publié le              dimanche 2 mai 2010            
Hasan Abu Nimah
Hasan Abu Nimah
"Ce n’est pas Netanyahu qui a bloqué tout  progrès. Sa façon de coller à sa fonction a jusqu’à présent été plus  représentative de la politique d’Israël que celle de bien d’autres  dirigeants israéliens qui firent preuve de souplesse mais qui agissaient  comme lui."
L’envoyé spécial des  Etats-Unis au Moyen-Orient, George Mitchell, était dans la région la  semaine dernière. Ses visites ne suscitent plus guère d’intérêts ni de  spéculations sur ce qu’il peut apporter avec lui pour sortir de  l’impasse. La plupart des parties concernées savent bien maintenant  qu’il n’a pas grand-chose dans ses valises.
Il est venu quand même, parce que tout ce qui reste au  « processus de paix » périclitant qui est défendu par les USA, c’est de  réessayer les mêmes vieilles choses dans l’espoir que ce qui a raté hier  puisse d’un coup produire des résultats différents aujourd’hui. Mais à  part déplacer des mots et tenter d’inventer de nouvelles formules pour  sauver la face, les résultats, eux, sont toujours les mêmes.
Malgré l’intense campagne du lobby US pro-israélien pour  pousser à la confrontation et à la guerre avec l’Iran, et faire porter  sur les prétendues « conditions préalables » demandées par les  Palestiniens la responsabilité de l’impasse, le Premier ministre  israélien, Benjamin Netanyahu, continue d’être considéré comme le  premier responsable, celui qui fait obstruction aux efforts américains  et internationaux pour négocier un accord de paix. Netanyahu a rejeté  toutes les propositions états-uniennes visant à permettre au dirigeant  du Fatah, Mahmoud Abbas, de reprendre les pourparlers, et de permettre  en outre aux Etats arabes de rendre la pareille en prenant de nouvelles  mesures de normalisation avec l’Etat juif.
Résultat, Netanyahu est considéré comme un  rejectionniste qui s’obstine même quand les conditions proposées sont  très favorables à son pays ; enveloppées qu’elles étaient pourtant dans  une série d’affirmations encourageantes tels que le soutien indéfectible  des Etats-Unis, leur engagement sans réserve pour la sécurité d’Israël,  et une alliance stratégique indestructible entre les deux pays. Ce qui  correspondait en outre à une promesse déguisée de consolidation de tous  les gains accumulés par Israël par la guerre.
La présumée justesse de cette réflexion conduit à une  supposition fausse : que la voie vers un règlement pacifique aurait  finalement été ouverte si seulement Netanyahu avait accepté l’arrêt des  constructions dans les colonies, même pour un temps limité (l’accord de  Netanyahu pour un gel de 10 mois n’a pas été pris au sérieux car non  seulement il excluait Jérusalem, avec d’autres exceptions également  importantes, mais le gel était compensé par de nouveaux projets de  construction, énormes, dans et autour de la Jérusalem occupée).
Mais, supposons que Netanyahu ait donné son accord dès  le début pour l’arrêt de toute construction coloniale dans les  territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem, et qu’il ait été  d’accord également pour bloquer toute expansion dans les colonies  existantes, malgré la « croissance naturelle », juste comme le Président  des USA, Barack Obama, et sa secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, le lui  avaient demandé initialement. Supposons également que Netanyahu se soit  engagé pour la « solution à deux Etats » et qu’il ait délégué une  équipe israélienne pour mener la reprise des négociations avec les  Palestiniens. A ce stade, la « communauté internationale » serait  devenue complètement euphorique, les Etats arabes auraient enchaîné avec  une confiance généreuse et des mesures normalisation, Netanyahu aurait  été loué comme un dirigeant courageux et un homme de paix, et les  théories auraient abondé, montrant comment les décisions audacieuses  pour la paix ne pouvaient être prises que par des dirigeants de droite  radicaux, et non par des modérés (rappelez-vous, Begin et Sharon).
