Jonathan Cook
Près  de 600 israéliens se sont engagés dans une campagne de désobéissance  civile, promettant de prendre le risque d’aller en prison pour faire  entrer illégalement des femmes et des enfants palestiniens en Israël  afin de leur donner un bref aperçu de la vie hors des territoires  occupés de Cisjordanie.
Ces Israéliens disent qu’ils  ont été inspirés par l’exemple de Ilana Hammerman, un écrivain qui est  menacé de poursuites judiciaires pour avoir publié un article dans  lequel elle admettait avoir enfreint la loi en amenant trois  adolescentes palestiniennes en Israël pour une journée de vacance.
Madame Hammerman a dit qu’elle voulait donner aux jeunes  femmes qui n’avaient jamais quitté le Cisjordanie "un peu de bonheur"  et l’occasion de voir la Méditerranée pour la première fois de leur vie.
Son récit a choqué beaucoup d’Israéliens et provoqué une  enquête policière après que des groupes d’extrême-droite aient insisté  pour qu’elle soit jugée pour s’être rendue coupable d’un délit contre la  sécurité.
Il est illégal de faire passer aux Palestiniens les  checkpoints vers Israël sans un permis, qu’on obtient rarement. Si elle  était jugée et condamnée, Madame Hammerman pourrait avoir à payer une  amende et avoir à faire jusqu’à deux ans de prison.
Mais les Israéliens qui se sont joints à la campagne  disent qu’ils ne se laisseront pas effrayer par des menaces  d’emprisonnement.
Le mois dernier, un groupe de 11 femmes israéliennes a  rejoint Madame Hammerman dans un nouvel acte de désobéissance, en  faisant traverser un checkpoint vers Israël à une douzaine de  palestiniennes et quatre enfants dont un bébé.
Les Israéliennes disent qu’elles projettent de "faire  entrer en contrebande" une grande quantité de Palestiniens en Israël  dans les semaines qui viennent.
"Les Palestiniens qui viennent avec nous veulent  seulement avoir un peu de bon temps après des années d’enfermement sous  l’occupation, mais pour nous ce qui est le plus important c’est l’acte  de désobéissance" a dit Ofra Lyth qui a aidé à établir un forum internet  pour les supporters après avoir assisté à une conférence de Madame  Hammerman.
"Nous voulons obtenir l’abrogation de cette loi immorale  qui permet aux Juifs de circuler librement pendant que les Palestiniens  sont emprisonnés dans leurs villes et leurs villages dit-elle, se  référant aux lois qui interdisent à la plupart des Palestiniens des  territoires occupés d’entrer en Israël et aux Israéliens de leur porter  assistance. Il y a des exception pour ceux qui ont des laissez-passer  qui sont parfois délivrés en cas d’urgence médicale ou à quelques  paysans palestiniens.
Pour les Palestiniennes, cependant, il ne s’agit pas  seulement de marquer le coup ou de s’opposer à une loi injuste dit  Madame Lyth.
"Les Palestiniennes nous disent : "Vous, vous voulez  engranger des gains politiques, mais nous, nous violons la loi pour  pouvoir nous distraire un peu et nous rappeler comment était la vie  avant les barrages et le mur". Une femme m’a dit : "Je veux juste  pouvoir respirer à nouveau".
Les Palestiniens de Cisjordanie n’ont pas souvent  l’occasion de respirer. Le territoire contient une population -en  constante augmentation- de 300 000 Juifs dans plus de 100 colonies. Les  colons se rendent en Israël sur des routes que l’armée contrôle avec des  barrages.
J’ai traversé un des ces points de passage pour les  Colons près de Beitar Ilit, au sud de Jérusalem, celui que Madame  Hammerman a traversé avec les trois adolescentes palestiniennes cette  année. Pour les protéger, elle n’a pas donné pas le nom des jeunes  filles ni celui du village de Cisjordanie où elles vivent. Elle les  appelle Aya, Lin et Yasmin. Elles aussi pourraient être emprisonnées  pour avoir enfreint la loi. Dans l’article de Madame Hammerman, publié  dans le journal Haaretz en mai, elle reconnaît être consciente que ce  qu’elle a fait était illégal.
Elle a dit aux jeunes filles de 18 et 19 ans d’enlever  leur hijabs pour la journée et de porter des vêtement occidentaux pour  ne pas attirer l’attention des soldats au checkpoint. Elle leur a aussi  appris une expression hébraïque facile a retenir : "hakol beseder" c’est  à dire "tout va bien" au cas où les soldats leur parleraient (Ils le  font quand ils veulent s’assurer qu’il n’y a pas de Palestiniens dans  l’auto NdT).
