Ali Abunimah
          GEORGE J. MITCHELL, l’envoyé des USA au Moyen-Orient, a essayé  de regonfler les maigres espoirs pour la reprise des négociations de  paix entre Israéliens et Palestiniens en rappelant  son expérience de  médiateur en Irlande du Nord.         
George Mitchell, aujourd’hui envoyé spécial au Moyen-Orient (AP)
À une conférence de presse tenue le 20 août avec la  secrétaire d’État Hillary Rodham  Clinton pour annoncer les pourparlers  qui commencent cette semaine, M. Mitchell a rappelé aux journalistes que  pendant les difficiles négociations en Irlande du Nord « nous avons eu  environ 700 jours d’échec et un jour de réussite » - à savoir le jour,  en 1998,  de la signature de l’accord de Belfast instituant un partage  du pouvoir entre les unionistes pro britanniques et les nationalistes  irlandais.
La comparaison de M. Mitchell est au mieux erronée. Le  succès des entretiens irlandais n’a pas été uniquement une question de  volonté et de durée ; elle est aussi attribuable à une approche  diplomatique très différente de la part des USA.
Le conflit en Irlande du Nord est resté inextricable  pendant des décennies. Des unionistes, appuyés par le gouvernement  britannique, considéraient tout compromis politique avec les  nationalistes irlandais comme un danger, le danger d’une Irlande unifiée  dans laquelle la majorité catholique dominerait  la minorité  unioniste  protestante. Le gouvernement britannique refusait aussi de traiter avec  le parti nationaliste irlandais Sinn Fein en dépit de son important  mandat électoral, à cause de ses liens étroits avec l’armée républicaine  irlandaise qui avait commis des actions violentes au Royaume-Uni.
On peut voir un parallèle dans le refus des USA de  parler avec le parti palestinien Hamas qui a gagné des élections  décisives en Cisjordanie et à Gaza en 2006. Quand on lui a demandé quel  rôle aurait le Hamas dans la reprise des entretiens, M. Mitchell a  répondu d’un mot : « aucun ». Pas un analyste sérieux ne croira que la  paix peut être conclue entre les Palestiniens et les Israéliens sans la  participation du Hamas, pas plus que ce n’aurait été le cas en Irlande  du Nord sans le Sinn Fein et l’IRA.
Les USA insistent pour que le Hamas remplisse des  conditions préalables strictes avant de pouvoir prendre part aux  négociations : reconnaître Israël, renoncer à la violence et respecter  les accords antérieurement signés entre Israël et l’Organisation de  libération de la Palestine dont le Hamas ne fait pas partie. Ce sont là  des exigences impossibles. Pourquoi le Hamas - ou n’importe quel  Palestinien - devrait-il accepter les exigences politiques israéliennes  comme la reconnaissance de l’État d’Israël alors que celui-ci refuse de  reconnaître les demandes fondamentales des Palestiniens comme celle du  droit au retour des réfugiés ?
Quant à la violence, le Hamas n’a infligé aux civils  israéliens qu’une fraction des dommages infligés par Israël aux civils  palestiniens. Si la violence disqualifie le Hamas , celle bien plus  féroce dont a fait preuve Israël ne devrait-elle pas le  disqualifier ?
Ce n’est qu’en mettant fin aux conditions  unilatérales  que M. Mitchell a pu apporter la paix en Irlande du Nord. En 1994 par  exemple, M. Mitchell - qui était alors sénateur démocrate de l’État du  Maine - a pressé le président Bill Clinton, malgré les énergiques  objections britanniques, d’accorder un visa US à Gerry Adams, dirigeant  du Sinn Fein. M. Mitchell a écrit par la suite qu’il estimait que grâce  au visa, M. Adams « pourrait  persuader l’IRA de déclarer un  cessez-le-feu et le Sinn Fein pourrait  commencer des négociations  politiques complètes ». En tant que médiateur, M. Mitchell a insisté  pour qu’un cessez-le-feu s’applique à toutes les parties de façon égale,  pas uniquement à l’IRA.
Le conflit irlandais et celui du Moyen-Orient occupent  une place importante dans la politique intérieure des USA,  et pourtant  ceux-ci les ont traités de manière très différente.  Les USA ont permis  au lobby irlandais - étasunien d’aider à infléchir la politique vers le  côté le plus faible : le gouvernement irlandais de Dublin et le Sinn  Fein ainsi que les autres partis nationalistes du nord. Parfois, les USA  ont exercé de fortes pressions sur le gouvernement britannique pour  aplanir le terrain afin que  les négociations puissent aboutir à un  accord ralliant les suffrages. Par contre, le gouvernement US a laissé  le lobby israélien faire pencher la balance du soutien US en faveur de  la partie la plus forte des deux : Israël.
Cette disparité n’a pas manqué d’être relevée par ceux  qui ont connu de première main les pourparlers irlandais. Dans une  lettre adressée en 2009 au journal The Times,  plusieurs négociateurs britanniques et irlandais ( notamment John Hume,  qui a partagé le prix Nobel de la paix pour l’accord de Belfast) ont  critiqué les exigences unilatérales imposées uniquement au Hamas.  « Faire participer le Hamas » écrivaient  les négociateurs « n’équivaut  pas à approuver tacitement le terrorisme ou les attaques contre les  civils. En fait c’est une condition préalable à la sécurité et à la  négociation d’un accord réalisable ».
Que les entretiens de paix reprennent sans qu’il y ait  d’engagement de la part des Israéliens de geler la construction de  colonies est une autre victoire significative pour le lobby et le  gouvernement israéliens. Israël peut ainsi se faire passer pour un  artisan de la paix tout en ne changeant rien à ses opérations.
Quant à M. Mitchell, depuis qu’il a été nommé envoyé au  Moyen-Orient, il a eu  jusqu’ici près de 600 journées d’échec. Aussi  longtemps que les USA maintiennent la même approche désespérante, il  peut s’attendre à beaucoup d’autres journées de ce genre.
Ali Abunimah est l’auteur de “One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse.”
Par Ali Abunimah :
Ali Abunimah
http://www.nytimes.com/2010/08/29/o...
Traduction : Anne-Marie Goossens