Gilad Atzmon
          Au cas où vous ne le sauriez pas, en Grande-Bretagne,  l’Holocauste fait partie des programmes scolaires nationaux. Grâce à « The Holocaust Educational Trust », nos enfants ne  pourront pas manquer d’apprendre à quel point les nazis étaient  méchants.         
Au magasin de location de vidéos  d’Hollywood : « Vous avez un film sur le massacre du peuple  palestinien ? » 
« Et puis quoi, encore ? Dégage ! »
« Et puis quoi, encore ? Dégage ! »
Pour nos enfants, il est sans doute bien plus facile de  le reconnaître que d’examiner les différentes manières dont le legs  embarrassant de l’Empire britannique trouve un reflet à travers la  quasi-totalité des conflits désastreux qui affligent notre planète. L’on  considère qu’il est bien plus facile, pour nos gamins, d’apprendre  l’existence d’Anne Frank que d’encaisser le fait que la Grande-Bretagne  est directement responsable du vol de la Palestine et du calvaire des  Palestiniens. Apprendre l’existence d’Auschwitz, c’est aussi bien plus  facile que le fait de reconnaître la réalité dévastatrice créée par les  récentes guerres illégales de la Grande-Bretagne  en Irak et en  Afghanistan, un crime colossal  qui a coûté (pour l’instant) plus d’un  million-et-demi de vies innocentes.
Grâce à The Holocaust Educational Trust,  nous sommes en mesure de balayer notre histoire et nos crimes du moment  sous le tapis. Apprendre des choses sur les méchants nazis est bien  plus facile, pour nos enfants, que d’étudier la complicité de la  Grande-Bretagne dans l’holocauste. J’imagine que la restriction des lois  britanniques d’immigration adoptée afin d’empêcher les juifs qui  voulaient venir se réfugier en Grande-Bretagne dans les années 1930 de  le faire n’est pas un chapitre particulièrement mis en relief dans les  manuels de nos gamins. The Holocaust Educational Trust a été créé en  1988, indique son site  ouèbe officiel. « Notre but est d’éduquer les jeunes de toute  origine au sujet de l’Holocauste et des leçons primordiales que nous  devons en retirer pour aujourd’hui ».
« Super ! », me dis-je en moi-même. Mon fils de neuf ans  m’a dit qu’un gourou shoatique est venu dans son école, récemment, pour  parler de l’holocauste. Mon fils a levé la main : il voulait savoir si  la leçon à retirer de l’holocauste pouvait être appliquée au calvaire  des Palestiniens. « Pas de politique ici ! », a répondu le mentor  shoatique bien dressé et ‘de confiance’. Pour mon gamin, le message a  été on ne peut plus clair : « La souffrance du peuple juif est  universelle, mais la souffrance d’un autre peuple (que le peuple juif)  ne peut, quant à elle, qu’être ’politique’ »...
« The Trust », indique son site ouèbe, « intervient dans  les écoles, les universités et dans la communauté afin d’élever le  niveau de conscience et de compréhension de l’Holocauste en apportant  une meilleure formation et en proposant un programme préparé à  l’intention des écoles, une assistance et des ressources pédagogiques.  Un de nos récents succès a été d’obtenir que l’Holocauste fasse partie  du programme national d’histoire ».
C’est là, en effet, à n’en pas douter, une grande  réalisation ; j’en conviens tout à fait. Je sais aussi que durant la  prochaine opération meurtrière d’Israël à Gaza, au Liban et en Iran, nos  gamins regarderont la télé et parcourront même parfois brièvement la  presse. Ils vont tout comprendre : ils ne sont pas aussi stupides que le  Trust prétendument ‘Educational’ le pense. Ils  pigeront que l’Etat juif est aujourd’hui l’Etat le plus terroriste au  monde, que c’est une démocratie génocidaire et qu’il met en danger non  seulement la paix mondiale, mais aussi la conception de l’humanisme qui  est la nôtre.