Mais quand les deux côtés auraient finalement été  engagés dans les négociations, sous le patronage des Américains, du  Quartet, des Européens et des nations, il se serait produit un retour  rapide à la case départ. Israël n’aurait rien proposé aux Palestiniens  et n’aurait pas permis aux négociations d’avancer d’un pouce. Les  négociateurs israéliens auraient exigé des concessions palestiniennes,  pour répondre à leurs « sacrifices douloureux ». Ils auraient fait  valoir devant les Palestiniens des exigences prohibitives et une fois  qu’elles auraient été acceptées, il y aurait eu d’autres exigences. Et  s’ils avaient laissé se poursuivre les négociations jusqu’à ce stade,  cela aurait été sans qu’il n’ait été fait la moindre allusion aux  attentes des Palestiniens. Il y aurait eu, comme nous en avons toujours  fait l’expérience, des pourparlers interminables dans leurs propres  intérêts israéliens et, évidemment, en gagnant toujours du temps.
Les Israéliens auraient exigé que les Palestiniens  cessent leur « incitation » - processus sans fin dont on a jamais pu  juger du résultat ; ils auraient exigé que les Palestiniens  reconnaissent Israël en tant qu’ « Etat juif », que l’infrastructure du  « terrorisme » palestinien soit démantelée et que les armes aux mains  des Palestiniens soient rendues. Les Israéliens auraient également  demandé que les Palestiniens renoncent au droit au retour, acceptent  Jérusalem comme capitale éternelle unifiée de l’Etat juif, acceptent un  Etat de leur part qui n’ait aucune des caractéristiques d’un Etat sauf  le nom, et qu’ils abandonnent toute prétention au retrait des colonies  construites sur la terre palestinienne comme des faits établis  irréversibles, sans parler des avant-postes illégaux et des combines  pour des échanges de territoires.
Toutes ces exigences, et plus encore, auraient été  réaffirmées avant même tout début réel des pourparlers. Le côté  israélien n’acceptant aucune objection qui prétendrait que de telles  demandes constituent des conditions préalables. Au contraire, il aurait  insisté en disant que ce sont des préalables essentiels pour les  négociations, de peur que les intérêts vitaux de la sécurité israélienne  ne soient compromis.
A en juger par l’expérience non ambiguë des 43 années  d’efforts à faire la paix – des négociations commencées avec  l’ambassadeur Gunnar Jarring en 1967, pas seulement avec Madrid en 1991  –, il serait téméraire de s’attendre à un moindre progrès en négociant  un accord pacifique avec Israël – je le répète, avec Israël, pas  Netanyahu – si les conditions d’un tel accord, quel qu’il soit, se  heurtent au projet sioniste pour la Palestine et ses environs immédiats.
Ce n’est pas Netanyahu qui a bloqué tout progrès. Sa  façon de coller à sa fonction a jusqu’à présent été plus représentative  de la politique d’Israël que celle de bien d’autres dirigeants  israéliens qui firent preuve de souplesse mais qui agissaient comme lui.
En Israël, il n’y a ni modérés, ni extrémistes ; il y a  des extrémistes plutôt abrupts, agressifs, arrogants et obstinés d’un  côté, et des extrémistes beaux parleurs, fugaces, imperceptibles et  trompeurs, de l’autre. La seule différence, c’est le style. L’arrogance  de Netanyahu a dissimulé des difficultés sur la route vers la paix bien  plus graves que la maigre mesure du gel de la colonisation.
Netanyahu aurait pu engager des négociations sans  crainte d’avancer vers des résultats indésirables ; il se serait assuré  des exigences israéliennes prohibitives habituelles. Simplement, il n’a  pas eu envie de s’engager dans un gel de la colonisation pour des  raisons idéologiques aussi bien que pratiques. Il a prétendu que les  Palestiniens avaient négocié pendant des années pendant que les  constructions dans les colonies se poursuivaient. Il ne voulait pas  qu’il en soit autrement.
L’Autorité palestinienne a effectivement négocié avec  Yitzhak Rabin, Netanyahu, Shimon Pères, Ehud Barak, Ariel Sharon et Ehud  Olmert, pendant des années, sans y gagner quoi que ce soit. En réalité,  c’était en y perdant, peu à peu, pendant qu’Israël créait sans cesse  des faits irréversibles sur le terrain.
Aussi arrogant, agressif et désagréable que puisse être  Netanyahu, ce n’est pas lui l’obstacle à la paix. C’est Israël lui-même  qui est l’obstacle à la paix.
Source : The Jordan Times, 28  avril 2010 : http://www.jordantimes.com/?news=26...
traduction : JPP pour l’AFPS