Roger Sheety - Palestine Chronicle
          Derrière la façade d’un nouvel épisode de faux pourparlers de  paix, le gouvernement israélien et ses défenseurs attitrés paniquent.  Pas une semaine ne se passe sans qu’on entende leur complainte sur  "l’isolement" d’Israël, ou sur la campagne de "délégitimation" qu’il  subit.         
Bassem Abu RAhma a été assassiné par l’armée israélienne lors d’une manifestation pacifique à Bi’lin en avril 2009.
En février dernier the Reut institute, un think tank  israélien a publié un article de propagande particulièrement délirant en  matière de désinformation qu’il a présenté comme un rapport académique  et qui dénonçait l’existence d’un effort international concerté pour  "miner" le statut diplomatique d’Israël, effort qui "pourrait en arriver  à poser une menace existentielle de grande envergure dans les années  qui viennent." (*) Pour eux, tout individu ou organisme qui critique la  politique d’Israël dans les territoires occupés de Palestine est de  facto un membre de ce menaçant réseau de délégitimation. Comme toute la  Hasbara (explication) israélienne, the Reut Institute blâme d’abord les  Palestiniens et ensuite tous ceux qui relatent ou font connaître leurs  épreuves.
Depuis, différents officiels israéliens ont  consciencieusement répété les soi-disant découvertes de ce rapport.  C’est ainsi que le 21 juin, une édition du Jerusalem Post rapporte les  propos de l’Ambassadeur israélien à l’ONU, Gabriella Shalev, selon  lesquels Israël serait "le pays le plus isolé et le plus seul au monde".  "La pire menace à l’existence [d’Israël] n’est pas la prolifération  nucléaire de l’Iran" continue l’article, "mais les efforts  internationaux pour délégitimiser Israël." Voyez comme Shalev tout comme  l’auteur de l’article répètent mot pour mot les allégations du Reut  Institute avec le même vocabulaire apocalyptique.
Plus récemment encore, Tony Blair, qui s’est depuis  longtemps couvert de honte et d’opprobre, a utilisé exactement le même  langage. La délégitimation d’Israël est un "affront" non seulement aux  Israéliens mais "à tous ceux qui dans le monde partagent les valeurs  humaines de liberté et d’indépendance" a dit Blair dans un discours dans  un colloque qui s’intitulait, oui, la délégitimation d’Israël.
Mais où exactement trouve-t-on des manifestations  probantes de cette campagne malveillante visant à isoler et à  délégitimer Israël ? Certainement pas au gouvernement américain. Le 16  juillet 2010 le Secrétaire d’Etat des USA, Andrew J. Shapiro a fièrement  annoncé que "pour l’année fiscale 2010 l’Administration avait demandé  au Congrès d’octroyer 2 775 milliards de dollars à Israël au titre de  l’assistance sécuritaire, la plus importante demande de cette nature  dans l’histoire des USA." Il a ajouté "Le Congrès a donné son accord  pour l’année fiscale 2010 et nous avons demandé encore plus - 3  milliards de dollars- pour 2011. Ces demandes sont conformes à  l’engagement de l’Administration de donner 30 milliards d’assistance  sécuritaire à Israël sur 10 ans selon l’accord de coopération signé en  2007 par les deux pays."
Une étude des Conservateurs publiée il y a deux ans par  le Washington Report on Middle East affairs (rapport de Washington sur  les Questions du Moyen-Orient) indique que le montant de l’aide  financière officielle des USA à Israël de 1949 à 2008 s’élève à presque  114 milliards de dollars.
Peut-être alors que c’est l’Europe la coupable ? Pas du tout, selon Robert Fisk qui a récemment écrit que Israël était devenu une membre de l’Union Européenne  à qui il ne manquait que la reconnaissance officielle. Fisk cite David  Cronin selon lequel "Israël a développé des liens politiques et  économiques puissants avec l’UE pendant ces dix dernières années qui ont  fait de lui un état membre de l’Union à qui il ne manque que le titre  officiel".
