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samedi 5 juin 2010

La colère et après ?

Edition du 5 juin 2010
Le monde entier est attentif aux suites que la Turquie allait donner à son discours à l’endroit d’Israël, qualifié d’Etat fasciste, pratiquant le terrorisme d’Etat, et perdant de ce fait toute légitimité. De ce point de vue, il y a une réelle unanimité en Turquie, comme l’a révélé le vote unanime mercredi du Parlement turc appelant le gouvernement à envisager des mesures efficaces contre Israël. Même le président turc, qui occupe une fonction beaucoup plus honorifique, a joint sa voix à cette colère nationale, en affirmant que les relations entre son pays et Israël « ne seront plus jamais les mêmes ». Comment donc allaient se traduire ces déclarations, et surtout jusqu’où pouvait aller la Turquie dans la révision de ses rapports avec celui qui est devenu son allié.
Des mesures ont été annoncées hier, et elles consistent à réduire ses liens économiques et d’industrie de défense avec Israël, mais la coopération bilatérale ne sera pas entièrement gelée. C’est ce qu’a déclaré, hier, le vice-Premier ministre, Bulent Arinc. Ankara « va réduire les relations dans ces domaines à un niveau minimum, pour autant qu’une telle coopération existe déjà... que les paiements aient été effectués ou pas », a déclaré M. Arinc, tout en ajoutant certainement à l’intention de ceux qui croyaient possible une réaction plus forte ou encore extrême qu’« un Etat ne peut pas complètement ignorer un Etat dont il reconnaît l’existence » comme c’est le cas. M. Arinc a expliqué que les responsables turcs ont noté qu’« il n’y a pas beaucoup d’accords entre les deux pays dans le domaine économique » et que le plus gros de la coopération existante se fait directement entre entreprises.
A vrai dire, il était difficile de croire à une rupture, mais croyait-on tout de même que la Turquie pouvait agir sur un autre niveau comme la coopération militaire portée par un accord stratégique conclu en 1996, et qui ne faisait pas de la Turquie seulement un marché pour les entreprises israéliennes qui ont bénéficié de plusieurs contrats lucratifs ? Pas de rupture de contrat en cours non plus. Simple colère passagère alors, malgré les propos des différents dirigeants turcs, y compris le chef de l’Etat, en déclarant que « les relations ne seront plus jamais les mêmes ». Abdullah Gül a estimé que l’attaque militaire israélienne avait engendré des « séquelles irréparables » dans les rapports bilatéraux, ou encore qu’Israël a « commis l’une des plus graves erreurs de son histoire ». Et cela se paye et ce, d’autant plus, comme le rappellent ses dirigeants, la Turquie était le seul ami d’Israël dans la région, mais visiblement celui-ci refusait d’en tenir compte. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a, dès mardi, souligné que « l’amitié de la Turquie est précieuse, mais son inimitié est d’autant plus violente ». « Qu’est-ce que cela veut dire et quels moyens emploiera la Turquie, sachant qu’elle-même a fait savoir qu’elle en avait suffisamment ? », ne manquait-on pas de s’interroger alors. La réponse a été peut-être donnée hier. Intégralement ou tout juste un élément de réponse ? 
Par Mohammed Larbi