Udi Aloni
Udi Aloni a rédigé [septembre 2009 - N.d.T] le manifeste de Toronto qui protestait contre "la célébration de l’occupation de la Palestine" qui avait le festival pour cadre. Il en parle ici.
Jerry Seinfeld, pas dégoûté pour un sou, en compagnie du criminel de guerre Péres
Des personnalités ont publié une déclaration opposée au manifeste de Toronto que j’avais rédigé avec Naomi Klein, John Greyson et d’autres et qui dénonçait la participation du festival de Toronto à la campagne pour promouvoir l’image d’Israël en tant que démocratie éclairée (au lieu d’un état occupant).
Ceux qui ont lu notre déclaration ont pu constater que nous n’appelons au boycott d’aucun réalisateur ni d’aucun film israélien. Nous nous sommes simplement élevés contre le choix du festival, intentionnel ou pas, de participer à la campagne pour redorer le blason d’Israël en mettant Tel Aviv à l’honneur.
C’est pourquoi j’ai été surpris quand des personnes connues chapeautées par le Consul Général d’Israël à Los Angeles nous ont accusés d’avoir dit des choses que nous n’avons jamais dites ("Mettre sur la liste noire et censurer").
En fait nous avons dit le contraire ! On se demande qui a intérêt à faire croire au monde entier que nous appelons à un boycott du cinéma israélien. Qui veut faire d’Israël une victime (une fois de plus) ? La réponse est évidemment le consulat israélien et Avigor Lieberman par procuration.
Devant ces accusations mensongères je me vois obligé de redire que nous donnons notre bénédiction à toutes les œuvres de qualité en provenance d’Israël ou d’ailleurs.
Tout ce que nous demandons c’est que les réalisateurs et autres artistes ne s’associent pas aux Ambassades Israéliennes dans sa campagne pour restaurer l’image d’Israël. Mes amis et moi en avons appelé aux artistes israéliens pensant qu’ils étaient vraiment opposés au régime colonial raciste d’Israël, et qu’ils avaient seulement été utilisés contre leur volonté par l’Etat et le Ministre des Affaires Etrangères.
Cependant il semble maintenant que la collusion entre certains artistes et la machine de propagande israélienne est plus grande que nous l’imaginions. Shmulik n’a pas hésité à attaquer Jane Fonda à propos de ce soit-disant boycott du cinéma israélien (bien qu’il sache très bien que nous avons clairement spécifié que nous ne boycotterions personne) mais il n’a rien dit quand le Ministre de la Culture, Limor Livnat, connue pour ses opinions de droite, a déclaré que, lui-même et les artistes qui avaient reçu le prix du festival de Venise, étaient "les meilleurs ambassadeurs de l’état d’Israël".
Au moment émouvant où il a reçu le Lion d’Or de Venise, il n’a pas dédié son film "Liban" aux victimes de cette guerre criminelle, œuvre des cerveaux arrogants et agressifs du gouvernement israélien.
Il n’a pas non plus exprimé le regret d’avoir participé à cette guerre ni parlé de la souffrance des Palestiniens occupés par l’armée même dans laquelle Shmulik a servi au Liban.
Il a dédié son film aux soldats du monde entier qui rentrent du combat avec des troubles psychologiques et qui ne réussissent pas à se rétablir bien qu’ils aient des enfants et une famille. Ce thème nous rappelle une autre cérémonie au cours de laquelle Ari Folma, un autre soldat réalisateur dont le film "Valse avec Bashir" a gagné un Globe d’Or. (Les réalisateurs israéliens ne sont-ils pas des alchimistes, eux qui réussissent à transformer les traumatismes de militaires conquérants en or pur ?)
Ari a été un participant direct ou indirecte de l’horrible massacre de Sabra et Chatila. Mais qu’est-ce qu’il a dit à ce sujet ? Lui non plus n’a pas demandé pardon aux victimes. Peut-être qu’il a "seulement" envoyé des fusées lumineuses pour que d’autres puissent assassiner, comme il l’affirme. Peut-être qu’il tenait un fusil mitrailleur et empêchait les gens de s’enfuir pour échapper au massacre. Qui sait ? Il ne se souvient de rien et il ne lui est pas venu à l’idée un seul instant d’aller poser des questions aux vrais témoins : les résidents du camp.
