Anne Ilcinkas  
Le  Liban et Chypre ont ratifié la Convention de Montego Bay, pas Israël.  Malgré tout,il se trouve lié par la plupart des dispositions émanant de  la Convention dans la mesure où le texte a repris des règles relevant du  droit coutumier et ayant valeur universelle.
L’Est de la Méditerranée  renfermerait d’énormes quantités de pétrole et de gaz. Problème : les  eaux ne sont pas clairement délimitées, et trois pays, le Liban, Israël  et Chypre, revendiquent leur souveraineté sur la totalité des réserves,  ou au moins sur une part du gâteau. Que dit le droit international ?
L’annonce faite par la compagnie américaine Nobel Energy  sur la présence de 453 milliards m3 de gaz au large d’Israël a suscité  de vives craintes et menaces dans la région, chaque partie entendant  faire respecter sa souveraineté et ne pas se faire spolier par le  voisin. Problèmes de délimitation des eaux territoriales
Le président du Parlement libanais Nabih Berri a mis en  garde contre un monopole israélien des réserves dans l’Est de la  Méditerranée, en déclarant :
« Le Liban devait immédiatement prendre des mesures pour  défendre ses droits non seulement financiers, mais également  économiques, politiques et souverains. »
Le Parlement a d’ailleurs adopté le 18 août une loi autorisant l’exploitation off-shore de réserves de pétrole et de gaz.
De son coté, le ministre israélien des Infrastructures  nationales, Uzi Landau, a prévenu qu’« Israël n’hésitera pas à user de  la force, non pas pour défendre ses droits, mais pour défendre le droit  maritime international » en soulignant que les champs gaziers découverts  se situent dans les eaux israéliennes.
Chypre pourrait aussi faire valoir ses droits et profiter de la manne pétrolière et gazière.
Mais avant d’exploiter ces ressources naturelles, le  problème de délimitation des eaux territoriales doit être résolu. Que  nous dit le droit international ?
Les textes applicables
Le droit de la mer est ancien. Il est donc  essentiellement coutumier. Il a été codifié par les quatre Conventions  de Genève de 1958. Puis redéfini et complété par la Convention de  Montego Bay (Jamaïque) signée en 1982. Elle définit les zones de  l’espace marin et détermine leurs usages militaires et civils. Elle est  une tentative inégalée de réguler l’utilisation des ressources et de  l’espace maritime.
Le régime juridique des espaces maritimes varie selon  les zones. Plus on s’éloigne des côtes, moins l’influence de l’Etat se  fait sentir et plus le principe de liberté reprend ses droits.
Le Liban et Chypre ont ratifié la Convention, pas  Israël. Malgré tout, l’Etat hébreu se trouve lié par la plupart des  dispositions émanant de la Convention dans la mesure où le texte a  repris des règles relevant du droit coutumier et ayant valeur  universelle.
En cas de litige, Israël pourrait donc se voir contraint à respecter le droit maritime international.
Ce que prévoit la Convention de Montego Bay
La mer est divisée en zones sur lesquelles différentes souverainetés s’appliquent :
* Les eaux intérieures (du territoire terrestre aux  lignes de bases) : il s’agit des eaux incluses entre le rivage et la  ligne de base à partir de laquelle est mesurée la largeur de la mer  territoriale. La souveraineté de l’Etat y est totale.     * La mer territoriale (des lignes de base jusqu’à 12 miles au  maximum) : l’Etat exerce sa souveraineté sur les eaux territoriales sur  la nappe d’eau, mais aussi sur le fond et le sous-sol ainsi que sur  l’espace aérien au dessus. Les navires étrangers, qu’il s’agisse de  navires de commerce ou de navires de guerre, ont un droit de passage  inoffensif dans la mer territoriale.     * La Zone Economique Exclusive (ZEE) : la zone économique exclusive  est d’une largeur maximale de 200 miles (370 km) au-delà des lignes de  base. L’État côtier dispose de « droits souverains aux fins  d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des  ressources naturelles, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds  marins et de leur sous-sol ».     * La Haute mer (espace maritime international). : elle commence  au-delà de la limite extérieure de la ZEE et représente 64% de la  surface des océans. Le principe de la liberté y prévaut : liberté de  navigation, de survol, de la pêche, de la recherche scientifique, de  poser des câbles et des pipe-lines, de construire des îles  artificielles.
La situation à l’Est de la Méditerranée
Alors que les pays riverains ont généralement porté leur  mer territoriale à 12 miles marins (40 km au large des côtes), ils  n’ont pas ressenti le besoin de s’attribuer une zone économique  exclusive en Méditerranée.
En effet, la mer Méditerranée étant étroite et fermée,  les Etats riverains doivent négocier et s’entendre sur la superficie de  leurs ZEE. La délimitation de la ZEE doit faire l’objet d’une  déclaration unilatérale de l’Etat concerné si la seule limite est avec  la haute mer, ou d’un accord entre les pays voisins auprès de l’ONU.
Dans la Méditerranée, les 33 frontières maritimes  doivent faire l’objet de négociations. Jusqu’à présent, aucun des trois  pays concernés, Israel, le Liban et Chypre, n’a revendiqué de ZEE. Aucun  d’entre eux n’est donc légalement autorisé à exploiter le sous sol  marin en dehors de ses eaux territoriales (40 km).
Or les réserves découvertes récemment sont situées à 90  km (nappe de pétrole « Tamar ») pour l’une et 130 km (champ gazier  « Leviathan ») pour l’autre des côtes israéliennes, donc à l’extérieur  des eaux territoriales de l’Etat hébreu.
Des tuyaux d’extraction de gaz près de Montreux, en  Suisse, en mai 2010 (Denis Balibouse/Reuters)Parce qu’Israël n’a pas  déclaré de ZEE, Chypre a demandé il y a quelques mois au ministre  israélien des Affaires étrangères des précisions sur les découvertes  pétrolières au large de leurs côtes. Les deux pays ont entamé des  négociations sur la délimitation de leurs frontières maritimes.
Aujourd’hui, c’est le Liban qui revendique ses droits.  Et comme les deux voisins sont encore techniquement en état de guerre et  qu’ils n’entretiennent aucune relation diplomatique, la négociation  entre eux sur la délimitation de leur ZEE respective s’avère quasiment  impossible.
Le ministre libanais de l’Energie et des Eaux a déjà  pris les devants en indiquant que le Liban travaillait de manière  unilatérale sur le tracé des frontières maritimes avec Israël, avant  d’en soumettre les résultats au Conseil de sécurité de l’ONU pour  approbation. Par contre des discussions sont en cours -ou vont être  ouvertes prochainement- avec Chypre et la Syrie. Ainsi, une sorte de  course est engagée pour établir le premier sa souveraineté sur les eaux  méditerranéennes.
L’affaire pourrait se terminer en dernier lieu devant  les tribunaux internationaux. En cas de litiges, la Convention de  Montego Bay prévoit plusieurs voies différentes, dont le choix est  laissé aux Etats : le Tribunal international du droit de la mer, la Cour  internationale de Justice, l’arbitrage.
Cette affaire vient nous rappeler qu’en géographie, la  frontière est le produit d’un équilibre entre des Etats qui exercent des  pressions politiques, et n’a rien de naturel.