La réaction au génocide perpétré par ‘Tsahal’ en 2009 à  Gaza a été unanime. Elle se traduit par une montée évidente de  l’antipathie à l’encontre d’Israël et des lobbies juifs dans le monde  entier. Le quotidien israélien Haaretz a fait état hier d’une augmentation-record  (100 %) des les incidents antisémites dans le monde entier. De manière  significative, la hausse la plus importante a été enregistrée en  Grande-Bretagne. J’ai aussi appris d’amis et de parents de mon entourage  que, dans les collèges de Londres, le mot « juif » est une insulte  stigmatisant un comportement immoral et délinquant. Apparemment, les  efforts déployés par The Educational Trust ont  produit un effet boomerang : le fait de vouloir enseigner la souffrance  juive à nos gamins les a rendus attentifs à toutes les violations de  l’éthique, où que ce soit dans le monde.
« Nous continuons à jouer un rôle de tout premier plan  dans la formation des enseignants aux meilleures manières d’enseigner  l’Holocauste », poursuit le site ouèbe du Trust et je me demande quelle  peut bien être, de fait, la meilleure manière d’enseigner l’holocauste ?  Comment cette fondation peut-elle s’assurer que les jeunes auxquels  elle s’adresse ne vont pas finir par retirer la conclusion qui  s’impose ?
Comment pouvez-vous apprendre à des lycéens des horreurs  indicibles et en même temps les empêcher d’en arriver à la  compréhension vitale du fait qu’Israël est, en réalité, le parangon de  l’Etat raciste expansionniste se spécialisant dans les tactiques  génocidaires ? La réponse est simple : c’est impossible. Le fait  d’imposer l’holocauste à nos gamins ne pourra que produire un  contrecoup. Au minimum, cela conduira à focaliser davantage encore leur  attention sur les crimes perpétrés par Israël au nom du peuple juif. Si  l’endoctrinement holocaustique connaît bien le succès dont le Trust fait état, il ne pourra qu’amener nos gamins à  piger que le fait de tuer au nom de la souffrance juive est un désastre  éthique total.
Je voudrais, pour finir, vous parler de la dernière  initiative prise par le Trust : il a annoncé un  nouveau prix, récemment, qui honorera « les citoyens britanniques qui  ont contribué à aider et à sauver des juifs et d’autres personnes ayant  subi des persécutions dans le cadre de l’Holocauste ».
Je suis le gars qu’il leur faut, je suis sûr que tout le  monde le comprend : qu’ils me refilent donc leur fameux prix !
Je suis citoyen britannique. J’écris sur Israël, le  sionisme et l’identité juive en recourant au langage le plus critique  qui soit. Je dénonce les crimes perpétrés par l’Etat juif au nom du  peuple juif. Je dénonce les auteurs de propagande israélienne patentés  en poste dans notre gouvernement et dans notre presse. Si les juifs  m’écoutent, ils pourront peut-être se sauver, tant qu’il en est encore  temps, du désastre total qu’ils sont en train de s’attirer sur  eux-mêmes. Je sauve aussi mes concitoyens britanniques. S’ils  m’écoutent, ils sont en mesure de démanteler The  Holocaust Education Trust et d’envoyer leurs gamins à Gaza ou en  Cisjordanie plutôt qu’à Auschwitz. Une telle action contribuerait à  enseigner à nos enfants la signification réelle de ce qu’est la  responsabilité historique (dans le contexte de la déclaration Balfour).  Et je m’efforce aussi de sauver un autre groupe humain persécuté, à  savoir les Palestiniens, en traitant des crimes perpétrés à leur  encontre au nom de l’holocauste.
En ma qualité de candidat parfait pour le « Prix de  l’Holocauste », je suis d’ores et déjà réconforté par la prise en  considération de mes efforts par The Education Trust.
« The Holocaust Educational Trust »  pense que des personnes (telles que moi) incarnent tout ce qu’il y a de  meilleur en Grande-Bretagne et méritent une reconnaissance officielle  non seulement afin de les récompenser de leurs hauts-faits, mais afin de  donner un exemple aux générations futures et de leur montrer qu’il est  extrêmement important de prendre position contre le racisme, la  discrimination et les autres formes que peut prendre l’injustice ».
J’en étais sûr : j’ai toujours eu ce sentiment qu’ils  finiraient par apprécier mes efforts, en fin de compte.
* Gilad Atzmon est  écrivain et musicien de jazz, il vit à Londres. Son dernier CD : In Loving Memory of America.