Ibrahim Hamidi
Devenir  négociateur à la place du négociateur, tel est le désir de Nicolas  Sarkozy. Il voudrait profiter des tensions entre Israël et la Turquie  pour ravir à cette dernière le titre d’intermédiaire entre l’Etat hébreu  et le régime syrien. Mais Damas ne l’entend pas de cette oreille...
Les milieux diplomatiques et  médiatiques recommencent à parler d’une reprise des négociations  indirectes entre la Syrie et Israël, gelées depuis l’offensive  israélienne sur Gaza à la fin de l’année 2008. Les uns espèrent que cela  permettra d’aboutir à un véritable accord de paix, les autres qu’on  arrivera simplement à "faire bouger" les choses. La dernière initiative  dans ce domaine revient à Nicolas Sarkozy. Lors de conférence annuelle  des ambassadeurs français, le 25 août, à Paris, il a en effet déclaré :  "la paix entre la Syrie et Israël est possible. La France, qui a renoué  avec Damas un dialogue régulier utile pour toute la région, s’implique  aux côtés de la Turquie, dans la recherche d’un accord. Avec Bernard  Kouchner, nous avons confié une mission dans ce sens à l’ambassadeur  Jean-Claude Cousseran, qui a toute notre confiance." Ce dernier, ancien  ambassadeur à Damas, à Ankara et au Caire, a été nommé envoyé spécial du  président, chargé de "créer les conditions pour la reprise des  négociations".
Ce n’est pas la première fois que le président français  affiche son intérêt pour le sujet. A d’autres occasions déjà, il avait  fait comprendre qu’il était disponible pour jouer les facilitateurs.  Ainsi, lors des négociations indirectes entre Damas et Tel-Aviv durant  la seconde moitié de l’année 2008, la France avait proposé d’en  accueillir les acteurs ; elle s’était déclarée prête à apporter du  soutien technique en termes de cartographie, de limitation de frontières  et de dispositifs de sécurité. Cette fois, en investissant Cousseran,  Nicolas Sarkozy passe un cran au-dessus et cherche à institutionnaliser  le rôle de Paris. Mais il n’est pas le seul sur la brèche. L’Espagne et  le Brésil ont eux aussi indiqué leur intérêt ces derniers mois, même  s’ils n’ont pas nommé d’envoyé spécial.
Jusqu’alors, il était admis que c’était la Turquie qui  faisait office d’intermédiaire. Or Paris pense qu’elle ne peut plus  jouer ce rôle, compte-tenu de la dégradation de ses relations avec  Tel-Aviv depuis son annulation, en octobre 2009, de manœuvres militaires  conjointes avec Israël, l’humiliation infligée, le 11 janvier, à  l’ambassadeur turc Oguz Celikkol [Danny Ayalon, le vice-ministre des  Affaires étrangères israélien, l’avait reçu en le faisant assoir sur une  chaise particulièrement basse] et l’assaut mené par l’armée  israélienne, le 31 mai, contre la "flottille pour la liberté". La France  est convaincue que le gouvernement Netanyahou veut "punir" celui de  Recep Tayyip Erdogan pour sa politique régionale, et notamment  l’ouverture d’un dialogue politique avec le Hamas et une volonté  affichée d’être "objectif" dans son approche. Dans ce contexte, il y a  plus d’un pour considérer que les conditions sont réunies pour se  proposer comme solution de recours. Et la France fait partie des  prétendants.
L’idée de voir la France s’emparer du dossier  enthousiamse Benyamin Nétanyahou, le Premier ministre israélien. Mais  les Syriens ne voient pas les choses de la même manière. Ainsi, quand le  président syrien Bachar Al-Assad a été reçu à Paris en novembre 2009,  il a déclaré [sur un ton qui ménageait son hôte français] : "Il y a la  partie syrienne qui souhaite la paix. Il y a un intermédiaire turc qui  est prêt à jouer son rôle d’intermédiaire entre les deux pays. Il y a un  soutien français, européen et international à un tel processus." Et  d’ajouter : "Si les Israéliens veulent sérieusement un processus de  paix, qu’ils sachent qu’il y a un intermédiaire turc qui déclare à toute  occasion qu’il est prêt à jouer son rôle afin d’amener les deux parties  à la table des négociations." Walid Al-Muallim, le ministre des  Affaires étrangères syrien, a été encore plus clair : "Damas s’engagera  dans des négociations indirectes seulement si c’est par l’intermédiaire  de la Turquie", ajoutant que la Syrie "n’y vo[yait] pas d’alternative"  et qu’"Israël [devait] en prendre acte".
publié par al Hayat et en français par Courrier international le 6 septembre