Face à de fortes pressions américaines et européennes, les       Arabes et l’Autorité palestinienne ont accepté une reprise       des pourparlers directs dont rien n’assure le succès.
Trois       mois après le lancement des négociations indirectes au       Proche-Orient et un mois avant l’expiration de l’échéance       fixée par la Ligue arabe, les ministres des Affaires       étrangère de 13 pays arabes ont, en présence d’Abou-Mazen,       donné leur feu vert à un tête-à-tête palestino-israélien       pour discuter d’une potentielle « paix » dans la région.       Palestiniens et Israéliens se débarrasseront ainsi du       parrainage de George Mitchell et passeront aux négociations       « directes », même si dans les « indirectes » aucune avancée       n’a été enregistrée.       
      Barack       Obama, le président américain, aurait fait pression pour       faire reprendre les discussions en gel depuis deux ans. De       fortes pressions même. Abbass ne le cache pas : « Je subis       une pression comme jamais je n’en ai subi de toute ma vie ».
      C’est ce       qui vient d’être dévoilé en détail trois jours après l’aval       arabe. Selon un haut responsable de l’Organisation de       libération de la Palestine, le maître de la Maison Blanche       aurait ainsi averti le président palestinien Mahmoud Abbass       que les relations entre Washington et l’Autorité       palestinienne pourraient se détériorer si le leader       palestinien refusait de reprendre les pourparlers directs       avec Israël. Des pressions en provenance du vieux continent       également. Abou-Mazen a reçu des appels téléphoniques des       dirigeants britannique, allemand et italien pour le       convaincre de reprendre les négociations directes.
      Selon ce       même responsable palestinien, Obama a envoyé à son homologue       palestinien, mi-juillet, une lettre pour le « rassurer » de       son soutien mais avec en filigrane des « avertissements des       plus sérieux » que tout refus d’une reprise des négociations       directes avec Israël pourrait « nuire » aux relations       palestino-américaines.
      Dans la       même lettre, le président américain affirme qu’en cas de       reprise du dialogue, il veillerait à une extension du       moratoire sur la colonisation juive en Cisjordanie qui       expire le 26 septembre. Il ménage le bâton et la carotte.
      Un       diplomate arabe assistant à cette réunion la semaine       dernière au Caire affirme que Abbass a montré la lettre aux       chefs des diplomaties présents. Ils ont décidé par la suite       d’écrire une lettre, eux aussi, adressée à Obama, et qui a       été remise à l’ambassadrice américaine au Caire Margaret       Scobey, pour lui exposer leur position sur les négociations       directes et leurs exigences. La position définitive de la       Ligue arabe sur la question devra être adoptée en septembre       par la totalité des 22 ministres membres.
      Les       Arabes, qui ont laissé au président palestinien Abbass de       déterminer « les conditions nécessaires pour le lancement du       dialogue », comme l’a déclaré le chef de la diplomatie       égyptienne Ahmad Aboul-Gheit, demandent « le gel de la       colonisation israélienne dans les territoires palestiniens       occupés avant la reprise des négociations directes ». Le gel       partiel de la construction des colonies en Cisjordanie       décrété en novembre dernier sous pression américaine       s’achève le 26 septembre et Tel-Aviv affirme que les travaux       sur le chantier reprendront à l’expiration de ce moratoire.
      Les       Palestiniens réclament aussi « des garanties sur les       frontières » du futur Etat palestinien, soit une       reconnaissance de la part d’Israël des lignes de 1967 comme       base de discussion. 
      Dans       l’entourage de Mahmoud Abbass, on estime que le leader       palestinien a perdu foi en le processus de paix et croit que       les pressions américaines et européennes aussi qui       s’exercent sur lui pour accepter les négociations directes       n’ont pour objectif que de donner davantage de temps aux       Israéliens pour créer le fait accompli en multipliant les       colonies en Cisjordanie et à Jérusalem, et par la suite,       modifier la carte. Il est davantage convaincu que la       coalition très à droite que dirige Netanyahu ne fera aucune       concession en sa faveur. 
      Le       scepticisme des Palestiniens est légitime, les négociations       indirectes pendant trois mois n’ont enregistré aucun progrès,       et en l’absence de garanties sur la fin du jeu, les directes       peuvent facilement subir le même sort. 
            Palestiniens et Israéliens ont discuté, négocié et marchandé       pendant une vingtaine d’années sans résultat tangible.       Annapolis, et bien avant Camp David II en passant par Wye       River et Charm Al-Cheikh. Les Palestiniens ne veulent pas       recommencer à zéro, mais là où ils se sont arrêtés fin 2008,       alors qu’Ehud Olmert était chef du gouvernement.
      Le       premier ministre israélien, lui, veut négocier sans « cadre       » et sans « conditions préalables ». Le vice-premier       ministre israélien, Sylvan Shalom, juge « impossible »       d’accepter les conditions des Palestiniens. 
