Mya Guarnieri  - Al Jazeera
Le département des sports de Jérusalem offre l’exemple le plus clair du  système d’Apartheid qui prévaut : seulement 5% des fonds sont attribués  aux quartiers palestiniens, les 99,5 autres pour cent vont à des  quartiers juifs, écrit Mya Guarnieri.  
Mahmour Alami, qui est chauffeur de taxi à Jérusalem  connaît la ville comme sa poche. Il connaît tous les quartiers et toutes  les rues. Et il connaît les feux de circulation.
Il y en a un qui le perturbe, non pas  professionnellement mais personnellement. C’est celui qui se trouve  entre Beit Hanina, un quartier palestinien et Pisgaat Ze’ev une colonie  juive.
"Il reste vert [pour les colons] pendant cinq minutes.  Mais pour ceux qui doivent rentrer et sortir de Beit Hanina il est trop  court. Il n’y a que 2 ou 3 voitures qui peuvent passer à chaque fois,  cela cause pleins d’embouteillages".
Al Jazeera a constaté que les feux de circulation qui  mènent aux colonies et aux quartiers juifs restent verts environ une  minute et demi. Dans les secteurs palestiniens c’est 20 secondes. Il y a  un feu de Jérusalem Est dans la partie palestinienne de Jérusalem, qui  reste vert moins de 10 secondes.
"Les Palestiniens sont coincés" dit Amir Daud, un autre  chauffeur de taxi. "C’est un gros problème pour les gens".
La discrimination budgétaire
Les embouteillages ne sont qu’un des nombreux problèmes  dont souffrent les infrastructures et les services dans les secteurs  palestiniens de Jérusalem. Les routes sont en mauvais état. Elles sont  étroites et pleines des bosses, de trous et de fissures. Il n’y a  pratiquement pas de signaux routiers ni de trottoirs.
Les poubelles sont généralement municipales et il n’y en  a pas assez pour le quartier. Les piétons, qui sont obligés de marcher  sur le bas côté de la route marchent dans les ordures.
Les quartiers juifs en revanche sont propres et nets.  Des trottoirs et des feux de circulation permettent aux piétons de  circuler en toute sécurité, la signalisation est impeccable, il y a même  des signaux lumineux. La plupart des bâtiments ont des containers à  ordure et il n’y a pas d’ordures dans les rues.
Dans une avenue d’un secteur juif, la bande de gazon  centrale est décorée d’un ensemble de sculptures en forme d’arc en  ciel : ce sont des enfants en métal qui jouent au foot ou qui font de la  bicyclette.
Quand Al Jazeera a présenté à la municipalité de  Jérusalem une liste détaillée des différences entre les quartiers juifs  et arabes, le porte parole a nié les faits.
Mais sous couvert de l’anonymat un ancien employé de la  municipalité de Jérusalem a confirmé qu’il existe une discrimination au  niveau budgétaire. Le département des sports offre l’exemple le plus  clair : seulement 5% des fonds sont attribués aux quartiers  palestiniens. Les 99,5 autres pour cent vont à des quartiers juifs.
La qualité de la vie
Nisreen Alyan, avocat à l’association pour des Droits  Civils en Israël (ACRI) a remis dernièrement une pétition à la  municipalité qui proteste contre le manque de ramassage des ordures dans  les quartier palestinien de Tsur Baher à Jérusalem Est. Bien que sa  population s’élève à 20 000 personnes il n’y a que 12 rues qui  bénéficient de ce service.
D’après Alyan cette situation compromet à la fois la  santé et la qualité de la vie des habitants. les monceaux d’ordures  attirent les chiens errants dont certains ont la rage. Des habitants ont  été attaqués par ces animaux, et maintenant les enfants ont peur de  sortir.
"Il n’y a pas de jardins publics pour eux, il n’y a rien  pour eux" dit Alyan " alors les rues sont le seul endroit où se  retrouvent les voitures, les enfants, les ordures, les chiens, c’est à  dire tout".
La pétition de l’ACRI demande que la municipalité  remplisse ses obligations légales "rien de plus, rien de moins" dit  Alyan. "[Cela] signifie qu’elle doit satisfaire aux normes de salubrité  auxquelles [les habitants] ont droit".
Ce n’est pas la première fois que Alyan a informé la  municipalité des problèmes de Tsur Baher. Mais la ville prétend qu’elle  ne peut pas desservir tout le quartier parce que les bennes à ordure ne  peuvent pas manoeuvrer dans les ruelles étroites. Alyan leur a fait  remarquer que cela ne devrait pas être un obstacle. la municipalité  ayant solutionné le problème très habilement dans d’autres secteurs de  Jérusalem.
Le problème de Tsur Baher est qu’il n’y a pas assez de  routes, nous a expliqué un résident.
Contrairement à la plupart des quartiers palestiniens où  la construction fait l’objet de restrictions, Tsur Baher est un des  rares quartiers où l’on a le droit de construire. La plus grosse partie  de sa terre a été expropriée pour construire la colonie voisine d’Har  Homa ; une partie de Tsur Baher se trouve de l’autre côté du Mur de  séparation israélien et il n’y a pas de route pour passer d’un côté à  l’autre.
