Par Ramzy Baroud
                          Ramzy Baroud (www.ramzybaroud.net) est un éditorialiste international et rédacteur en chef de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, My Father Was a Freedom Fighter: Gaza's Untold Story
  (Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire non dite de  Gaza) (Pluto Press, Londres), est maintenant disponible sur Amazon.com. Chaque fois qu’Israël ne tient pas ses  engagements, l’Autorité Palestinienne répond en usant du même langage  redondant. Le cycle est devenu tellement prévisible que l’on se demande  pourquoi les responsables de l’AP prennent même la peine de protester  contre l’action israélienne. Ils doivent pourtant être très au fait que  leurs plaintes, authentiques ou autres, tomberont dans l’oreille de  sourds. Ils savent que leurs récriminations ne contribueront pas à un  changement de paradigme de la conduite d’Israël, ni de celle des  Etats-Unis.                        
                                                 Jetons un regard sur le  contexte linguistique des plaintes de l’Autorité Palestinienne. Dans un  discours de début juin, le Président palestinien Mahmoud Abbas a  qualifié tout pourparler direct avec Israël de « futile ». Des milliers de journaux et de sites d’information l’ont mis en une, soulignant le mot « futile »  par des guillemets – comme s’il constituait une sorte de révélation  fracassante. Mais quiconque s’intéresse au Moyen-Orient, et au conflit  israélo-palestinien en particulier, sait déjà que de telles négociations  seront « futiles ». Plus, Israël n’a jamais caché son peu de désir d’un règlement pacifique et juste.
 M. Abbas s’est toutefois arrangé pour s’insérer comme « joueur »  pertinent dans le conflit, en utilisant un mot intelligemment inventé.  Un mot qui a eu un énorme impact tant en Arabe qu’en anglais.
Bien sûr, rien de ceci ne signifie qu’Abbas ait réellement adopté un changement sérieux. Il faut plonger dans les archives pour se souvenir que le président de l’AP a ressenti la même chose sur les soi-disant « pourparlers de proximité » avec Israël en mai dernier.
Bien sûr, rien de ceci ne signifie qu’Abbas ait réellement adopté un changement sérieux. Il faut plonger dans les archives pour se souvenir que le président de l’AP a ressenti la même chose sur les soi-disant « pourparlers de proximité » avec Israël en mai dernier.
 Avant qu’ils ne débutent, il a aussi exprimé qu’il pensait que les  discussions seraient futiles. Il a de plus insisté sur le fait qu’aucune  négociation, directe ou autre, ne reprendrait sans un arrêt complet de  la construction de colonies israéliennes à Jérusalem Est occupée. Après  cette déclaration grandiose, Abbas a repris le simulacre de discussions  de proximité, pendant les familles palestiniennes continuaient d’être  déracinées de leurs maisons dans leur ville historique. Seule une  barrière a été levée avant de s’embarquer dans les pourparlers de  proximité : Abbas et ses hommes ont cessé de geindre.
 Près de deux mois plus tard, alors qu’il est évident pour tous que les pourparlers de proximité furent bien sûr « futiles »  - en particulier lorsque le Premier Ministre israélien Benjamin  Netanyahu a triomphé du Président des Etats-Unis Barack Obama lors de la  dernière visite à Washington – M. Abbas s’est retrouvé dans un besoin  désespéré d’une autre ligne de défense. Ainsi la nouvelle campagne  attaquant les discussions directes inévitablement « futiles » avec Israël.
 M. Abbas n’est pas le seul acteur de ce drame. D’autres ont aussi fait  leur travail, aussi efficacement et aussi fidèles à la forme que jamais.  Yasser Abed Rabbo, qui a changé plusieurs fois de casquettes par le  passé et qui est maintenant un des conseillers de M. Abbas, a affirmé  que l’AP « n’entrerait pas dans de nouvelles négociations qui pourraient durer plus de 10 ans.  » Cette promesse – que la direction palestinienne ne se laissera pas  duper dans des discussions pour le plaisir de discuter et sans  échéancier – n’est pas la première de ce type de la part d’Abed Rabbo,  et elle n’est certainement pas la dernière. Le conseiller d’Abbas  continuera vraisemblablement à partager le même point de vue usé jusqu’à  la corde encore et encore, parce que c’est le rôle que tout responsable  palestinien « modéré » doit répéter pour rester pertinent.  Comment pourraient-ils autrement donner l’impression que l’AP joue  toujours le rôle de rempart contre l’usurpation territoriale illégale et  l’occupation militaire israéliennes ?