Vu que les gouvernements américains et Européens restent  clairement déterminés à récompenser Israël de ses crimes, qu’est-ce qui  peut donc effrayer le seul état doté de la puissance nucléaire au  Moyen-Orient et la quatrième puissance militaire mondiale ? Le grand  poète palestinien Mahmoud Darwish a écrit un jour : "Tout ce que vous  avez fait à notre peuple est inscrit dans des carnets." Mais même  Darwish ne pouvait pas se rendre compte de ce que ses paroles avaient de  prophétique. Car aujourd’hui ce qui est fait au peuple palestinien  n’est pas seulement recensé par des universitaires et des journalistes,  mais aussi par les Palestiniens eux-mêmes sur Youtube, Google video, et  sur mille autres sites web de vidéos, et par des sites indépendants  d’Internet, des organisations humanitaires et des blogs.
Aujourd’hui on peut être témoin du processus de  colonisation et de nettoyage ethnique à l’oeuvre en Palestine, dans son  contexte et sans censure, en naviguant sur le Net. Bien qu’on puisse  citer littéralement des centaines de situations de ce genre dans  l’histoire de la Palestine, je vais me concentrer sur trois cas  récents :
Premier cas - le village de Bil’in
C’est un cas clair de colonialisme, ce qui arrive à  Bil’in, un village de 2000 habitants situé dans les territoires occupés  palestiniens. On peut le considérer comme un microcosme de ce qui arrive  dans toute la Cisjordanie. Depuis 1995 ses habitants ont organisé  chaque semaine des marches pacifiques pour protester comme la  construction illégale du mur d’annexion qui les a séparés de 60% de  leurs terres de culture. Récemment les villageois ont été rejoints par  des citoyens israéliens ainsi que par des internationaux. Les  manifestants sont à chaque fois attaqués par les Forces d’Occupation  Israéliennes et il y a souvent des blessés et même des morts. Le 17  avril 2009, pendant une marche, Bassem Abu Rahma, qui était désarmé a  été tué par balles par un soldat israélien. Ce meurtre gratuit  entièrement enregistré sur une vidéo a été balayé par un juge israélien  l’année suivante. Ceux qui sont encore assez naïfs pour demander : "Où  est le Gandhi palestinien devraient commencer par regarder à Bil’in -il y  a quelques 2000 Gandhi là-bas.
Second cas - Shekh Jarrah, Jérusalem Est
Selon le droit international, Jérusalem Est fait partie  des territoires occupés palestiniens. En tant que tels, l’état israélien  n’a pas le droit de transférer une partie de sa propre population dans  ces territoires ni de déporter les habitants de ces territoires. Rien  qu’en 2008, l’état d’Israël a annulé le droit légal de résidence de 4  577 Palestiniens de Jérusalem Est afin que les Forces Israéliennes  d’Occupation puissent les déporter. Comme on le voit dans les reportages  incroyables de Sherine Tadros et Jacky Rowland de Al Jazeera, le  quartier de Sheikh Jarrah a été la victime de cet incessant nettoyage  ethnique "maison par maison, famille après famille". Les Palestiniens en  larmes sont littéralement expulsés de leurs maisons et leurs affaires  sont jetées dans la rue pendant qu’ils regardent impuissants les colons  juifs prendre possession de leur domicile sous la protection de l’armée  d’Israël. Ce que nous voyons là n’est pas la conséquence de quelque  désastre naturel mais la conséquence de politiques gouvernementales qui  sont soutenues et financées par les gouvernements américains et  européens. Quand Tony Blair pontifie sur "les valeurs humaines partagées  de liberté et d’indépendance" on se demande s’il a jamais mis les pieds  à Jérusalem Est.
