qu’il pourra à nouveau tenir debout, comme cela est arrivé par le passé à d’autres jeunes qui malgré leurs blessures par balle plus ou moins graves, n’ont pas renoncé et ont continué à lutter pour récupérer leur terre.
* Vittorio Arrigoni réside à Gaza ville. Journaliste freelance et militant pacifiste italien, membre de l’ISM (International Solidarity Movement), il écrit notamment pour le quotidien Il Manifesto. Il vit dans la bande de Gaza depuis 2008. Il est l’auteur de Rester humain à Gaza  (Gaza. Restiamo umani), précieux témoignage relatant les journées  d’horreur de l’opération « Plomb durci » vécues de manière directe aux  côtés des ambulanciers du Croissant-Rouge palestinien.
Vittorio Arrigoni
Son blog peut être consulté à : 
http://guerrillaradio.iobloggo.com/
http://guerrillaradio.iobloggo.com/
Vittorio Arrigoni vient de recevoir le prix spécial  « Rachel Corrie » à Ovada [Piémont italien] pour son travail  d’information à Gaza : http://www.testimonedipace.org,
Traduction de l’italien : Y. Khamal