Puis elle les a emmenées visiter Tel Aviv, la cité  universitaire, un musée, un centre commercial et la plage qu’aucune  d’elles n’avait jamais vue bien qu’elle ne soit qu’à 40 km de leur  village.
Selon Gisha, un organisme israélien des Droits de  l’Homme, Israël a mis en place le système de permis pour limiter les  mouvements des Palestiniens à l’extérieur de la Cisjordanie au début des  années 90, à peu près à l’époque où ces jeunes filles sont nées.
Madame Hamemman a écrit qu’elles se sont trouvées en  danger une fois pendant l’excursion lorsqu’un policier en civil leur a  demandé leurs papiers. Madame Hammerman a menti à l’officier de police  et lui a dit que les jeunes femmes étaient des Palestiniennes de  Jérusalem-Est et que donc elles avaient le droit de venir en Israël.
En juin dernier, il a été annoncé que Yehuda Weinstein,  le procureur général, avait décidé d’ouvrir une enquête suite à la  plainte d’une organisation de colons appelée "the legal forum for the  land of Israel".
Les rangs des supporters de Madame Hammerman ont grossi  depuis que le groupe a placé une publicité intitulée "Nous refusons  d’obéir" dans le journal Haaretz ce mois-ci. La publicité dit que le  groupe agit "dans l’esprit de Martin Luther King", le leader américain  des droits civils et exige que les Palestiniens soient traités comme  "des êtres humains et non comme des terroristes".
Au cours des dernières semaines, le forum internet a  enregistré plus de 590 signatures de personnes prêtes à imiter l’acte de  désobéissance civile de Madame Hammerman. "Cela m’a vraiment surprise  et cela m’a encouragée" dit-elle. "je ne m’étais pas rendu compte que  tant d’autres Israéliens en avaient assez de cette ignoble loi".
Cependant en Israël la couverture médiatique de Madame  Hammerman et de ses supporters a été largement hostile. Au cours d’une  interview télévisée, la semaine dernière, elle a été accusée de mettre  en danger les Israéliens avec ses excursions. Le présentateur de  l’émission lui a demandé si elle avait contrôlé les sous-vêtements des  jeunes femmes palestiniennes pour s’assurer qu’ils ne contenaient pas  d’explosifs avant de les laisser monter dans la voiture.
Mais elle ne se laisse pas intimider. Elle dit que le  groupe est en train d’organiser d’autres sorties avec de Palestiniens et  projette de les emmener prier à Al-Aqsa, la mosquée de Jérusalem où il  leur est impossible de se rendre depuis au moins dix ans et aussi  visiter des parents palestiniens qu’ils ne peuvent pas voir à Jérusalem  ou en Israël.
"Nous devons faire en sorte que les Israéliens  recommencent à rencontrer des Palestiniens et à sortir avec eux pour  qu’ils les voient comme des êtres humains qui ont les mêmes droits  qu’eux".
Elle dit que son but premier était d’amorcer un débat  parmi les Israéliens au sujet de la moralité et de la légalité des lois  israéliennes et de mettre en question "l’obéissance aveugle" des gens à  l’autorité.
Madame Lyth a ajouté que les Palestiniennes "que nous  avons emmenées en excursions sont devenues les héroïnes de leur village.  Elles et leurs familles savent qu’elles ont pris un grand risque en  violant la loi mais le harcèlement fait déjà partie de leur vie  quotidienne".
"Jusqu’à présent nous n’avons emmené en excursion de  contrebande en Israël que des femmes et des enfants, dit Madame  Hammerman. "C’est plus difficile d’emmener des hommes sans que les  autorités ne s’en aperçoivent et puis ils seraient traités beaucoup plus  durement s’ils étaient pris".
Jonathan Cook est un journaliste  et écrivain basé à Nazareth, Israël. Ses derniers livres sont "Israël et  le choc des civilisations : Iraq, Iran et le projet de réfection du  Moyen Orient (Pluto press) et "la Palestine en voie de disparition : Les  expériences d’Israël dans le domaine du désespoir humain" (Zed books).
Publié par Dissident voice http://dissidentvoice.org/2010/08/i...
et en français par le Grand Soir
Traduction : D. Muselet