Avirama Golan - Ha’aretz
Il est difficile de convaincre l’opinion juive en Israël que ce  qui se pratique à l’aéroport international Ben Gourion relève d’une  injustice méthodique, si ce n’est pire. La panique ethnocentrique sape  le principe de l’égalité civile.         
(Ethnocentrisme : tendance à considérer sa propre  culture comme la norme de toutes les autres.
Le Petit Larousse 2008)
Le Petit Larousse 2008)
Dans une petite pièce latérale de  l’aéroport...
Ce conférencier, qui s’appelle Nabil Khattab et qui vit à  Beit Safafa, n’est pas surpris. Il le dit, il accepte avec complaisance  les contrôles même longs pour la sécurité, et notamment qu’on lui ouvre  sa valise, qu’on fouille son bagage à main et aussi son ordinateur  portable. Il accepte même les questions inquisitrices (où il va ? qui il  va rencontrer ? où est l’invitation ? qui est la personne qui l’a  invité ? donnez le nom des personnes ; y a-t-il des représentants de  pays ennemis ? qui est-ce ?), bien que la relation entre tout cela et la  sécurité lui échappe quelque peu.
Ces dernières années, le contrôle sécurité est devenu  d’un compliqué, lourd, éreintant, un contrôle qui atteint son summum  quand on doit aller dans une petite pièce sur le côté. La personne sur  laquelle on veut enquêter est donc conduite dans la pièce et là, elle  endure un contrôle corporel minutieux - les cheveux, les oreilles, le  cou, les aisselles, chaque centimètre de son corps jusqu’à la plante des  pieds, en passant par les parties intimes. Même ce contrôle humiliant,  Khattab l’accepte docilement.
Pourtant cette fois, l’agent sécurité veut lui sonder la  partie basse du corps avec un bâton recouvert d’un tissu, et il  commence à le rentrer dans le pantalon de Khattab.
« C’était déjà intolérable, »  raconte-t-il, « Je ne pouvais ne rien dire. Avec la plus  grande retenue possible, j’ai demandé à l’agent d’arrêter. Ça n’a aucun  rapport avec la sécurité, lui ai-je dit. Si vous me soupçonnez de  transporter sur moi des explosifs et du métal, passez-moi au détecteur  de métal et si la machine bipe, je reviendrai pour votre examen. »
L’agent répond que s’il n’est pas d’accord pour subir  l’examen avec le bâton, il ne sera pas autorisé à prendre son avion.  Khattab explique, il représente l’université hébraïque dans une  importante revue scientifique, il ne peut pas ne pas être présent à la  réunion.
En vain. Furieux et offensé, il prend sa valise et s’en  va. Dix minutes plus tard, Khattab change d’avis, mais quand il essaie  de revenir dans la pièce latérale, on lui dit que puisqu’il a quitté le  terminal voyageurs, il lui faut repasser le contrôle en reprenant depuis  le début. Quand, finalement, il arrive à la pièce, l’agent sécurité lui  demande de retirer son pantalon. « Je ne l’ôterai que  si vous le demandez à tous les passagers, » répond-il, et il rentre  chez lui.
Son épouse le convainc de ne pas laisser tomber. Il  prend une place sur le vol suivant pour Londres, paie la différence et  retourne à l’aéroport. Le contrôle se déroule relativement rapidement,  toujours avec un contrôle corporel. Mais sans bâton.
Voilà. La question qui se pose, c’est de savoir si un  contrôle intrusif avec un bâton est bien nécessaire. Si oui, pourquoi ne  lui a-t-on pas fait la deuxième fois ? Si non, pourquoi ont-ils voulu  lui faire la première fois ?
N’empêche que, même sans bâton, le contrôle sécurité des  citoyens arabes d’Israël est nettement différent. Même les autorités  aux Etats-Unis, qui se sont laissé emporter par la paranoïa depuis le 11  Septembre, même elles ont réalisé qu’il était impossible de faire des  contrôles sécurité par « profiling » (contrôle au faciès) et elles ont  décidé d’effectuer des contrôles aléatoires sur l’ensemble des  passagers. En Grande-Bretagne et en Allemagne, ils procèdent à un  contrôle approfondi de tous les passagers : c’est beaucoup plus cher et  beaucoup plus long, mais cela évite de violer les droits civils.
Aujourd’hui, il est difficile de convaincre l’opinion  juive en Israël que ce qui se pratique à l’aéroport international Ben  Gourion relève d’une injustice méthodique, si ce n’est pire. La panique  ethnocentrique sape le principe de l’égalité civile. Peut-être que s’ils  ouvraient aussi les valises des Levy et des Cohen, s’ils leur posaient  ces innombrables questions personnelles et sondaient leur corps avec un  bâton, peut-être que le système reverrait ses contrôles sécurité !?
Aujourd’hui, nous n’avons pas la Knesset qu’il faudrait  pour décider cela. Peut-être que la Haute Cour de justice, qui est  saisie à ce sujet, sera en mesure de le décider.
16 juin 2010 - Ha’aretz - traduction : JPP