Pr Chems Eddine Chitour
« Ce qui est à moi est à moi, ce qui est  à toi. Ce qui est à toi est négociable »
Devise attribuée par l’Occident à l’Empire soviétique
En l’occurrence il ne restera  aux Palestiniens plus rien à négocier si ce n’est leur propre personne.  Depuis, le temps, les Palestiniens après la  Nekba de 1948 tentent de  récupérer leurs territoires perdus  notamment à partir de 1967. Ils  croient naïvement à la légalité internationale. Les résolutions de l’ONU   notamment celles du 22 novembre 1967  stipulent sans ambigüité aucune  la restitution de tous les territoires acquis par la force après 1967  ainsi que la ville d’El Quods et le droit de retour pour les réfugiés  chassés depuis 1948. « Les frontières d’Israël sont celles d’Auschwitz »  disait Aba Eban. Elles ne sont donc pas figées et en expansion  continuelle comme l’univers après le « big bang »
Petit retour pour comprendre les fondements du calvaire palestinien. Thami Bouhmouch explique :
« Le drame palestinien a débuté en 1917, lors de la  fondation du « foyer national juif. (..) La déclaration Balfour visait  probablement en sous-main à éloigner les juifs d’Europe.  Toujours  est-il que depuis cette date, l’entité sioniste a occasionné les  destructions et souffrances les plus alarmantes. Des individus fanatisés  venus de Pologne, de Kiev, de Biélorussie, de Grande Bretagne, etc. se  déclarent maîtres des lieux, font main basse sur les terres, planifient  les expulsions, la mort et la dévastation. Le peuple palestinien a  affaire à un adversaire « sûr de lui et dominateur » (C. De Gaulle,  1967), un adversaire fourbe et d’une cruauté inégalée. (…)  On annonce  que les pourparlers avec les Palestiniens doivent s’engager sans  condition préalable ; deux jours après, on crée la surprise en posant  une condition sine qua non : reconnaître « Israël en tant qu’Etat  juif ». On promet à chaque fois de stopper la colonisation, cependant  que les constructions se poursuivent furtivement (plus de 100 colonies  ont été créées depuis les accords d’Oslo) ». (1)
« Les « accords » signés sont systématiquement foulés  aux pieds. Le phénomène a pris une ampleur invraisemblable. La boutade  de Ben Gourion, à cet égard, est très éloquente : « Si j’étais un leader  arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C’est normal, nous  avons pris leur pays » (cité par Nahum Goldmann dans Le paradoxe juif,  1976). La bravade est prononcée haut et fort, sur un ton plein de morgue  et de dérision.(…)  L’ordre d’expulsion relève d’un programme mûrement  réfléchi : déposséder et chasser le plus grand nombre possible de  Palestiniens. « Nous devons tout faire, disait Ben Gourion (1948), pour  nous assurer qu’ils ne reviennent pas… Les vieux mourront et les jeunes  oublieront »... (18/07/48, voir www.france-palestine.org) Qu’on en juge  par les déclarations de ces leaders sionistes : « Nous devons utiliser  la terreur, les assassinats, l’intimidation, la confiscation des terres  et l’arrêt de tous les programmes sociaux afin de débarrasser la Galilée  de sa population arabe » (Israël Koenig, in The Koenig mémorandum, 1976  - www.historyofisrael.info  ) ; « Les Palestiniens seront écrasés comme des sauterelles et leurs  têtes éclatées contre les rochers et les murs » (Yitzhak Shamir,  19/06/88 – www.anti-imperialisme.com ) (1)
A grands renforts de publicité Obama ouvre comme les  précédents présidents un nouveau round de négociation à Washington le 2  septembre. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et le  président palestinien, Mahmoud Abbas, sont convenus de se retrouver les  14 et 15 septembre "dans la région", puis toutes les deux semaines. Lors  d’une intervention devant la presse en présence de la secrétaire d’Etat  Hillary Clinton avant le début des discussions, Benyamin Nétanyahou  s’était adressé à Mahmoud Abbas en soulignant qu’il y aurait "des  concessions douloureuses des deux côtés". "Reconnaissez Israël comme  l’Etat-nation du peuple juif", a demandé le dirigeant israélien. "Cessez  complètement la colonisation et l’embargo à Gaza", lui a répondu le  président de l’Autorité palestinienne.  Le premier ministre israélien,  Benyamin Nétanyahou, "n’exclut pas de procéder à un référendum" en  Israël s’il parvient à conclure un accord de paix avec les Palestiniens.
Cinq dossiers, explique Helène Bekmezian,  sont sur la table.
