J’ai       demandé à un ami, qui est analyste stratégique américain       dans l’un des centres de recherches à Boston, s’il était       prévisible qu’Israël assène une frappe militaire à l’Iran.       Après quelques instants de méditation, sa réponse était       confuse véhiculant à la fois l’affirmative et la négative.      
            Il a déclaré qu’il est certain que ni le premier ministre       israélien Netanyahu ni un autre dirigeant israélien ne       peuvent entreprendre une telle mesure sans que les       Etats-Unis ne leur donnent le feu vert. Après un autre       instant de silence, il a ajouté qu’il s’agit d’un important       pas qu’Israël ne peut à lui seul assumer parce que ses       résultats seraient de grande envergure et influenceraient       tout l’avenir de la région et probablement du monde entier.
            Alors que j’essayais d’assimiler ses propos et alors que je       m’apprêtais à la question suivante, mon ami avait poursuivi       non sans attendre : tant que Washington continue de parler       de la nécessité de ne pas exposer les Américains au danger,       personne en Israël n’oserait entreprendre un tel pas       unilatéralement. Au moment où l’administration      Obama cesse d’utiliser cette       expression, cela voudrait dire que le moment approche. Le       sens latent ici est qu’il n’existe pas       deux intérêts dissociables entre les Etats-Unis et Israël au       niveau de l’arme nucléaire iranienne — si nous supposons       qu’il y en a — comme il était de rigueur dans le passé       lorsqu’Israël avait unilatéralement mené une attaque contre       le réacteur iraqien      Osirak. Cette fois-ci, les       Américains sont en Iraq, comme en Afghanistan, ainsi que       dans tous les pays du Golfe et les intérêts américains sont       intenses d’envergure et imbriqués avec les êtres humains       plus qu’à n’importe quel autre moment. Raison pour laquelle       les dangers de la guerre ne seront pas assumés par celui qui       prendra l’initiative de mener l’offensive ou les opérations       ciblant les sites nucléaires israéliens, mais seront       endossés par l’autre partie en âmes et en blessures       profondes.
            Encore une fois et avant de commenter m’interrogeant sur la       nouveauté dans cette relation américano-israélienne toujours       si étroite, l’homme m’a devancé en me demandant si j’avais       suivi les visites du ministre israélien de la Défense, Ehud       Barak, à Washington ? Lorsque j’ai répondu par la négative.       Sa réponse disait que jamais dans l’histoire israélienne       contemporaine, un ministre de la Défense n’a effectué de       telles visites répétées, séparées par un intervalle de trois       semaines et interceptées par des visites d’autres niveaux du       Mossad et du ministère de la Défense israélien. Sans compter       bien sûr les visites similaires effectuées par de hauts       responsables du Pentagone et de la C.I.A. à Tel-Aviv. Une       telle intensité dans les visites réciproques vient démontrer       que les discussions tournent autour d’un thème important et       stratégique nécessitant de nombreuses ententes, des échanges       de points de vue ainsi qu’une action pour résoudre les       différends autour des méthodes de travail.
            Et à l’homme de rétorquer qu’Israël travaille militairement       d’une manière différente de Washington. Il détermine       l’objectif stratégique essentiel et le frappe ensuite avec       toute sa force, un point c’est tout.
            Après une série de visites effectuées par le vice-président       américain Al Gore et des responsables du Pentagone à Israël       ainsi que des visites effectuées par l’autre partie, avec       Netanyahu et ses groupes de conseillers à Washington, nous       avons été surpris par la visite du ministre de la Défense       israélien Ehud Barak à Washington le 26 juillet 2010 pour       discuter du dossier nucléaire iranien de plus que les       négociations avec les Palestiniens ainsi que la requête       d’Israël pour acheter des armes américaines.
            Quelques jours avant cette rencontre, Daniel      Kurtzer, ex-ambassadeur       américain au Caire et à Tel-Aviv et actuellement professeur       des études moyen-orientales à l’Université de Princeton,       avait publié un article sous le titre de la troisième guerre       du Liban, prévisible dans une période temporelle variant       entre 12 et 18 mois. Cette guerre a des raisons qui se       rapportent au Hezbollah et à Israël en même temps et que       l’on peut résumer à trois facteurs : le premier selon lequel       le Hezbollah a élargi son influence politique à l’intérieur       de la scène libanaise depuis la dernière guerre avec Israël.       Le deuxième réside dans les résultats de cette visite qui se       sont manifestés dans l’arsenal militaire du Hezbollah qui a       gagné en puissance tant dans la qualité que dans la quantité       de sources iraniennes et syriennes. Troisièmement : Israël       considère le Hezbollah comme une partie intégrante de la       stratégie militaire iranienne afin de diriger une première       et une deuxième frappes à Israël au cas où il commencerait à       détruire les capacités militaires iraniennes.
            Ce qui est inédit c’est que l’article de      Kurtzer conseille       l’administration américaine d’œuvrer à interdire une telle       guerre, soit à travers l’intervention diplomatique ou bien       en exerçant une pression sur les parties concernées, y       compris Israël et la Syrie, ou encore par l’intermédiaire       des négociations avec le Hezbollah. Cependant, l’auteur       n’objecte pas le fait qu’Israël mène des frappes militaires       restreintes contre un convoi transportant des armes de       longue portée ou bien les camps de formation même s’ils sont       à l’intérieur de la Syrie sans prendre en considération les       éventuelles coordinations entre Israël et les Etats-Unis et       sans tenir compte du fait qu’Israël pourrait probablement       accepter les règles du jeu et s’engouffrer dans une guerre       qui avorterait éventuellement les plans en cours       d’élaboration contre Téhéran.
            Cependant, ce qui nous concerne essentiellement c’est       l’Egypte, qui se trouve au centre de tout cela et qui tente       d’équilibrer la balance et d’atténuer l’extrémisme des       différentes parties.
            En ce qui nous concerne, la question semble avoir deux       facettes : la première se rapporte au bon choix stratégique       fait par l’Egypte sur la voie de la paix qui a non seulement       restitué à l’Egypte ses territoires, mais qui l’a également       éloignée de cette spirale sanglante des courants violents       ayant secoué la région pendant toute la dernière décennie.       Deuxièmement : il existe maintes tentatives d’entraîner       l’Egypte dans cette spirale de violence et d’extrémisme.
            Ces dernières années, nombreuses étaient les forces qui       focalisaient sur le Sinaï dans l’objectif de détruire la       réputation rayonnante que le développement a réalisée dans       son sud et les réussites d’accéder à la vallée. Ceci s’est       réalisé de prime abord à travers le creusement des tunnels       souterrains entre les frontières égypto-palestiniennes.       Ensuite, ce furent les opérations terroristes qui ont eu       lieu à Taba, à      Dahab et à       Charm Al-Cheikh. Et enfin, les interventions       d’ingérence qui se sont multipliées dans le Sinaï. La plus       importante et la plus dangereuse fut la cellule terroriste       que le Hezbollah a tenté d’implanter en Egypte afin de       menacer le Canal de Suez et la mer Rouge. Des actions qui ne       sont pas indissociables, mais elles préparaient la scène à       des opérations.
            Je suis désolé parce que mes discours à partir de Boston ont       été longs plus qu’il ne le fallait. Mais ce fut une occasion       pour vous transmettre ce que j’ai entendu et les dossiers       importants que j’ai discutés, concernant l’Egypte, le monde       ainsi que la cause palestinienne. Il nous fallait méditer       sur tout cela de loin. Peut-être y aurait-il des leçons à       tirer.
Abdel-Moneim SaïdLien