Vittorio Arrigoni 
          Croyez-moi, les enfants de Gaza sont des gamins qui battent  tous les records. Ils ont survécu à Plomb Durci et ils survivent chaque  jour à la guerre en temps de paix.         
Sur la plage, des enfants et des milliers de cerfs-volants...
Couverts de sang, ils ont rampé sous les ruines des  immeubles bombardés et pendant des jours ils ont pris soin de leurs plus  jeunes frères, des corps agonisants de leurs parents ensevelis sous les  débris de leurs berceaux. Tels des héros sortis de Walt Disney, ils ont  glissé hors du ventre de la mort encore barbouillés de liquide  amniotique pour découvrir le lourd héritage de la condition d’exilé  palestinien.
Plus de la moitié de la population de cette pauvre Bande  de terre est composée d’enfants, et bien qu’aucun de ces mineurs n’ait  jamais voté pour Hamas, ils sont bien les victimes désignées des  opérations militaires israéliennes et plus généralement du siège imposé à  Gaza.
Des enfants qui résistent. Aux maladies : selon un  rapport récent de la Palestinian Medical Relief Society, 52 % des  enfants de Gaza sont anémiques et souffrent de graves carences  nutritionnelles en raison d’une alimentation pauvre en phosphore,  calcium et zinc. Les données concernant les maladies respiratoires sont  également inquiétantes.
Des enfants qui résistent aux psychoses, à ces blessures  de la mémoire les ramenant face à des corps démembrés et à des  bâtiments en flammes, à ces traumatismes indélébiles qui les rendent  anxieux et dépressifs, insomniaques et incontinents.
Ils vivent dans des espaces surpeuplés, privés de  terrains de jeu. Dans les rues, ils ont vu la chair brûler vive et se  décomposer. Missiles, désolations et mort sont évoqués dans les dessins  lorsqu’on met une feuille blanche devant eux.
Si le droit au jeu ici est un luxe, le droit aux études  est quant à lui interdit : outre les jouets, Israël a également interdit  l’entrée des livres d’école primaire dans la Bande.
Contrairement aux Israéliens de leur âge, libres de  pratiquer des sports en plein air ou de s’amuser avec leur playstation,  les enfants de Gaza sont rendus esclaves d’un maître nommé faim, et je  les vois chaque jour pousser des charrues dans les champs, fouiller dans  les poubelles à la recherche de matériaux de récupération. Dans la  chaleur insupportable de cet été caniculaire, ils sont assis sur des  chariots tirés par des mulets surchargés de briques et pierres  récupérées dans les bâtiments bombardés, ou on les retrouve au carrefour  des rues en train de vendre des babioles, le regard vieux et fatigué de  rêver de cours vertes, de terrains de football et de glaces.
Ce n’est pas en jouant à cache-cache qu’ils  disparaissent sous terre dans les tunnels de Rafah : avec le risque  d’être enterrés vivants, ils sont la main-d’œuvre économiquement et  physiquement plus adaptée pour le trafic des marchandises qui autrement  n’arriveraient jamais sur les rayons des magasins de Gaza.
Il y a quelque temps, Jasmine Whitbread, Directrice  Générale de Save the Children pour le Royaume Uni, s’était exprimée en  ces termes : « Les enfants à Gaza ont faim en raison des restrictions  considérables touchant l’entrée de nourriture dans la région, et ils  sont en train de mourir parce qu’ils ne peuvent pas quitter Gaza pour  recevoir les soins médicaux dont ils ont un besoin urgent. Des centaines  de milliers d’enfants grandissent sans recevoir une instruction décente  parce que les bâtiments scolaires sont gravement endommagés et les  limitations dans le passage et l’approvisionnement en matériaux de  construction empêchent leur rénovation. Ce sont les enfants qui paient  le prix le plus cher du siège. » Outre ces exploits souvent oubliés, les enfants de la Bande de Gaza ont  battu en sept jours deux records célébrés par le Guiness.
Le jeudi 22 juillet, sur l’aire de l’aéroport fantôme de  Rafah détruit par l’aviation militaire israélienne en 2001, dans le  cadre de la fin des camps d’été organisés par l’Unrwa (agence de l’ONU  pour les réfugiés palestiniens), plus de 7.200 enfants ont fait rebondir  en même temps, pendant 5 minutes, autant de ballons de basket alors  qu’hier le record du monde du vol simultané de cerfs-volants a été  établi.
Sur la plage de Beit Laya, devant la frontière Nord avec  Israël, le ciel était tapissé de milliers d’hexagones colorés, dans une  sorte de célébration animée de cette liberté rêvée même par les plus  petits. Plus de 7.000 enfants ont fait voler leurs cerfs-volants,  multipliant par deux le record qui avait déjà été enregistré à Gaza  l’année dernière.
John Ging, chef des opérations de l’Unrwa, a affirmé au  terme de l’événement : « C’est un succès incroyable de parvenir à battre  deux records mondiaux en une semaine. Une démonstration de ce que  peuvent faire les enfants de Gaza si on leur en donne l’opportunité. Les  enfants de la Bande sont comme tous les autres enfants du monde, ils  souhaitent mener une vie normale loin des épreuves qu’ils sont obligés  d’affronter jour après jour », a conclu Ging. « Ce jour de fête est  l’expression de la demande de liberté pour ces enfants. »
Contrairement aux ballons de basket utilisés à Rafah,  les cerfs-volants qui ont flotté hier sur Beit Laya ne sont pas  industriels, mais ils ont été fabriqués par les mains de ces mêmes  enfants qui les ont hissés dans le ciel.
Certains présentaient des dessins éclatants, beaucoup portaient avec fierté les couleurs du drapeau palestinien.
Un cri de résistance visible face aux tourelles de surveillance israéliennes se dressant à quelques centaines de mètres.
Peu après l’enregistrement du nouveau Guiness des  Records, un navire de guerre de Tsahal (l’armée israélienne) est apparu à  l’horizon et s’est approché de la côte de Beit Laya, rappelant que  l’heure de la récréation était finie.
Restons humains.
* Vittorio Arrigoni réside à Gaza ville. Journaliste freelance et militant pacifiste italien, membre de l’ISM (International Solidarity Movement), il écrit notamment pour le quotidien Il Manifesto. Il vit dans la bande de Gaza depuis 2008. Il est l’auteur de Rester humain à Gaza  (Gaza. Restiamo umani), précieux témoignage relatant les journées  d’horreur de l’opération « Plomb durci » vécues de manière directe aux  côtés des ambulanciers du Croissant-Rouge palestinien.
Son blog peut être consulté à : 
http://guerrillaradio.iobloggo.com/
http://guerrillaradio.iobloggo.com/
                18 août 2010 - Vous pouvez consulter cet article à : 
http://www.association-belgo-palest...
Traduction de l’italien : Y. Khamal
http://www.association-belgo-palest...
Traduction de l’italien : Y. Khamal