La question des colonies :  Ce sujet est le plus délicat. Mercredi, à quelques heures des  négociations, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a  redit qu’il n’envisageait pas de reconduire le moratoire de dix mois sur  la construction de colonies de Cisjordanie, qui arrive à expiration le  26 septembre. Lundi, la radio militaire israélienne a par ailleurs  indiqué que "plusieurs milliers" de logements pourraient commencer à  être construits dès le 27 septembre dans 57 colonies. Or, dès dimanche,  le président palestinien, Mahmoud Abbas, avait prévenu qu’il ne  négocierait plus si les constructions reprenaient et, mercredi, dans une  tribune au New York Times Mais l’Etat hébreu resterait inflexible sur  la reprise des chantiers dans les grands blocs d’implantations où vivent  la majorité des 300 000 colons juifs, hors Jérusalem-Est ».(2)
«  La création d’un Etat palestinien :  Les Palestiniens veulent proclamer un Etat souverain sur l’ensemble des  territoires palestiniens occupés par Israël en juin 1967 :  Jérusalem-Est, toute la Cisjordanie et la bande de Gaza. Israël réclame  la démilitarisation, le contrôle de l’espace aérien et des frontières  extérieures d’un tel Etat.  Israël considère Jérusalem comme sa capitale  "indivisible et éternelle" et veut garder le contrôle du "bassin sacré"  comprenant la Vieille ville, site de certains des principaux lieux  saints des trois monothéismes. (…)Ehoud Barak, a laissé miroiter un  espoir de compromis via un partage de Jérusalem, dans une interview au  quotidien Haaretz. Mais il a rapidement été contredit par un responsable  de la délégation de Nétanyahou qui a réaffirmé que "Jérusalem restera  la capitale indivisible d’Israël". »(2)
« Il y a plus de quatre millions de réfugiés palestiniens,  en grande majorité des descendants des 700 000 Palestiniens ayant fui  de gré ou de force à la création de l’Etat d’Israël en 1948. Les  Palestiniens exigent qu’Israël reconnaisse un droit au retour des  réfugiés dans ses frontières, conformément à la résolution 194 de  l’Assemblée générale de l’ONU. M. Nétanyahou veut lui d’abord que les  Palestiniens reconnaissent Israël "comme l’Etat du peuple juif" afin de  garantir que la question des réfugiés sera résolue dans le cadre du  futur Etat palestinien.  Israël se réserve une grande partie des nappes  phréatiques dans le sous-sol de la Cisjordanie. Les Palestiniens, qui  ont l’interdiction de creuser des puits sont obligés d’acheter l’eau  auprès de Mekorot, la compagnie d’eau israélienne, réclament un partage  équitable. Selon Amnesty International, la consommation d’eau annuelle  des Israéliens est quatre fois plus importante que celle des  Palestiniens (2). »
Mohammed Dahlan conseiller à la sécurité de Abbas  interviewé par Georges Malbrunot : prend déjà ses distances « Les  Américains n’auraient pas dû inviter Mahmoud Abbas et Benyamin  Nétanyahou. Cette rencontre n’est qu’une cérémonie de plus pour la  galerie. Soyons réalistes : Nétanyahou ne veut pas d’un État palestinien  viable. Il ne cherche qu’à gagner du temps. Il s’est allié avec les  colons au lieu de s’allier avec la communauté internationale.  Obama a  cette volonté, exprimée au Caire en 2009. Malheureusement depuis, son  Administration est revenue à ses vieilles chimères : elle ne pratique  que de la gestion de crise. Elle n’a pas la volonté politique suffisante  pour régler le conflit. J’en appelle aux Européens : qu’ils abandonnent  leur rôle d’observateurs, ils ne sont pas de simples bailleurs de  fonds, ils doivent s’impliquer. S’ils s’unissent, ils peuvent peser face  aux États-Unis et à Israël. La colonisation et les négociations ne  peuvent plus aller de pair. C’est un mensonge de prétendre le contraire.  Le 26 septembre, le Fatah se réunira. Nous ne soutiendrons pas les  discussions en cas de poursuite de la colonisation. Nous le dirons à  Mahmoud Abbas. » (3)
Le grand rabbin ultraorthodoxe Ovadia Yossef, chef  spirituel du parti Shas, une des formations de la majorité au pouvoir à  Jérusalem, a salué "l’événement" en appelant Dieu à mettre fin aux jours  de M. Abbas... Le Hamas, la deuxième branche du mouvement palestinien,  qui contrôle Gaza  qualifie la rencontre de Washington de "grande  tromperie".   Un récent sondage de l’Institut palestinien Amrad révèle  que 86 % des Palestiniens appuient la résistance armée [Le Hamas], que  91 % réclament un seul État palestinien sur l’ensemble du territoire de  la Palestine historique. Les Occidentaux  diabolisent le Hamas pourtant  légalement élu. C’est une erreur.
