Par Pacbi
Ce document de la Campagne Palestinienne pour le Boycott Universitaire et Culturel d’Israël (Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel - PACBI) a été publié pour la première fois dans le n° de septembre 2010 du Bulletin du British Committee for Universities for Palestine (BRICUP) newsletter, puis repris par Electronic Intifada le 7 septembre 2010.
Suite à la récente annonce de l’inauguration d’un centre culturel à Ariel, quatrième colonie juive par son importance dans le territoire palestinien occupé, 150 personnalités universitaires, écrivains et intellectuels israéliens ont déclaré qu’« ils ne prendront part à aucune activité culturelle qui se déroulerait au-delà de la Ligne Verte, ne participeront à aucun débat ou séminaire ou conférence dans quelque cadre que ce soit à l’intérieur de ces colonies. » (1) Quelques-uns sont même allés jusqu’à dire que toutes les colonies israéliennes construites en terre palestinienne occupée sont une violation de la Quatrième Convention de Genève et constituent donc un crime de guerre.
Cette prise de position assumée par des dizaines d’universitaires et artistes israéliens a suscité un torrent de polémiques dans la sphère publique israélienne, s’attirant ainsi la réprobation de tous les milieux politiques et en particulier de l’establishment universitaire et culturel. Tous les théâtres les plus en vue se sont empressés de déclarer leur refus de boycotter Ariel, sous prétexte d’être au service « de tous les Israéliens » ; les administrateurs des universités ont fait écho à ces déclarations ou ont choisi de se taire, continuant à faire comme d’habitude avec Ariel et les autres colonies. Les termes de la querelle posent cependant une série de questions aux mouvements de solidarité aux Palestiniens. Tandis que nous sommes heureux d’accueillir des actions de protestation contre toute manifestation du régime israélien colonial et d’apartheid, nous croyons que ces actions doivent être moralement cohérentes et solidement ancrées au droit international et aux droits humains universels.
Nous pensons tout d’abord que focaliser l’attention exclusivement sur les institutions localisées dans les colonies conduit à ignorer et à laisser dans l’ombre la complicité de toutes les institutions universitaires et culturelles dans le soutien du système de contrôle colonial et d’apartheid imposé au peuple palestinien. PACBI pense que la collusion entre l’establishment universitaire et culturel israélien et les principaux organes d’oppression de l’Etat israélien est absolument évidente. Focaliser l’attention uniquement sur les institutions manifestement complices, tels que les centres culturels dans une colonie de Cisjordanie, ne sert qu’à protéger de l’opprobre les principales institutions israéliennes et, finalement, à protéger celles-ci du mouvement croissant du boycott global qui prend systématiquement pour cibles toutes les institutions complices.
En outre, choisir de cibler une colonie bien connue au cœur de la Cisjordanie occupée détourne l’attention des autres colonies construites sur des terres occupées. Les supporters de ce boycott particulièrement sélectif doivent s’interroger : est-il acceptable de faire une conférence ou un spectacle à la Hebrew University, dont le campus situé sur le Mont Scopus occupe une terre palestinienne dans Jérusalem Est ?
Si ce qui guide ce mouvement est l’opposition à l’occupation militaire israélienne, comment se fait-il alors qu’on ait ignoré, par exemple, l’étranglement déplorable d’institutions culturelles dans Jérusalem occupée ? En 2009, la Ligue Arabe, avec le soutien de l’UNESCO, a déclaré Jérusalem « capitale culturelle arabe » de l’année. Les célébrations qui devaient avoir lieu au cours de cette année là dans divers lieux de la ville, pour mettre en évidence le rôle historique et culturel de Jérusalem à l’intérieur de la société palestinienne et au-delà, ont été bloquées et parfois physiquement attaquées par les forces de sécurité israéliennes, dans leur effort continuel d’étouffer toute expression de l’identité palestinienne à l’intérieur de la ville occupée. Dans des scènes dignes des romans de Kafka, des activités organisées dans tout Jérusalem-Est ont été supprimées abruptement, obligeant artistes, écrivains et intellectuels palestiniens à avoir recours à des techniques clandestines pour célébrer le patrimoine culturel et populaires de leur cité.