      Et si       les Arabes estiment que les négociations ne devraient pas       démarrer immédiatement, le premier ministre israélien       Benyamin Netanyahu vient pourtant de déclarer qu’il       négociera « à proximité » avec les Palestiniens à la mi-août.       Ce que les Israéliens omettent c’est que les Palestiniens ne       sont plus capables de faire davantage de concession,       simplement parce qu’il n’en existe plus. Ils ont subi de la       pression, simplement car ils ne peuvent pas dire « non » à       la volonté américaine. 
      Les       Arabes, qui ont soutenu Abbass dans sa démarche, argumentent       en effet que finalement, ce ne serait pas une mesure       purement négative, car une fois autour de la table,       Washington réalisera que c’est Israël qui représente un       obstacle à la paix. Puisqu’il semble clair qu’Israël est       loin d’approuver une solution qui inclut, entre autres, la       création d’un Etat palestinien.
      On va       quand même à ces négociations directes pour prouver au monde       qu’Israël n’est pas sérieux à entendre le chef de la Ligue       arabe, Amr Moussa.
      Les       Arabes acceptent donc les négociations pour les négociations,       pas un iota de plus. Ils ne veulent surtout pas       d’affrontement diplomatique avec les Etats-unisiens.
      Et en       poussant vers des négociations directes, les Américains       omettent, et avec eux les Israéliens, que les Palestiniens       ne peuvent pas faire davantage de concessions, simplement       car il n’y en a plus à faire. Le président Hosni Moubarak,       qui a reçu dimanche à Charm Al-Cheikh le président israélien       Shimon Pérès, avec lequel il a débattu notamment de cette       reprise des négociations, a bien dit qu’avec la colonisation,       il ne restera pas de territoires pour les Palestiniens. Donc       quels autres sacrifices peut-on leur demander encore ?
      Ainsi       nombre de Palestiniens, dont des intellectuels, ne cachent       pas leur crainte que l’Autorité Palestinienne soit entraînée       vers des « sacrifices majeurs », surtout en l’absence       d’assurance « écrite » de la part des Américains, au moins       sur les lignes de démarcation de 1967. Netanyahu exclut en       effet que son pays renonce au contrôle de Jérusalem-Est.
      Abbass       serait satisfait d’assurances venant aussi bien de Netanyahu       que de l’Egypte ou la Jordanie qui toutes deux font office       de médiateurs entre les deux parties. Le Caire dit avoir       reçu des assurances américaines, mais il a refusé d’en       rendre les détails publics.
      Autour       de la table de négociations, que fera et que pourra dire       Israël s’il rejette d’emblée les droits palestiniens ? Un       document publié le mois dernier par le Centre de Jérusalem       pour les affaires publiques apporte en grande partie la       réponse. Ce texte, dont l’auteur principal est le       vice-premier ministre israélien Moshe Ya’alon, parle d’«       arrangements de sécurité en Cisjordanie, après la création       d’un Etat palestinien sur ce territoire » sans préciser       c’est quoi comme territoire. Le texte, auquel ont contribué       des généraux de l’armée israélienne, appelle à transformer       la Cisjordanie en une autre Gaza, un Etat démilitarisé où       Israël continuera à contrôler air et terre.
      Au fil       des pages, le document élabore une liste des contrôles qui       devront être imposés aux Palestiniens pour garantir une «       démilitarisation », qui dépasse la définition classique du       terme comme dit le texte. 
      Des       mesures qui simplement priveront un futur Etat palestinien       de sa qualité d’Etat, c’est-à-dire d’être souverain et       d’être traité avec respect.
      Et les       Palestiniens, auxquels on n’a rien promis, obtiennent une       petite récompense diplomatique. Les Etats-Unis ont ainsi       décidé de relever le statut du représentant de l’OLP à       Washington, de chargé d’affaires à « quasi-ambassadeur », et       le drapeau palestinien a été hissé sur DC pour la première       fois. 
      Des       capitales européennes envisagent des mesures similaires, dit-on.
      Les       Palestiniens n’ont-ils pas besoin de voir ce drapeau hissé       d’abord à Jérusalem ? Obama aurait les yeux braqués ailleurs,       sur un scrutin législatif et dans lequel il peut se       prévaloir d’un important succès diplomatique et il se       concilie le lobby juif prosioniste. 
      Abbass       en est conscient. Il semble pourtant vouloir passer à       l’action. Selon son négociateur en chef Saëb Erakat,       l’Autorité palestinienne a envoyé à l’administration       américaine des propositions détaillées munies de cartes et       documents en vue d’un règlement définitif. A la question de       savoir ce qu’il ferait en cas d’impasse dans les       négociations indirectes, Abou-Mazen avait déclaré : « Je       démissionnerai ». Avec un échec des « directes », que       fera-t-il alors ? .
      Samar       Al-Gamal