Deux militantes israéliennes des  droits de l’homme sont à Bruxelles. Pour elles, l’économie israélienne  profite de l’occupation et seules de vraies pressions pourraient faire  bouger Israël.
Deux Israéliennes différentes. Qui se sont écartées du  « consensus » qui règne dans leur pays. Dont elles critiquent sévèrement  la politique dans le contentieux israélo-palestinien. Esti Micenmacher  et Angela Godfrey-Goldstein étaient à Bruxelles ces derniers jours pour  participer à diverses conférences, pour appuyer, aussi, l’action en  cours contre la continuation du financement de la colonisation des  territoires occupés par la filiale israélienne de la banque Dexia.  Rencontre avec deux militantes motivées.
« Je suis membre de l’ONG ‘Who Profits’ (1), explique  Esti Micenmacher. Nous recensons les firmes israéliennes ou autres qui  profitent de l’occupation israélienne des territoires palestiniens. Nous  avons répertorié quelque mille firmes dans notre base de données. Cette  ONG a été créée il y a cinq ans par une coalition de onze associations  israélo-palestiniennes féministes. Au début, nous nous étions  concentrées sur les productions des colonies juives, ce qui ne  représente finalement que peu d’enjeu financier. En revanche, on s’est  aperçu qu’il existait une grande implication de l’économie israélienne  dans les territoires occupés. »
Une implication à dimensions multiples. « Beaucoup de  secteurs sont concernés : la construction, les infrastructures, les  services (banques, téléphone, etc.), les subventions aux zones  industrielles. Nous avons aussi identifié les terrains d’exploitation  économique de la main-d’œuvre palestinienne – ainsi, les ouvriers  palestiniens, faute de travail, sont amenés à bâtir les colonies, et  participent ainsi à leur propre dépossession ! –, l’exploitation des  ressources naturelles, d’ailleurs également contraire au droit  international (eau, carrières diverses, dépôts de déchets, etc.), sans  oublier que les accords dits de Paris (1995) après le processus de paix  entamé à Oslo en 1993 ont rendu l’économie palestinienne captive de  l’économie israélienne. »
Ce n’est d’ailleurs pas tout, selon notre  interlocutrice. « Dans la recherche de ‘qui profite de l’occupation’, il  faut aussi citer le paramètre ‘contrôle de la population occupée’, qui  génère pas mal de fruits économiques en Israël : les check-points ont  été souvent privatisés et confiés à des sociétés de gardes armés, tout  comme la sécurité des colonies ; le long du mur de séparation, les  autorités ont installé des appareils de détection sophistiqués ; elles  sont de même très fières d’un nouvel appareil appelé  ‘Elle-voit-elle-tire’ déployé sur la barrière autour de Gaza et qui  permet à un opérateur travaillant à Tel-Aviv d’abattre des cibles en  appuyant sur un bouton… L’économie israélienne est ainsi très présente  dans ces territoires occupés et les vingt familles qui contrôlent 50 %  de la bourse israélienne en profitent donc. »
Une campagne de boycott  controversée
Esti Micenmacher et Angela Godfrey-Goldstein font partie  de la très petite minorité d’Israéliens qui appuient la campagne  mondiale menées par des organisations palestiniennes ou sympathisantes  sous la dénomination BDS (boycott, désinvestissement, sanctions). Même  la gauche radicale israélienne n’est pas unie sur ce thème. « Pourtant,  sans pressions réelles de la communauté internationale, il n’y aura pas  de progrès, estime Esti Micenmacher, éditrice de son état. Le fait  qu’Israël a été accepté ce lundi 10 mai au sein de l’OCDE n’est pas un  bon signal : c’est comme si le monde assurait ce pays d’une impunité  totale, renonçait aux pressions. »
Pour sa part, Angela Godfrey-Goldstein travaille à  plein-temps depuis six ans pour le Comité israélien contre la démolition  de maisons (2), qui travaille non seulement sur le terrain mais tente  en même temps un travail d’explication dans la communauté  internationale, notamment à travers la campagne BDS susmentionnée.
« Les décideurs européens savent très bien de quoi il  retourne, confie-t-elle. Ils disposent de bons rapports, comme celui des  consuls généraux de Jérusalem. Malgré quoi, ils choisissent d’aborder  les questions sensibles avec Israël avec une extrême prudence, comme  s’ils n’avaient que des carottes à montrer et aucun bâton. Ils se  rassurent en disant que les Américains, avec Obama, feront bouger les  choses. Mais c’est inexact. Seules les vraies pressions fonctionnent. »
Angela Godfrey-Goldstein ne cache pas l’ombre qui plane  au-dessus des ONG israéliennes comme celle qui l’emploie : « Une  prochaine loi veut s’en prendre aux ONG qui travaillent sur les droits  de l’homme en s’attaquant aux subventions qui les font vivre. Cette loi  rencontre un certain succès dans l’opinion israélienne soumise à un  lavage de cerveau qui la convainc par exemple qu’Israël ‘n’a pas le  choix’, ‘est entouré d’ennemis pour toujours’. Cette atmosphère  ressemble à une forme de maccarthysme et est en réalité destinée à faire  pression sur les donateurs, les Etats ou groupements d’Etats. Nous  faisons face à ces difficultés qui mettent en lumière la vanité du  slogan ‘Israël est la seule démocratie au Proche-Orient’. Dans cette  ‘démocratie’, par exemple, une décision de la Cour suprême de détourner  ‘le mur de sécurité’ à certains endroits en territoires occupés dans un  sens favorable aux Palestiniens lésés n’est tout simplement pas  appliquée sur le terrain. »
(1)www.whoprofits.org (en anglais, hébreu et arabe)
(2)www.icadh.org (idem)
LOOS,BAUDOUIN (Le Soir.be)