Publié le  10-06-2010 
                   Jamal Elshayyal, citoyen  britannique, raconte en détail l’attaque israélienne, comment il a été  kidnappé, détenu, volé, ainsi que l’absence totale de réaction de son  gouvernement.
 Tout d’abord, je dois m’excuser d’avoir  pris si longtemps pour mettre à jour mon blog. Les événements des  derniers jours ont été fiévreux, pour ne pas dire plus, et je suis  encore en train d’essayer de tirer au clair ce qui s’est produit.
Voilà une semaine à  cette même heure que je me trouvais sur le pont supérieur du Mavi  Marmara, et que j’ai d’abord aperçu au loin des navires de guerre  israéliens, tandis qu’ils s’approchaient de la flotille humanitaire. Je  n’imaginais guère combien ce qui allait bientôt se produire serait  meurtrier et sanglant.
Ce que je vais  écrire ici est factuel, jusqu’au dernier mot. Rien n’est de l’ordre de  l’opinion ni de l’analyse, et c’est à vous,  lecteur,  que j’en laisse  le soin.
Après avoir repéré  les navires de guerre à distance (aux environs de onze heures du soir),  les organisateurs ont enjoint aux passagers d’enfiler leurs gilets de  sauvetage et de rester à l’intérieur tandis qu’ils géraient la  situation. Les navires de guerre et les hélicoptères qui les  accompagnaient sont restés au loin durant plusieurs heures.
A deux heures du  matin, heure locale, les organisateurs m’ont appris qu’ils avaient  modifié le trajet du bateau, le plus loin possible d’Israël, le plus  profondément possible dans les eaux internationales. Ils ne souhaitaient  pas de confrontation avec l’armée israélienne, du moins pas de nuit. Juste après quatre heures du matin, les Israéliens ont attaqué le  bateau, dans les eaux internationales et hors de toute provocation. Ils  ont utilisé des gaz lacrymogènes, lancé des grenades assourdissantes, et  des balles d’acier gainées de caoutchouc ont été tirées de presque  toutes les directions.
Des douzaines de  canots rapides transportant en moyenne quinze à vingt soldats  israéliens, armés jusqu’aux dents, ont cerné le Mavi Marmara qui  transportait quelque six cents civils non armés. A un moment, deux  hélicoptères rôdaient au-dessus du bateau. Des commandos à bord des  canots à moteur se sont joints à la fusillade, utilisant des balles  explosives avant qu’aucun des soldats n’ait pris pied sur le bateau.
Deux civils non  armés ont été tués à quelques mètres de moi. Des douzaines de civils non  armés ont été blessés sous mes yeux mêmes.
L’un des soldats  israéliens, armé d’un lourd fusil automatique et d’un pistolet, a été  maîtrisé par plusieurs passagers, qui l’ont désarmé. Ils n’ont pas fait  usage de ses armes mais les ont jetées à la mer par-dessus bord.
Après ce qui a paru  durer une trentaine de minutes, des passagers du bateau ont levé un  drapeau blanc. L’armée israélienne a continué à tirer des balles  explosives. Les organisateurs du bateau ont annoncé par haut-parleur la  reddition du bateau. L’armée israélienne a continué à tirer des balles  explosives.
J’ai été le dernier  à quitter le pont supérieur. En bas, dans les dortoirs, tous les  passagers s’étaient regroupés. Etat de choc, colère, peur, humiliation,  chaos. Des médecins couraient dans toutes les directions en tentant de  soigner les blessés, il y avait du sang sur le sol, des larmes coulaient  sur les visages des gens, des cris de douleur et de deuil s’entendaient  partout. La mort était dans l’air. Trois civils grièvement blessés  étaient soignés à même le sol de l’espace de réception du bateau, leurs  vêtements trempés de sang. Des passagers se tenaient à côté, en état de  choc ; quelques-uns récitaient des versets du Coran pour les apaiser,  les médecins tentaient désespérément de  sauver les blessés.
Plusieurs annonces  ont été faites par haut-parleur en hébreu, en arabe et en anglais.  « Ceci est un message à l’armée israélienne, nous nous sommes rendus.  Nous ne sommes pas armés. Nous avons des blessés graves. S’il vous  plaît, venez les chercher. Nous n’attaquerons pas ». Il n’y a pas eu de réponse.
Un des passagers,  membre du parlement israélien, a écrit en hébreu une pancarte avec  exactement le même message ; elle le portait en même temps qu’un drapeau  blanc et s’est approchée des fenêtres à l’extérieur desquelles les  soldats israéliens se tenaient debout. Ils ont pointé vers sa tête leurs  fusils à guidage laser et l’ont obligée à s’écarter.
