J’ai       visité dernièrement Boston, la ville américaine où se       trouvent les plus grandes universités ayant des départements       d’études sur le Moyen-Orient. Il était donc naturel que ma       présence au milieu de ce rassemblement académique impose des       rencontres variées au cours desquelles le principal sujet       est le Moyen-Orient et le conflit arabo-israélien. En effet,       ce conflit est devenu une matière scientifique qui intéresse       beaucoup d’académiciens, y compris les historiens, les       politiciens, les sociologues et même les psychanalystes.      
      Les plus       grands optimistes ont trouvé l’occasion de parler d’un       nouveau début, même en retard, du processus de paix qui       commencera avec les négociations directes. Quant aux       pessimistes, ils ont trouvé dans le même événement une       preuve d’échec, puisque Netanyahu a proposé au président       Moubarak un plan de solution qui a été immédiatement refusé.       Si ces nouvelles sont vraies, ceci signifie que les       négociations directes ont échoué après l’échec des       négociations indirectes. Or, d’habitude, les académiciens       préfèrent revenir aux origines des choses. La question qui a       fait l’effet de bombe durant les discussions est : pourquoi       le conflit arabo-israélien a-t-il autant duré ? Selon les       avis de ce rassemblement d’académiciens, il y a toujours eu       des potentiels cachés qui ont fait durer le conflit en état       de bouillonnement durant l’ère coloniale, les mouvements de       libération nationale et les tentatives d’accéder au droit à       l’autodétermination. Après l’ère coloniale, le conflit s’est       transformé, afin qu’il soit conforme à l’ordre mondial       dominant et même après les événements du 11 Septembre, alors       que trois guerres se sont déclenchées : la seconde Intifada,       la guerre du Liban et la guerre de Gaza. Quand le conflit       des civilisations s’est enflammé, ce fut l’occasion de       raviver le conflit religieux qui était présent alors que la       religion était à l’origine du conflit depuis le début.
      Vient       ensuite le rôle de l’ingérence internationale, qui n’a fait       qu’ajouter de l’huile sur le feu. Cette ingérence a commencé       par la Grande-Bretagne et la France, puis les Etats-Unis et       la Russie, qui ont présenté les armes et les aides       économiques et politiques. Si les Etats-Unis sont restés et       l’Union soviétique a disparu, la Russie, elle, n’a pas       totalement disparu, et la Chine et l’Inde ont souvent tenté       de s’en approcher. Actuellement, c’est au tour de l’Iran et       de la Turquie qui essayent d’intervenir avec force. De plus,       le conflit arabo-israélien est l’unique conflit qui a un       quartette et qui bénéficie d’un grand nombre de résolutions       promulguées par l’Onu. Cette dernière a même créé des       organisations afin de traiter ce conflit, comme l’UNRWA et       les Casques bleus, en plus d’un grand nombre d’observateurs.
      La       vérité est qu’en fin de compte, le conflit s’est transformé       en une tragédie dont la principale dimension est la course à       l’armement non seulement traditionnel, mais de destruction       massive aussi. Et c’est ainsi que le principal objectif des       pays arabes, qui était le développement, a connu un recul       important face à la priorité sécuritaire.
      Partant,       parler d’un nouveau début du processus de paix n’est que       pure illusion. Les discussions de Boston ne se       caractérisaient pas seulement de pessimisme. Certains ont       même assuré que tout au long du conflit, il y a toujours eu       un courant qui tentait de réaliser la paix. Cela signifie       donc qu’il n’y a pas un seul scénario possible, mais       plusieurs. Le premier est que cette cause est déjà terminée       et que tous les efforts actuellement effectués aux niveaux       politique et diplomatique n’aboutiront à rien pour deux       raisons : premièrement, le gouvernement israélien actuel       pense que la division entre le Fatah en Cisjordanie et le       Hamas à Gaza constitue une situation exemplaire pour la       partie israélienne, et c’est la raison pour laquelle il a       décidé d’avancer sur deux voies parallèles : ne présenter       aucune concession principale et gagner du temps avec       l’administration Obama, qui a commencé à accorder la       priorité à d’autres dossiers, alors que les élections du       renouvellement partiel du Congrès sont prévues pour novembre       2010, et que le parti démocrate fait pression sur Obama pour       atténuer la tension et les différends avec Israël.
      Vient       ensuite la deuxième raison, qui est l’impossibilité de       parvenir à une conciliation nationale entre le Fatah et le       Hamas, surtout que chacun d’eux adopte une politique       différente et que des forces régionales sont intervenues       dans le différend de façon à réaliser leurs propres       intérêts. D’un autre côté, ce qui éloigne la probabilité de       parvenir à une solution finale est qu’elle impose       d’instaurer un nouvel Etat palestinien, selon le principe de       la solution des 2 Etats. Dans ce contexte, certains courants       à l’intérieur d’Israël appellent à un Etat purement hébreu       par le transfert des Palestiniens vers les colonies       israéliennes ou le nouvel Etat palestinien. Ceci signifie       que le nouvel Etat peut se transformer en cantons à cause de       la présence des grandes colonies, du réseau de routes et des       points de passage militaires. C’est de là que certains       appellent la solution des 2 Etats solution des cantons.
      C’est       ainsi que des avis israéliens et palestiniens ont refusé la       solution des 2 Etats. La partie israélienne présente comme       prétexte que l’Etat palestinien ne possède aucune logique       démographique et géographique. Quant aux avis palestiniens,       ils voient que l’engagement à la solution des 2 Etats sous       sa forme actuelle fait perdre aux Palestiniens tous leurs       droits et contourne les principes de la légitimité       internationale. Partant, il est préférable de renoncer à       l’idée du nouvel Etat palestinien pour sauvegarder les       principes de la cause palestinienne, surtout que les accords       qui ont été conclus dans le cadre des négociations       israélo-palestiniennes, comme l’accord d’Oslo et la feuille       de route, n’ont pas réussi à aboutir à des solutions       radicales pour la cause palestinienne.
      Quant au       deuxième scénario, il se base sur l’idée de 3 Etats, un Etat       israélien, la Cisjordanie dominée par le Fatah et Gaza       dirigée par le Hamas. La proposition actuelle est de       réaliser une union entre un Etat palestinien, un Etat       israélien et une confédération palestino-jordanienne avec la       possibilité de la participation de forces internationales et       l’ouverture complète des frontières entre eux alors que       chacun garde son régime politique et ses lois locales. Il       est évident que cette proposition a été catégoriquement       refusée par la sJordanie. 
      Vient       ensuite le troisième scénario, celui d’un seul Etat       démocratique laïque qui rassemble les Palestiniens et les       Israéliens dans des cadres juridiques et constitutionnels.       Et ce scénario a également été refusé, surtout de la part de       certains courants extrémistes à l’intérieur d’Israël qui       insistent sur le fait de purifier l’Etat d’Israël de tout       élément non-juif.
      Ces 3       scénarios ne sont pas totalement nouveaux, mais ils ont été       largement explicités dans le contexte de discussions       académiques riches et calmes, qui proposent des visions et       des solutions parfois optimistes et parfois pessimistes. Il       se peut que le problème réside dans le fait que ceux qui       recherchent une solution oublient qu’il y en a une qui       existe effectivement. Cette solution est celle de la       coexistence avec le conflit d’une façon ou d’une autre comme       c’est le cas depuis un siècle durant lequel beaucoup d’eau a       coulé sous les ponts. Et même quand l’eau devient feu, le       monde a appris à l’apaiser et à continuer à vivre.
 Abdel-Moneim Saïd