M. Saadoune
L’Allemagne, traînant la culpabilité du  génocide qui se transmet d’une génération à l’autre, mène de manière  constante une politique de soutien aveugle à Israël.
Si, dans d’autres pays  européens, des courants d’opinion de plus en plus larges s’expriment  ouvertement pour dénoncer les pratiques criminelles d’un Etat qui ne se  sent pas tenu par le droit international, l’Allemagne, en raison du  passif de l’histoire, fait figure d’exception. Mme Angela Merkel ne se  prive pas de tancer les dirigeants iraniens pour leur manquement aux  libertés, elle n’a jamais rien à dire sur Israël.
Régis Debray, auteur d’un livre intitulé « A un ami  israélien », explique qu’à son retour d’un périple en Palestine, il  avait écrit quelques notes pour le Quai d’Orsay pour souligner que les  réunions planétaires sur le Proche-Orient n’avaient aucun sens, alors  que sur le terrain la colonisation israélienne a complètement mité les  choses. « On me répliquait : vous avez raison, mais on ne peut pas le  dire. Parce que la Shoah ».
Cela est encore plus fort pour l’Allemagne. Peu de voix  osent dire des évidences constatées partout ailleurs dans le monde, où  la propagande israélienne rencontre une contradiction factuelle de ceux,  de plus en plus nombreux, qui refusent d’humilier leur intelligence.  Pas ou peu en Allemagne. Il y a bien eu, à la fin de l’année dernière,  une lettre très mesurée de 24 anciens ambassadeurs allemands demandant à  la chancelière Angela Merkel une position plus ferme contre la  politique de colonisation d’Israël, mais elle est restée totalement sans  écho.
Oser demander, dans une Allemagne totalement alignée, de  mettre un petit bémol au soutien inconditionnel, était courageux mais  sans effet. Israël est un tabou allemand. Les dirigeants israéliens le  savent. Et ils n’ont aucun égard même pour le plus inconditionnel des  soutiens. Israël a en effet décidé d’interdire au ministre allemand du  Développement, Dirk Niebel, de se rendre à Ghaza, où il devait  rencontrer des représentants de l’ONU.
L’attitude de Tel-Aviv à l’égard d’un soutien sans  faille a fini par blesser les dirigeants allemands. Dirk Niebel a parlé  de « grande erreur de politique étrangère de la part du gouvernement  israélien », alors que le chef de la diplomatie allemande, Guido  Westerwelle, « déplore » la décision du gouvernement israélien.
On le voit, les Allemands réagissent avec une modération  remarquable après une rebuffade israélienne des plus cavalières. Cela  n’est guère surprenant.
Cependant, ce discours est déjà tranchant par rapport  aux usages d’une Allemagne constamment contrite face à Israël. Les  Allemands font, après beaucoup d’autres, le constat qu’Israël mène le  monde entier vers des issues dangereuses. Dirk Niebel est « navré  qu’Israël ait tant de mal à comprendre en ce moment l’action de ses amis  les plus fidèles. Il est minuit moins cinq pour Israël ».
A l’évidence, même en Allemagne, on est gêné d’être mis  dans la situation décrite par Régis Debray, celle où « chacun se  recommande du droit international et laisse faire un Etat-voyou,  c’est-à-dire qui se place au-dessus et en dehors des lois ». Malgré des  décennies de propagande, la fiction devient en effet de moins en moins  tenable.