Un citoyen  britannique a fait la même tentative avec une pancarte en anglais mais  en portant un drapeau britannique et en se dirigeant vers d’autres  soldats postés à d’autres fenêtres. Ils ont répondu de la même manière.
Trois heures plus  tard, la mort des trois blessés était avérée. Les soldats israéliens qui  leur avaient refusé les soins avaient réussi là où leurs collègues  avaient échoué en prenant  ces hommes  pour cibles de leurs balles.
Vers huit heures du  matin, l’armée israélienne a pénétré dans la zone des dortoirs. Ils ont  menotté les passagers. J’ai été jeté au sol, les mains liées derrière  le dos, dans l’impossibilité de bouger d’un pouce. J’ai été emmené au pont supérieur, où se trouvaient les autres  passagers, forcé à rester accroupi sous le soleil brûlant.
L’un des passagers  avait les mains si étroitement liées que ses poignets prenaient toutes  sortes de couleurs. Quand il a demandé qu’on desserre les menottes, un  soldat israélien les a serrées encore davantage. Le cri qu’il a poussé  m’a glacé jusqu’aux moelles.
J’ai demandé à  aller aux toilettes. J’en ai été empêché, et le soldat israélien m’a dit  d’uriner là où j’étais, dans mes vêtements. Je n’ai été autorisé à  bouger que trois ou quatre heures plus tard.
J’ai alors été,  avec les autres passagers,  reconduit vers les dortoirs. L’endroit était  dévasté, ressemblant à la suite d’un tremblement de terre. Je suis resté sur le bateau, assis, sans aucune nourriture ni boisson,  si ce n’est trois gorgées d’eau, pendant plus de vingt-quatre heures.  Durant tout ce temps, des soldats israéliens maintenaient leurs fusils  pointés vers nous, le doigt sur la gâchette. Durant plus de vingt-quatre  heures.
J’ai ensuite été  emmené du bateau vers Ashod où il m’a été demandé de signer un ordre  d’expulsion, lequel disait que j’étais entré illégalement en Israël et  que j’acceptais mon expulsion. J’ai dit à l’officier que, en fait, je  n’étais pas entré en Israël mais que l’armée israélienne m’avait  kidnappé dans les eaux internationales et conduit en Israël contre ma  volonté ; par conséquent, je ne pouvais pas signer le document.
Mon passeport m’a  été enlevé. On m’a dit que j’allais être emprisonné.  C’est seulement à ce moment –là que mes mains ont été détachées. J’ai  passé plus de 24 heures avec les mains liées derrière le dos, sans rien à  manger et en ayant à peine quelque chose à boire.
A l’arrivée à la  prison, j’ai été placé dans une cellule avec trois autres passagers. La  cellule mesurait  à peu près trois mètres sur trois mètres et demi. J’ai  passé plus de vingt-quatre heures en prison, sans l’autorisation de  passer un seul coup de téléphone.
Le consulat  britannique n’est pas venu me voir. Je n’ai pas vu d’avocat.
Il n’y avait pas  d’eau chaude pour une douche. L’unique repas était du pain surgelé et  des pommes de terre.
La seule raison  pour laquelle je pense avoir été libéré est que les prisonniers turcs  sont refusé de partir sans que soient aussi libérés les ressortissants  d’autres nationalités (ceux dont les consulats n’étaient pas venus pour  leur élargissement).
On m’a conduit à  l’aéroport Ben Gourion. Quand j’ai réclamé mon passeport, le  fonctionnaire israélien m’a présenté un morceau de papier en me disant :  « Félicitations, voici votre nouveau passeport ».  J’ai répondu :  « Vous plaisantez, vous avez mon passeport ». A quoi le fonctionnaire  israélien a répondu : « Portez donc plainte contre moi ! ».  Puis on m’a de nouveau demandé de signer un ordre d’expulsion, ce que  j’ai de nouveau refusé.
On m’a placé dans  un avion à destination d’Istanbul.
Des soldats  israéliens masqués et des commandos  m’ont kidnappé dans les eaux  internationales.
Des fonctionnaires  israéliens en uniforme m’ont détenu derrière des barreaux.
Le gouvernement  britannique n’a pas levé le petit doigt pour m’aider. A ce jour, je n’ai  rien vu ni entendu d’un fonctionnaire britannique.
Le gouvernement  israélien a volé mon passeport. Le gouvernement israélien a volé mon  ordinateur portable, deux appareils-photo, trois téléphones, 1500  dollars et tout ce que j’avais sur moi.
Mon gouvernement,  le gouvernement britannique, n’a même pas reconnu mon existence.
J’ai été enlevé par  Israël. J’ai été abandonné par mon pays.
(Traduit de l’anglais par  Anne-Marie PERRIN pour CAPJPO-EuroPalestine) 
CAPJPO-EuroPalestine