Pierre Haski
Climat de défiance  logique et prévisible.  Les Palestiniens ont le sentiment d’avoir avalé trop de couleuvres -le  nombre de colons israéliens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est a triplé  depuis le début du processus d’Oslo en 1993- pour faire confiance au  gouvernement le plus à droite depuis la naissance de l’Etat hébreu.
Ne retenez pas votre souffle  et tempérez votre enthousiasme : avec toute la circonspection qui  convient, il faut tout de même relever que ce dimanche 9 mai, les  négociations israélo-palestiniennes ont repris, après dix-huit mois  d’interruption, depuis la guerre de Gaza. Des négociations « de  proximité », c’est-à-dire indirectes, par l’entremise d’un émissaire  américain, George Mitchell.
Ces négociations ont une limite dans le temps : quatre  mois. Mais, dès le premier jour, le ping-pong verbal entre les deux  camps a commencé. Au Conseil des ministres israélien, qui se tient le  dimanche, le remier ministre Benyamin Netanyahou a lancé :
« On ne fait pas la paix à distance. »
Mais cet appel à des négociations directes s’est attiré  une fin de non recevoir du président de l’Autorité palestinienne,  Mahmoud Abbas, qui, fort d’un mandat qui lui a été donné la veille par  les instances dirigeantes de l’OLP, a catégoriquement refusé tant  qu’Israël ne s’engageait pas à un arrêt de la construction de nouveaux  logements dans les colonies, y compris Jérusalem-Est.
Ce climat de défiance est logique et prévisible. Les  Palestiniens ont le sentiment d’avoir avalé trop de couleuvres -le  nombre de colons israéliens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est a triplé  depuis le début du processus d’Oslo en 1993- pour faire confiance au  gouvernement le plus à droite depuis la naissance de l’Etat hébreu.
Et les Israéliens en ont autant pour leurs  interlocuteurs palestiniens, divisés de surcroit entre l’OLP de Abbas et  les islamistes du Hamas solidement enracinés à Gaza.
George Mitchell entre Jérusalem et  Ramallah
C’est sur les épaules carrées de George Mitchell,  l’émissaire américain auréolé du succès de sa médiation irlandaise, que  repose cet équilibre très instable des négociations de « proximité ».  Mitchell, dont la carrière d’avocat et de missions délicates comprend un  surprenant détour par la présidence de la Disney Company…
Les quatre prochains mois risquent fort de ressembler à  un grand jeu d’intox, car personne ne veut avoir l’air responsable de  l’échec quasi-programmé de ce premier round, et, surtout, chacun se  prépare déjà au suivant.
Le suivant pourrait prendre la forme d’une conférence  internationale, sous l’égide américaine, impliquant le Quartet  (Etats-Unis, Russie, Union européenne et Nations unies) en plus des  acteurs régionaux. La tonalité de cette conférence, et des solutions  qu’elle préconisera -ou imposera ? - dépendra beaucoup de l’attitude de  Barack Obama et de la partie américaine.
De manière préventive, Benyamin Netanyahou tente  actuellement de suggérer une proclamation d’indépendance de la  Palestine, avec des frontières non définitives. Les Palestiniens y  voient un piège destiné à maintenir le statu quo et poursuivre  parallèlement la colonisation qui modifie la réalité sur le terrain.
Ils s’accrochent au contraire à leur seul espoir du  moment, en la personne d’un Obama dont on ne sait pas si, réellement, il  aura la volonté et les moyens politiques d’imposer un jour une solution  à Israël.
Passage en force ?
Ecoutez ou réécoutez ce que nous disait il y a seulement  huit jours, Elias Sanbar, intellectuel palestinien vivant en France et  régulièrement associé aux processus de négociations, sur le changement  de ton à Washington, et la prise de conscience, par l’administration  Obama, qu’il faudra peut-être passer en force. Il ajoutait :
« Avec cette équipe aux commandes en Israël, il est  quasiment impossible d’arriver à la paix sans une intrusion d’un acteur  extérieur. » (Ecouter le son sur l’article source)
Bref, on le voit, la route qui a été empruntée ce  dimanche avec les premières navettes de Georges Mitchell entre Ramallah  et Jérusalem-Ouest, entre le bureau de Mahmoud Abbas et celui de  Benyamin Netanyahou, risque fort d’être semée d’embûches, de  frustrations et de tensions.
Mais c’est aussi le début d’une nouvelle donne possible  au Proche Orient, si, comme ils en donnent parfois le signal, même de  manière confuse, les Etats-Unis cessent d’être les protecteurs aveugles  d’Israël, pour devenir, dans leur propre intérêt stratégique, les  accoucheurs, les parrains d’une paix juste et durable dans cet éternel  point chaud du globe.
Inutile, en effet, de retenir son souffle car la route  sera longue et peut-être décevante. Mais cette date du 9 mai méritait  d’être au moins notée, dans la longue histoire des espoirs de paix au  Proche-Orient.
publié par Rue89