 Ahmed Qurei, ancien ministre des affaires étrangères de l’AP et  ex-premier ministre, a donné récemment une conférence à l’Université  Hébraïque, intitulée : « Les pourparlers de proximité israélo-palestiniens : leçons des négociations passées. » La conférence était organisée par l’Institut de recherche pour l'avancement de la paix Harry S. Truman (Harry S. Truman Institute for the Advancement of Peace)  de l’Université Hébraïque. Le lieu et l’occasion de cette conférence ne  pouvaient pas être plus significatifs. D’abord, la plus grande partie  de l’Université Hébraïque a été construite sur une terre palestinienne «  ethniquement nettoyée ». Ensuite, Qurei a parlé dans une Université  israélienne d’une ville occupée, au moment où les activistes et les  universitaires du monde entier, dont plusieurs en Israël, mènent un  boycott culturel et universitaire des universités israéliennes pour  protester contre le rôle terrible que ces institutions ont joué dans la  violence israélienne contre les Palestiniens.
 Pire encore, immédiatement avant son discours, Qurei a rencontré  l’ancienne Ministre des Affaires étrangères et Premier ministre par  intérim Tzipi Livni. Livni a ordonné et supervisé le meurtre et la  mutilation sans précédents de milliers de Palestiniens à Gaza entre  décembre 2008 et janvier 2009. Le niveau d’inhumanité qu’elle a montré  pendant ces jours a provoqué l’indignation du monde entier, et de  beaucoup en Israël même. Mais tout ce sang a été glissé sous le tapis,  puisque « Livni et Abu Ala ont échangé des amabilités », selon le Jerusalem Post.
 Essayez juste d’imaginer la fureur que tous les Palestiniens – et en  particulier ceux qui sont assiégés dans Gaza détruite – ont éprouvé  tandis que Qurey et Livni se serraient la main et souriaient devant les  caméras. Quant aux contributions universitaires et politiques de Qurei,  le Post a rapporté que « lors de la conférence, Qurei a dit  que Netanyahu n’avait pas vraiment gelé la construction coloniale en  Cisjordanie, et qu’il avait ajouté que les actions d’Israël empêchaient  les pourparlers directs. »
Considérant les nombreux compromis faits par Qurei dans le fait même de participer à la conférence, et sa poignée de main à Livni, on peine à comprendre le pourquoi de telles déclarations.
Considérant les nombreux compromis faits par Qurei dans le fait même de participer à la conférence, et sa poignée de main à Livni, on peine à comprendre le pourquoi de telles déclarations.
 Ces déclarations creuses n’auront aucune incidence sur la suite des  événements, pas plus qu’elles n’obligeront Netanyahu et son gouvernement  de droite à y songer à deux fois avant de démolir les maisons et de  déraciner les arbres. Mais elles sont plus importantes que jamais pour  l’AP, car des voix s’élèvent à Washington, à Londres et ailleurs,  demandant que les Etats-Unis et leurs partenaires reconnaissent, sinon «  s’engagent », avec le Hamas. Une telle perspective est une mauvaise  nouvelle pour la direction palestinienne de Cisjordanie, qui sait que sa  pertinence dans le « processus de paix » repose sur le rejet constant  du Hamas. C’est pourquoi l’Autorité Palestinienne à Ramallah continuera  de coller à sa méthodologie : ne critiquons pas trop durement Israël,  pour ne pas perdre ses faveurs ; suivons les diktats états-uniens, pour  maintenir un statut « modéré » et de nombreux privilèges ; et donnons  toujours l’impression aux Palestiniens, aux Arabes et aux Musulmans, que  l’AP est le seul et unique défenseur de Jérusalem.
On se demande combien de temps encore les dirigeants palestiniens de Ramallah peuvent soutenir cette posture, qui est, de fait, pour le coup, un véritable exercice de futilité.
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On se demande combien de temps encore les dirigeants palestiniens de Ramallah peuvent soutenir cette posture, qui est, de fait, pour le coup, un véritable exercice de futilité.