Si le rôle des artistes et des intellectuels, en tant que voix de la raison morale, sous-tend ce récent appel à boycotter Ariel, où étaient ces voix lorsque des institutions universitaires et culturelles [palestiniennes] étaient détruites sans aucune justification pendant la guerre d’agression israélienne contre Gaza de 2008-2009 ?
Le fait n’est pas passé inaperçu en Israël que le mouvement BDS est en train de prendre de plus en plus d’ampleur au niveau international comme forme efficace de résistance à l’oppression coloniale israélienne. Dans ce contexte, on peut affirmer que cet effort récent pour restreindre la focalisation du boycott contre Israël est l’arbre qui cache la forêt. Il est important de réitérer la justification moralement cohérente et les principes de cette campagne palestinienne de boycott contre Israël.
Les principes du mouvement BDS sont issus des demandes de l’Appel palestinien au BDS, signé par plus de 150 organisations de la société civile palestinienne en juillet 2005, et, concernant le domaine universitaire et culturel, par l’Appel palestinien au boycott universitaire et culturel d’Israël - PACBI, lancé un an avant, en 2004.
Ces deux appels, BDS et PACBI, représentent ensemble les déclarations stratégiques faisant autorité et recueillant le plus vaste consensus qui ait émergé en Palestine depuis des décennies ; tous les partis politiques, organisations syndicales et étudiantes, et de femmes, groupes de réfugiés à l’intérieur du monde arabe, les ont signés et les soutiennent. Les deux appels soulignent l’opinion palestinienne prévalente selon laquelle la forme la plus efficace de solidarité internationale avec le peuple palestinien est l’action directe et la pression continue visant à mettre fin au régime colonial et d’apartheid israélien, et ceci de la même manière que le régime d’apartheid d’Afrique du Sud fut aboli, par l’isolement international d’Israël par le boycott et les sanctions, en le forçant à se soumettre aux lois internationales et à respecter les droits des Palestiniens.
Nous exhortons ceux qui clament qu’ils ont à cœur l’application cohérente du droit international et la primauté des droits humains à reconnaître la « forêt » de la complicité universitaire et culturelle derrière l’arbre d’Ariel et à agir en conséquence et en cohérence.
6 septembre 2010.
Pacbi (Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel)
(1) "150 academics, artists back actors' boycott of settlement arts center," Haaretz, 31 August 2010.
Cette prise de position assumée par des dizaines d’universitaires et artistes israéliens a suscité un torrent de polémiques dans la sphère publique israélienne, s’attirant ainsi la réprobation de tous les milieux politiques et en particulier de l’establishment universitaire et culturel. Tous les théâtres les plus en vue se sont empressés de déclarer leur refus de boycotter Ariel, sous prétexte d’être au service « de tous les Israéliens » ; les administrateurs des universités ont fait écho à ces déclarations ou ont choisi de se taire, continuant à faire comme d’habitude avec Ariel et les autres colonies. Les termes de la querelle posent cependant une série de questions aux mouvements de solidarité aux Palestiniens. Tandis que nous sommes heureux d’accueillir des actions de protestation contre toute manifestation du régime israélien colonial et d’apartheid, nous croyons que ces actions doivent être moralement cohérentes et solidement ancrées au droit international et aux droits humains universels.
Nous pensons tout d’abord que focaliser l’attention exclusivement sur les institutions localisées dans les colonies conduit à ignorer et à laisser dans l’ombre la complicité de toutes les institutions universitaires et culturelles dans le soutien du système de contrôle colonial et d’apartheid imposé au peuple palestinien. PACBI pense que la collusion entre l’establishment universitaire et culturel israélien et les principaux organes d’oppression de l’Etat israélien est absolument évidente. Focaliser l’attention uniquement sur les institutions manifestement complices, tels que les centres culturels dans une colonie de Cisjordanie, ne sert qu’à protéger de l’opprobre les principales institutions israéliennes et, finalement, à protéger celles-ci du mouvement croissant du boycott global qui prend systématiquement pour cibles toutes les institutions complices.