Pascal Boniface directeur de l’Institut Français des  Relations Internationales nous met en garde contre cette ambiance  factice et analyse le déséquilibre des deux négociateurs. Nous  l’écoutons :
« Un optimisme convenu est affiché par tous les  protagonistes des négociations directes israélo-palestiniennes qui  viennent de reprendre.  (…)  Mais les rappels historiques sont un  cimetière des espoirs déçus, très nombreux en ce qui concerne les  espoirs de paix au Proche-Orient. Dans la période récente rappelons  juste que George W. Bush parlait de sa vision d’un Etat palestinien  d’ici un an en 2005. Au-delà de ces rappels, un certain nombre de  considérations vient d’ores et déjà fournir des éléments d’inquiétude  sur la suite des événements. Il y a tout d’abord la volonté de certains  groupes armés palestiniens de faire dérailler le processus avant même sa  reprise. Les négociations n’étaient pas encore ouvertes qu’une attaque  armée terroriste venait tuer quatre colons israéliens en Cisjordanie.  (…) Il n’est pas certain que le gouvernement israélien actuel reprenne à  son compte la formule d’Itzhak Rabin qui affirmait vouloir continuer le  processus de paix comme s’il n’y avait pas de terrorisme, et combattre  le terrorisme comme s’il n’y avait pas de processus de paix. (…) Autre  obstacle, la fin du moratoire sur la colonisation décrété par le  gouvernement israélien, qui prend fin le 26 septembre. Benyamin  Nétanyahou a indiqué qu’il ne prolongerait pas.(…) Sa coalition  gouvernementale pourrait-elle y survivre ? Nétanyahou a déclaré qu’on ne  pourrait parvenir à une paix véritable et durable seulement à condition  que des concessions pénibles et mutuelles des deux côtés soient  faites ».(4)
« Cela veut donc dire que les Palestiniens doivent  également faire des concessions. Sur quoi ? Les futures frontières de  l’État palestinien ? Doivent-ils renoncer à voir l’ensemble des  territoires occupés être libérés ? (..) La concession que devraient  faire les Palestiniens consisterait-elle à oublier cette compensation ?  Après avoir accepté de créer leur Etat sur seulement 22 % de la  Palestine mandataire, devront-ils faire de nouvelles concessions  territoriales ? Devront-ils accepter une concession pénible et mutuelle  sur Jérusalem ? (…) N’est-ce pas une façon d’annoncer la création d’un  État palestinien réduit ? Cela ne cache-t-il pas une volonté de faire  jouer le fait accompli ? Aucun Etat, y compris les Etats-Unis, ne  reconnaît les conquêtes militaires de 1967 et encore moins l’annexion de  Jérusalem. Celles-ci sont illégales juridiquement. Mais lorsqu’on parle  d’un règlement du conflit, il n’y a aucune exigence à l’égard d’Israël  pour se conformer au droit international. On espère un accord entre deux  parties comme si elles étaient sur un pied d’égalité. Or il y a une  différence entre elles.    Les Palestiniens ont juridiquement raison  mais sont militairement inférieurs ». (4)
Pascal Boniface a raison de parler de faits accomplis et  de la puissance d’Israël. Cette force  prime le droit. Toute la  politique israélienne est une succession de faits accomplis , chacun  effaçant le suivant. On parle de geler les colonies, mais les 300.000  colons c’est un fait accompli ; De plus ils ne sont pas installés en  bordure de l’Etat israélien, mais loin en profondeur. Tous les points  névralgiques en terme religieux et même économique sont occupés. Au  besoin les Palestiniens y sont chassés. Israël par l’intermédiaire de  ses organisations sionistes aux Etats-Unis offre 10.000 $ à tout  occidental ou de l’ancien empire soviétique  d’ascendance juive de   faire son « Alya »  « sa montée vers Israël » et venir s’installer en  Cisjordanie sur les terres palestiniennes- au besoin on dynamitera les  maisons, on interdira aux Palestiniens de construire ou de réparer leur  maison. Mieux encore il y a eu une tentative d’expulser les Palestiniens  qui ne sont pas nés en Cisjordanie vers Ghaza, même s’ils y vivent  depuis toujours. Pire ceux qui y  vivaient en 1948, n’ont pas le droit  de revenir.
