Gilles Paris
Raja Shehadeh est un juriste palestinien de  Ramallah...,marcheur de plus en plus contraint qui voit au fil des  années se modifier un paysage longtemps immobile, où Gaza relève d’un  autre monde .
Raja Shehadeh est un juriste  palestinien de Ramallah. Fondateur d’une ONG de défense des droits de  l’homme avant la signature des accords d’Oslo, il a progressivement pris  ses distances avec le militantisme au fur à mesure que s’enlisait le  processus de paix israélo-palestinien.
Toute sa vie, il est parti en “sarha”, marchant dans les  collines palestiniennes “sans but, sans restriction de temps ni de  lieu”, allant “où son esprit le guide pour nourrir son âme et se  ressourcer”. Ce sont les récits de ces promenades qui sont publiées  aujourd’hui par les éditions Galaade sous un titre qui sonne comme une  oraison funèbre : Naguère en Palestine.
Des dizaines de rapports, plus ou moins bien faits, plus  ou moins équilibrés, ont décrit la réduction continue de l’espace  accordé aux Palestiniens en Cisjordanie, aucun ne l’a montré avec  l’acuité et la force d’un marcheur de plus en plus contraint qui voit au  fil des années se modifier un paysage longtemps immobile, où Gaza  relève d’un autre monde .
Nous avions déjà évoqué ici il y a tout juste un an,  dans un ouvrage étonnant ,  l’une de ses promenades et une conversation  fortuite avec un jeune colon au bord d’une rivière dans des effluves de  hachisch. Le livre de Raja Shehadeh s’achève par un autre épisode, celui  des “bergers masqués”, la rencontre dans une vallée longtemps arpentée  par l’auteur avec de jeunes Palestiniens chargés, selon leurs dires, de  surveiller le secteur, une terre devenue disputée. Une rencontre  éprouvante car les deux jeunes se montrent particulièrement menaçants,  doutant de l’identité du promeneur.
“Debout sur les ruines de l’un de mes endroits préférés,  près de là où je suis né et où j’ai toujours vécu, écrit Raja Shehade,  je sentis que les collines ne m’appartenaient plus. Je ne suis plus  libre de venir m’y promener. Elles sont devenues dangereuses et je ne  m’y sens plus en sécurité. Cette expérience marqua la fin d’une longue  époque”.
A plus d’un titre, Naguère en Palestine constitue un  précis unique en son genre du conflit israélo-palestinien.