Ari ne pensait pas que le témoignage le plus sérieux puisse venir des témoins oculaires ; il s’est tourné vers le commandant militaire israélien Ron Ben-Yishai. C’est pourquoi quand il est monté sur l’estrade devant des millions de personnes à la cérémonie de remise des prix, il n’a pas plaidé pour un arrêt du massacre qui se perpétrait à Gaza au moment où il parlait, et qui comme le cauchemar qu’il décrit dans le film revient comme une terrible malédiction. Il n’a pas demandé pardon aux résidents du camp ni même exprimé de sympathie pour leurs souffrances. Au lieu de ça, il a béni tous les enfants nés dans l’équipe au cours du tournage. Oui toutes nos félicitations pour ces naisssances !
En écoutant les discours creux de Shmulik Maoz et Ari Folman, je me suis rendu compte qu’ils n’étaient pas hantés par les fantômes de leurs victimes mortes mais simplement par les pénibles images de la guerre elle-même et que leur art était un moyen de pacifier leur âme. Ils veulent se libérer de ces images pour que, eux-mêmes, et non leurs victimes, puissent enfin passer une bonne nuit. Une fois de plus nous ne pensons qu’à nous. Il n’y a aucune place pour les autres, nous et l’Occident serons toujours les sujets (qui tirent et qui pleurent) et les Arabes continueront à être considérés comme des objets.
C’est pourquoi même si ce sont les Arabes qui sont assassinés, même s’ils sont clairement les victimes, ils demeureront des objets. Pas des personnes à part entière, ni souveraines ni libres.
Cher Jerry Seinfeld, vous m’avez fait rire des milliers de fois et je vous aime de tout mon cœur. Je vous en prie ne vous ridiculisez pas. Luttez pour le droit d’un metteur en scène palestinien de faire un film dans son propre pays en homme libre et n’attaquez pas ceux qui participent à cette protestation légitime.
Nous n’avons ni fusils ni avions de guerre qui tuent des femmes et des enfants sans distinction. Nous avons le droit de protester. J’espère que vous nous ferez des excuses publiques pour avoir participé à cette campagne de calomnie orchestrée contre nous, militants pour les Droits de l’Homme, par l’Ambassade israélienne du Canada ou que vous dédommagerez de manière appropriée mes amis et moi-même pour avoir été diffamés.
Personnellement, je suis contre toute forme de boycott des œuvres d’art, peu importe les opinions politiques qu’elles expriment mais j’ai le droit de m’élever contre l’utilisation cynique qui est faite des artistes, de nous en Israël comme de vous, les artistes juifs américains.
Si vous aimez sincèrement Israël, aidez-nous à mettre fin à l’occupation, donnez-nous votre avis sur la manière d’être écouté du monde entier, corrigez-nous si nous en faisons trop parfois, mais de grâce ne collaborez pas avec l’occupation elle-même.
Elle a provoqué la destruction du peuple palestinien et va bientôt provoquer la nôtre, car il n’y aura jamais de Juifs libres tant que les Palestiniens ne sont pas libres et ne jouissent pas des mêmes droits.
Vous, Shmulik Maoz et Ari Folman, deux artistes au talent exceptionnel, vous et le reste des artistes israéliens, je vous en prie, joignez-vous à notre appel "pas de fête sous occupation ". Vos actions et vos déclarations et pas seulement vos films influencent le débat sur le rôle que vos films jouent dans la propagande israélienne.
En conclusion, je lance cet appel à tous les artistes juifs d’Amérique du Nord et d’ailleurs : Je crois que nous ne devrions pas nous demander pourquoi des réalisateurs israéliens font des films sur le Liban (après tout c’est bien normal que chacun se gratte là où ça démange), ni pourquoi le gouvernement israélien soutient ces films et les utilise à ses propres fins.
La vraie question est pourquoi l’image d’un soldat israélien, à l’agonie et en larmes, a tant d’attrait pour les responsables de festivals et pour le public occidental ? Quand nous aurons trouvé la réponse à cette question, nous comprendrons la sympathie internationale et irrationnelle dont l’état d’Israël bénéficie, indépendamment de ses actions qui sont perçues comme agressives par le même Occident.
22 septembre 2009 - Haaretz - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.haaretz.com/news/udi-alo...
Traduction de l’anglais : Dominique M.
http://www.haaretz.com/news/udi-alo...
Traduction de l’anglais : Dominique M.