Nour Odeh - Al Jazeera
          La vue est aussi ironique que la réalité. Debout sur le toit  d’une maison en construction à Bethléem, je peux voir l’église de la  Nativité, le mur israélien de séparation encerclant Bethléem, le trafic  de la ville, et l’expansion ininterrompue de la colonie israélienne de  Har Homa... écrit Nour Odeh.         
« Good guy... Abbas ! You’re the good guy ... »
Les Palestiniens connaissent cette colonie sous le nom  de Jabal Abu Ghneim. Israël prétend qu’il s’agit d’une partie du Grand  Jérusalem-Est occupée. Les Palestiniens savent également que cette colonie illégale  [comme elles le sont toutes par définition - N.d.T] de 30 000 habitants  a été construite sur leurs propriétés privées au plus fort du processus  d’Oslo.
Comme nous nous préparons à passer sur les ondes, je  pense à combien de fois j’ai été à Bethléem et combien de récits j’ai pu  faire sur cette ville historique et spirituelle ...
La plupart de mes reportages parlaient de la façon dont  Bethléem a été pressée, encerclée et diminuée sous la réalité d’un  empiétement rapide des colonies israéliennes. Cette ville a  littéralement changé d’apparence, d’esprit et de vie au fil des années. A  tel point que cette année, une étude des Nations Unies  a estimé que les politiques israéliennes ont eu pour effet la  diminution de la ville même de Bethléem et la fragmentation de sa zone  urbaine en différentes zones rurales.
Au cours des quatre dernières décennies d’occupation  israélienne, selon le rapport, la construction de colonies israéliennes  et les mesures liées ont entraîné la diminution de 87% de la ville de  Bethléem, enfermant sa population en croissance sur moins de 20% de ses  terres.
Ce mardi, les dirigeants palestiniens et israéliens se  sont réunis à Charm Al-Cheikh en Egypte. Ils ont été rejoints par la  secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, le tout au milieu de  beaucoup d’attention et spéculation de la part des médias.
Mais cette deuxième série de pourparlers a tourné en rond.
Palestiniens et les Israéliens ne sont pas d’accord sur  un agenda pour les négociations, ou sur la façon de procéder dans ces  pourparlers. Par conséquent, les cérémonies programmées dans la journée  ont été annulées et la réunion [trilatérale entre Abbas, Netanyahu, et  Clinton] a été retardées.
La question gluante [sticky], ou plutôt explosive, est  celle de la construction par Israël de colonies en Cisjordanie occupée, y  compris Jérusalem-Est. Un soi-disant moratoire unilatéral et partiel  sur la construction de colonies en Cisjordanie, à l’exclusion de  Jérusalem, arrive à échéance à la fin de Septembre. Même si les  Palestiniens étaient mécontents de ce moratoire, qui, selon des rapports israéliens n’a même pas été respecté, ils affirment ne pas vouloir d’un retour à la construction effrénée de colonies.
Selon les négociateurs palestiniens, le premier ministre  israélien a voulu seulement parler de la sécurité. Une telle demande,  disent les officiels palestiniens, signifie qu’Israël veut que ses  exigences de sécurité imposent de fait les frontières géographiques sur  le terrain. « Ils veulent que la forme et la taille du futur Etat  palestinien soit définie à l’aune de leurs demandes. Ce n’est tout  simplement pas possible », ont-ils déclaré. Les Palestiniens voulaient  au contraire parler des frontières et de sécurité en priorité. Ils font  valoir qu’un accord sur ces deux principales questions relatives au  statut final permettrait de jeter les bases pour d’autres questions et  permettrait aux équipes techniques de se mettre au travail.
Mais parler de frontières alors que les terres sont  avalées par les colonies israéliennes est une perte de temps, font  valoir les Palestiniens.
Les mêmes sources m’ont affirmé que l’atmosphère était  tendue à Charm Al-Cheikh, la diplomatie américaine et égyptienne  travaillant jusqu’à la dernière minute pour tenter d’éviter que les  pourparlers ne s’effondrer avant même d’avoir commencé. Le maximum de la  tension a été le moment du refus par Netanyahu de s’engager sur tout  gel de la colonisation.
Il est intéressant de noter que l’administration  américaine, représentée par la secrétaire d’État, est venue à ces  négociations les mains vides, sans aucune alternative à proposer, aucune  mesure décisive pour assurer que toutes les parties s’acquittent de  leurs obligations. Un gel complet de la colonisation israélienne en  Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, fait partie des obligations  d’Israël selon la Feuille de route pour la paix [qui a été présentée et  endossée] par l’administration Bush. Ce mardi, l’équipe de Netanyahu  voulait que ce soit juste une des questions mises « sur la table ».
Au milieu des multiples dépêches qui tombent, nous  discutons avec nos sources et recherchons toute nouvelle information,  tout fait nouveau. Sur le quotidien israélien Ha’aretz, un titre a  attiré mon attention : les colons israéliens reçoivent de 22% de plus en  subventions gouvernementales que les Israéliens ordinaires qui vivent à  l’intérieur de la Ligne verte - ou des frontières internationalement  reconnues d’Israël. Comme le vent commence à souffler fort sur le toit  où je suis debout, regarder en direction de Bethléem devient plus  difficile. Je me retourne et je vois Har Homa. Là, la construction se  poursuit, en rien concernée par les discours sur la paix.
Mark Regev, porte-parole  du gouvernement israélien, a déclaré à Al Jazeera que les Palestiniens  devaient se montrer « créatifs » sur la question des colonies. Sur ce  terrain-là, il est assez difficile de voir quelle genre de créativité  peut changer ou améliorer la réalité des Palestiniens qui y vivent.  Partout où ils peuvent vivre à Bethléem, leur vue depuis les balcons est  celle de l’une des 19 colonies israéliennes entourant leur district et  construites sur leurs terres occupées - et sur leurs propriétés - et  s’étendant rapidement au plus près de chez eux. Ces colonies, illégales  au regard du droit international, occupent maintenant environ la moitié  de la Cisjordanie, isolant les communautés palestiniennes derrière des  grilles gardées par des militaires, de postes de contrôle et des murs.
Et maintenant, ces Palestiniens voient des dirigeants  internationaux jouer les hôtes de « pourparlers de paix » et entendent  le Premier ministre israélien s’engager à faire la paix avec les  Palestiniens tout en s’engageant à relancer dès le mois de mars  l’expansion des colonies en Cisjordanie, devant leur porte d’entrée...  Il est difficile d’imaginer, dans ce scénario, la façon dont la  « créativité » pourrait changer la perspective qu’ils ont depuis chez  eux, voir la rendre plus attrayante.
Le vent souffle maintenant en rafales, dures et froides -  sans qu’il soit besoin de beaucoup d’imagination, il est le reflet de  l’ambiance autour de moi ...
* Nour Odeh est  correspondante d’Al Jazeera en Palestine occupée, et elle couvre  l’actualité sur le conflit israélo-palestinien depuis plusieurs années.