Le manque de routes signifie aussi que les secours ne  peuvent atteindre tous les endroits du quartiers. Des enfants sont morts  dans des incendies. Et comme il y a un ordre de la police interdisant  aux ambulances de se rendre dans les quartiers palestiniens sans escorte  de la police des habitants sont morts faute de soins médicaux.
"Le problème est que les policiers n’arrivent pas à  temps, dit un résident. "L’ambulance doit s’arrêter et attendre une  demi-heure à l’entrée du quartier... Des gens sont morts à cause de ça".
"L’ACRI est en train de rédiger une pétition sur ce  sujet-là en ce moment" a ajouté Alyan.
Le règlement des impôts
Quant aux feux de circulation, Alyan dit qu’il n’y en a  pas à Tsur Baher.
Pour protéger les enfants les habitants du quartier se  sont cotisés pour construire des dos d’ânes sur la route pour forcer les  automobilistes à réduire la vitesse.
Dans d’autres quartiers les Palestiniens ont rassemblé  des fonds pour ramasser les ordures et nettoyer les rues.
Et tout cela après avoir payé leurs impôts.
Le fait que 90 pour cent des Palestiniens israéliens  vivent dans des villes arabes, séparés de la population juive, sert  d’excuse à beaucoup de Juifs israéliens pour balayer ces différences au  prétexte qu’elles sont la conséquence de la pauvreté des municipalités  arabes.
Ils sont pauvres, leurs villes sont pauvres. Les Arabes  ne paient pas beaucoup d’impôts ou ne payent pas assez d’impôts ou ne  payent pas d’impôts du tout et donc leurs villages ne peuvent se payer  les services que eux les Juifs peuvent se payer.
Mais ce raisonnement ne tient pas debout à Jérusalem,  une ville où les quartiers juifs et arables se mélangent. Entre Nof  Tzion (la vue de Sion) et le quartier palestinien de Jabel Mukhaber en  plein coeur duquel se trouve cette colonie juive, les différences  sautent aux yeux.
"Cela faisait des années que [Jabel Mukhaber] n’avait  plus de rue principale" relate Alyan. "Lorsqu’elle a construit la  colonie de Nof Tsion [la municipalité] a construit une superbe route  avec des trottoirs et des lampadaires". Mais cette route s’arrête  brutalement à la sortie de Nof Tsion et les Palestiniens eux, après  quelques bosses, roulent un moment sur de la caillasse avant de se  retrouver sur une piste de terre.
Il y a une autre raison  pour laquelle l’argument de la pauvreté des municipalités arabes ne  tient la route. C’est que payer des impôts revêt une importance capitale  pour tous les Palestiniens de Jérusalem qui n’ont pas la nationalité  israélienne et qui ont seulement une carte de résident.
"Payer des impôts est la seule manière de prouver que  Jérusalem est le centre de votre vie, et si on ne peut pas le prouver,  on perd son statut de résident" explique Alyan. Cela signifie qu’on  devient un réfugié qui n’a plus de pays.
"La première chose que [les Palestiniens résidents à  Jérusalem] font, avant même d’acheter de la nourriture à leurs enfants,  c’est de payer leurs impôts" affirme Alyan.
Tsur Baher, comme son voisin Umm Tuba paie environ 7  millions de dollars de taxes annuelles à une municipalité qu’ils ne  peuvent pas élire. Les habitants de Jérusalem Est ont dit à Alyan que  tout ce qu’ils demandent est que le gouvernement investisse dans le  quartier au moins ce qu’ils ont versé en impôts.
"La guerre psychologique"
Youssef Jabareen, le directeur de Dirasat, le Centre  Arabe de Loi et de Politique, explique que les services publiques  reçoivent aussi un financement de l’état. C’est un autre domaine où la  discrimination règne.
Jabareen évoque le programme appelé "Priorité Nationale"  qui a permis d’octroyer des subventions pour le développement  économique à des agglomérations choisies par le gouvernement. Quand le  programme a vu le jour en 1998, 500 villes juives ont reçu le statut de  Priorité Nationale. Mais seulement 4 villages arabes ont été choisis  alors que les Palestiniens représentent 20 pour cent de la population  d’Israël et 50 pour cent des pauvres du pays.
"C’est un exemple classique de l’affectation  discriminative des ressources gouvernementales" selon Jabareen qui  ajoute qu’il y a aussi de graves inégalités dans le système éducatif  financé par l’état.
Tout cela, de l’état désastreux des infrastructures au  manque de services publiques, ajoute au sentiment qu’ont les  Palestiniens d’être rejetés et déconnectés, selon Jabareen.
"C’est un sentiment de frustration et de non  appartenance... le sentiment que l’état et le gouvernement vous  rejettent et que vous n’êtes pas considéré comme un égal".
Peut-on dire que les disparités entre les quartiers de  Jérusalem et les écarts de financement qu’on constate dans tout le pays  s’apparentent à de l’apartheid ?
"Il y a des signes caractéristiques d’apartheid dans  certains endroits et cela devrait susciter une grande inquiétude pour  l’avenir" affirme Jabareen.
Un jeune Juif israélien, qui vient de finir son service  militaire, le dit clairement : "C’est une sorte de guerre psychologique.  Le but est de faire partir [les Palestiniens]".
                                  13 juillet 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet  article à : 
http://english.aljazeera.net/focus/...
Traduction de l’anglais : Dominique Muselet
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Traduction de l’anglais : Dominique Muselet