Troisième cas - Le village de Al-Arakib
Situé dans le Naqab (Negev), Al-Arakib, un village de  300 Bédouins palestiniens, a été détruit plusieurs fois en l’espace de  trois mois. En dépit du fait qu’ils sont citoyens d’Israël, l’état  refuse de reconnaître leur droits de propriété sur la terre qui datent  de la période ottomane. En fait, Al-Arakib est un des 50 villages  bédouins dont Israël ne reconnaît pas la légalité. Pendant l’été de 2010  le gouvernement israélien a décidé de faire un exemple avec Al-Arakib,  et comme le montre Max Blumenthal dans quelques reportages accablants,  il a fait détruire le village à cinq reprises laissant ses habitants  sans domicile et complètement démunis. Comme on le voit dans le  reportage vidéo de Blumenthal, les maisons sont vidées et écrasées avec  des bulldozers et des tracteurs sous les yeux des familles assises par  terre. Dans un cas particulièrement odieux de démolition, les élèves  d’un collège israélien ont été amenés sur le site, ils sont entrés dans  les maisons et ont gribouillé les murs. Puis les affaires qui restaient  dans les maisons ont été jetées dehors et les maisons ont été détruites.  Israël se justifie en disant qu’il a besoin de la terre pour y planter  de la forêt mais c’est une excuse profondément cynique et sans  fondement. Les violentes expulsions qu’il fait subir à ses propres  citoyens Palestiniens révèle toute la perversion des constantes  réclamations d’Israël concernant "ses besoins sécuritaires".    Les enquêtes comme celles de Jacky Rowland, Sherine Tadros, Max  Blumenthal et beaucoup d’autres contrastent vivement avec la propagande  israélienne usée que répètent comme des perroquets les journalistes  grégaires et lâches. On a du mal à comprendre la raison pour laquelle  les médias principales d’Amérique et Nord ignorent largement le  mouvement palestinien de résistance non-violente à l’occupation  israélienne. Bien sur ce que nous voyons aujourd’hui n’a rien de nouveau  pour les Palestiniens qui sont dépossédés et expulsés depuis plus de 62  ans ; ce qui est nouveau c’est la méthode : Les "lois" byzantines  israéliennes qui visent les quartiers et les villages arabes, les murs  d’annexion et les barrages qui séparent les villageois de leurs terres  et de leurs sources d’eau pour ensuite les donner aux colonies juives  illégales construites à proximité.
Il ne faut pas être un expert en droit international ni  posséder de multiples diplômes ou doctorats pour reconnaître le vrai du  faux. Les gens ordinaires savent reconnaître le nettoyage ethnique et le  colonialisme quand ils en voient. Ils comprennent sa profonde  perversion et sa violence inhérente. C’est spécialement vrai des peuples  du soit disant "tiers-monde" où la mémoire collective est encore  vivement imprégnée de l’expérience du colonialisme et de sa brutalité.  Des centaines de milliers de personnes du monde entier regardent encore  et encore les images de ces vidéos. Leur contenu est impardonnable, leur  impact émotionnel est énorme. De fait, même si on ne connaît pas bien  le contexte, il faut avoir le coeur bien dur pour ne pas être touché par  les souffrances que les Palestiniens endurent sous la botte des colons  israéliens.
En réalité ce ne sont pas des reportages honnêtes et  documentés qui obtiendront justice pour les Palestiniens. Cependant,  quand ils se combinent avec la campagne de boycott, désinvestissement et  sanctions (BDS), avec les efforts pour briser le monstrueux siège de  Gaza et avec le mouvement pour faire appliquer le droit international,  alors tout à coup les gouvernement israélien habitué depuis longtemps à  commettre ses crimes en toute impunité commence à s’en rendre compte.  Rien n’effraie davantage l’élite dirigeante et ses défenseurs attitrés  que de voir les citoyens se forger une conscience politique, commencer à  se poser des questions et à s’engager. Plus exactement rien n’effraie  plus le colonisateur que des esprits décolonisés. La marée de la  conscience des masses est en train de tourner et comme l’ont appris les  ségrégationnistes du Sud des USA, l’Union Soviétique et l’Afrique du Sud  de l’apartheid il n’y a pas si longtemps, aucune armée aussi puissante  soit-elle, et aucun état aussi répressif soit-il, ne pourra l’endiguer.
Notes :  (*) Voir Reut Institute document.
                14 septembre 2010 - Palestine Chronicle - Pour consulter l’original : 
http://www.palestinechronicle.com/v...
Traduction de l’anglais : Dominique Muselet
http://www.palestinechronicle.com/v...
Traduction de l’anglais : Dominique Muselet