Claude Guibal
A  la vue du passage éclair des vans blindés aux vitres fumées, les  habitants de Charm el-Cheikh n’ont même pas levé la tête. Depuis onze  ans qu’elle accueille avec plus ou moins de régularité de multiples  sommets censés relancer la paix au Proche-Orient, la station balnéaire  du Sud-Sinaï, désabusée, en a vu d’autres. A Yasser Arafat, Ehud Barak,  Bill Clinton ou Kofi Annan ont succédé hier Mahmoud Abbas et Benyamin  Nétanyahou.
Le président palestinien et  le Premier ministre israélien se sont rencontrés sous l’égide de la  secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton et en présence de l’hôte  égyptien.
Quant aux négociations, entamées le 2 septembre en  grande pompe à Washington, elles n’en finissent pas de commencer, à en  croire les délégations qui, hier encore, assuraient travailler à créer  un climat favorable pour débattre des sujets de fond.
« Discrétion ». L’échéance  du 26 septembre, qui marque la fin du moratoire israélien sur la  construction de nouveaux logements dans les colonies juives, pèse  toujours comme une épée de Damoclès sur l’ensemble du processus.  Nétanyahou, qui veut ménager l’aile dure de sa coalition  gouvernementale, a jusqu’à présent affirmé qu’il ne prolongerait pas ce  moratoire, tout en laissant entendre qu’Israël pourrait limiter le  lancement de nouveaux chantiers. Mais les Palestiniens, soutenus par  l’Egypte et la Ligue arabe, ne l’entendent pas de cette oreille et ont  menacé de quitter la table des négociations si la construction devait  reprendre.
« La question de la colonisation représente pour nous un  véritable obstacle au lancement des négociations », a répété hier  Yasser Abed Rabbo, un des principaux négociateurs palestiniens, tout en  se disant prêt « à des pourparlers intenses pour parvenir à un règlement  des questions concernant le statut final ».
L’émissaire américain pour le Proche-Orient, George  Mitchell, ne s’est pas montré plus disert devant la presse, les  « questions de fond » devant selon lui faire l’objet de « la plus grande  discrétion ».« Les discussions sérieuses ont commencé. Nous essayons  d’avancer dans la bonne direction sur la question des colonies », a-t-il  déclaré, renouvelant l’appel de Barack Obama en faveur d’une  prolongation du gel de la construction, annoncé en décembre 2008, et  appelant les deux camps à faire des concessions pour préserver la  dynamique des discussions. Celles-ci doivent se poursuivre aujourd’hui à  Jérusalem.
Or, pour Barack Obama, le temps presse. Le président  américain ne peut en effet se permettre de voir le processus s’enliser.  Un échec prématuré, exploité par ses adversaires républicains, pourrait  lui coûter cher alors qu’approchent les élections parlementaires de  mi-mandat, prévues début novembre.
« Réfugiés ». Mais la  question des colonies n’est pas le seul obstacle qui entrave le  démarrage des négociations. Benyamin Nétanyahou continue, selon son  entourage, de demander que les Palestiniens reconnaissent au préalable  Israël comme « Etat-nation du peuple juif ». Mahmoud Abbas, soutenu par  les pays arabes, réclame de son côté des garanties sur le droit au  retour des réfugiés palestiniens. « Parler d’un Etat juif, c’est parler  d’un Etat fondé sur une base ethnique et cela revient à laisser de côté  la question des réfugiés, qui préoccupe tous les pays arabes », a  précisé au journal Al-Masry al-Yom le responsable du dossier palestinien  à la Ligue arabe, Mohamed Sobeih.
Les frontières du futur Etat palestinien et le statut de  Jérusalem sont également au cœur des préoccupations arabes. Lors de  l’ouverture des négociations à Washington, il y a dix jours, le  président égyptien, Hosni Moubarak, s’était prononcé en faveur d’un  retour aux frontières de 1967, dans une longue tribune dans les colonnes  du New York Times. Il a également demandé pour la première fois que  Jérusalem soit la capitale des deux Etats, israélien et palestinien, et a  appelé au déploiement de forces internationales en Cisjordanie.
Le raïs égyptien est le parrain historique de ce  processus de paix qu’il a vu, en près de trente ans au pouvoir, peu à  peu s’enliser. Mais c’est à reculons, plus par devoir que par  conviction, que le Caire participe à ces pourparlers lancés par Obama.  Car, en Egypte, tout le monde les estime voués à l’échec. Il s’agit,  surtout, de ne pas laisser les Palestiniens seuls à la table des  négociations. Et aussi de réaffirmer le rôle central de l’Egypte dans la  région, qui lui permet de s’assurer auprès de Washington et de la  communauté internationale le soutien - et l’aide financière - nécessaire  à sa stabilité, à l’heure où la question de la succession de Moubarak,  82 ans, est ouvertement débattue.