Cela veut dire en définitive, que chaque round de  négociation factice  pour les Palestiniens est bénéfique pour Israël car  il consolide une provocation antérieure , crée un précédent et négocie  en fait pour entériner un fait accompli. Pourquoi n’ y a t-il pas un  coup d’arrêt de la communauté internationale ? Essayons en quelques mots  de cerner la stratégie israélienne basée avant tout sur la force et  l’impunité. Les pays occidentaux- du fait de l’expiation toujours  recommencée des massacres des Juifs durant la seconde guerre mondiale  par l’un des leurs – absolvent  systématiquement Israël.  Ils n’ont pas  seulement donné des armes les plus sophistiquées, mais de plus ils ont  permis aux Israéliens de faire rapidement le saut qualitatif en  recherche scientifique et notamment militaire. Des décennies de  recherche fondamentales ont été offertes sur un plateau à l’Etat  sioniste, sans qu’ils aient déboursé un kopeck. Je veux parler notamment  de la recherche en électronique, en biologie et en informatique en  haute technologie et là on s’aperçoit que l’élève dépasse le maitre au  point de le concurrencer dans la vente d’armes. Israël est dans le club  fermé des vendeurs d’armes de dernières générations, elle se permet de  vendre des drones aux pays occidentaux. L’impunité est totale ; Israël  se veut l’avant-garde de la civilisation en terre de Barbarie. Israël  fait partie de l’Union européenne à 5000 km sans en avoir les charges et  elle  est aussi membre de L’OCDE .
Saëb Erekat  négociateur palestinien depuis dix ans et  qui connaît les arcanes des différentes négociations précédentes parle  d’un parti-pris à l’époque de l’administration Clinton en 2000 qui s’est  rangée derrière la position israélienne. Ecoutons le : « (…) En suivant  cette stratégie, l’administration Clinton a montré son incapacité à  comprendre que les Palestiniens n’accepteront rien de moins qu’un Etat  fondé sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.  Concernant Jérusalem, les négociateurs américains à Camp David soumirent  à la partie palestinienne exactement les mêmes propositions que celles  que les délégués israéliens avaient remises au président Arafat quelques  semaines avant le sommet. Les négociateurs palestiniens durent  expliquer à leurs homologues américains la différence entre d’une part  Abu Dis et Kufr Aqab, villes qui ne faisaient pas partie de Jérusalem  avant leur annexion illégale par Israël, et d’autre part Silwan et  Sheikh Jarrah, des quartiers qui ont toujours appartenu à  Jérusalem ».(5)
« Pourtant, les propositions soumises à Camp David à la  partie palestinienne pour résoudre la question de Jérusalem passaient  sous silence le fait qu’Israël était la puissance occupante et qu’une  prémisse essentielle du processus de paix est la fin de l’occupation  commencée en 1967. De plus, les propositions ignoraient le fait que les  Palestiniens avaient déjà fait une énorme concession historique en 1988  en reconnaissant le droit pour Israël d’exister sur 78 % du territoire  de la Palestine historique, et en acceptant que 88 % de la municipalité  de Jérusalem conquise en 1948 devienne Jérusalem-Ouest. Et pourtant à  Camp David, on demanda aux Palestiniens d’accepter un nouveau compromis  sur les 22 % restants de la Palestine historique ».(5)
Peut être qu’il serait plus sage de prévoir un Etat  palestinien pour 2017 ;  Un siècle après la Déclaration de Balfour.  D’ici là de négociations en négociations de compromissions en  compromissions,  il ne  restera rien des quelques lambeaux du bantoustan  en peau de léopard actuel. Les Palestiniens seraient, alors, bien  contents d’être repoussés loin dans le désert du Néguev. Gaza n’est pas  loin. Le  Grand  Israël sortirait du mythe pour s’imposer dans  l’histoire. Ainsi ira le Monde. [1]
[1] 
1.Thami Bouhmouch  http://www.legrandsoir.info/Israel-la-bride-sur-le-cou.html1  09 2010
2.Hélène Bekmezian Pourparlers israélo-palestiniens :LeMonde.fr 02.09.10
3.Georges Malbrunot. Dahlan :« Nétanyahou cherche à gagner du temps » Figaro 31/08/2010.
4. Pascal Boniface : Sisyphe l’avait facile par rapport aux Palestiniens NouvelObs.06 09 2010
5. Saëb Erekat : Dix ans après Camp David, le temps n’est plus aux négociations, mais aux décisions ! Le Monde 10.09.10