En outre, choisir de cibler une colonie bien connue au cœur de la Cisjordanie occupée détourne l’attention des autres colonies construites sur des terres occupées. Les supporters de ce boycott particulièrement sélectif doivent s’interroger : est-il acceptable de faire une conférence ou un spectacle à la Hebrew University, dont le campus situé sur le Mont Scopus occupe une terre palestinienne dans Jérusalem Est ?
Si ce qui guide ce mouvement est l’opposition à l’occupation militaire israélienne, comment se fait-il alors qu’on ait ignoré, par exemple, l’étranglement déplorable d’institutions culturelles dans Jérusalem occupée ? En 2009, la Ligue Arabe, avec le soutien de l’UNESCO, a déclaré Jérusalem « capitale culturelle arabe » de l’année. Les célébrations qui devaient avoir lieu au cours de cette année là dans divers lieux de la ville, pour mettre en évidence le rôle historique et culturel de Jérusalem à l’intérieur de la société palestinienne et au-delà, ont été bloquées et parfois physiquement attaquées par les forces de sécurité israéliennes, dans leur effort continuel d’étouffer toute expression de l’identité palestinienne à l’intérieur de la ville occupée. Dans des scènes dignes des romans de Kafka, des activités organisées dans tout Jérusalem-Est ont été supprimées abruptement, obligeant artistes, écrivains et intellectuels palestiniens à avoir recours à des techniques clandestines pour célébrer le patrimoine culturel et populaires de leur cité.
Si le rôle des artistes et des intellectuels, en tant que voix de la raison morale, sous-tend ce récent appel à boycotter Ariel, où étaient ces voix lorsque des institutions universitaires et culturelles [palestiniennes] étaient détruites sans aucune justification pendant la guerre d’agression israélienne contre Gaza de 2008-2009 ?
Le fait n’est pas passé inaperçu en Israël que le mouvement BDS est en train de prendre de plus en plus d’ampleur au niveau international comme forme efficace de résistance à l’oppression coloniale israélienne. Dans ce contexte, on peut affirmer que cet effort récent pour restreindre la focalisation du boycott contre Israël est l’arbre qui cache la forêt. Il est important de réitérer la justification moralement cohérente et les principes de cette campagne palestinienne de boycott contre Israël.
Les principes du mouvement BDS sont issus des demandes de l’Appel palestinien au BDS, signé par plus de 150 organisations de la société civile palestinienne en juillet 2005, et, concernant le domaine universitaire et culturel, par l’Appel palestinien au boycott universitaire et culturel d’Israël - PACBI, lancé un an avant, en 2004.
Ces deux appels, BDS et PACBI, représentent ensemble les déclarations stratégiques faisant autorité et recueillant le plus vaste consensus qui ait émergé en Palestine depuis des décennies ; tous les partis politiques, organisations syndicales et étudiantes, et de femmes, groupes de réfugiés à l’intérieur du monde arabe, les ont signés et les soutiennent. Les deux appels soulignent l’opinion palestinienne prévalente selon laquelle la forme la plus efficace de solidarité internationale avec le peuple palestinien est l’action directe et la pression continue visant à mettre fin au régime colonial et d’apartheid israélien, et ceci de la même manière que le régime d’apartheid d’Afrique du Sud fut aboli, par l’isolement international d’Israël par le boycott et les sanctions, en le forçant à se soumettre aux lois internationales et à respecter les droits des Palestiniens.
Nous exhortons ceux qui clament qu’ils ont à cœur l’application cohérente du droit international et la primauté des droits humains à reconnaître la « forêt » de la complicité universitaire et culturelle derrière l’arbre d’Ariel et à agir en conséquence et en cohérence.
6 septembre 2010.
Pacbi (Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel)
(1) "150 academics, artists back actors' boycott of settlement arts center," Haaretz, 31 August 2010.