Gilles Paris  
(La notion de secret est toute relative, ne  serait-ce que parce que les Palestiniens sont parmi les mieux écoutés,  mais pas au sens où on l’entend…)
Le site electronic intifada a rendu public  cette semaine un rapport [1] rédigé en décembre 2009 par le responsable palestinien  des négociations avec Israël, Saëb Erekat (la presse en avait fait  état, mais seulement partiellement à notre connaissance). Il est précédé  d’un commentaire particulièrement acerbe. L’Autorité palestinienne  n’est manifestement pas la tasse de thé des animateurs du site, qui ne  se privent pas de rappeler que l’unité de négociation dirigée par  M. Erekat est coordonnée par un think-tank britannique, Adam Smith International Ltd, et financée  entièrement par des fonds occidentaux (ce dont il ne se cache pas).
Chargé de ce dossier depuis bientôt deux décennies,  longtemps sous la houlette de Ahmed Qoreï, Saëb Erekat, par ailleurs  député de Jéricho, dresse un tableau particulièrement sombre de la  situation, auquel s’ajoute la cassure interne palestinien dont le Hamas,  et lui seul, est présenté comme responsable. A cet instant, les  Palestiniens enregistrent échec sur échec. La tentative de lier la  reprise des négociations à un gel de la colonisation israélienne a  échoué. De même, la partie israélienne semble avoir convaincu les  Etats-Unis qu’il ne faut pas reprendre les négociations là où elles  s’étaient arrêtées en décembre 2008.
Autant sur le premier point la position palestinienne  est consistante, autant elle laisse à désirer sur le second compte tenu  des prises de positions du président de l’Autorité palestinienne,  Mahmoud Abbas, qui minore au printemps 2009 leur intérêt.  Il est vrai que les déclarations, à ce moment là, de M. Abbas sont  suivies d’un discours du nouveau premier ministre, Benyamin Nétanyahou,  qui montre que son prédécesseur, Ehoud Olmert, était autrement plus  ouvert à l’automne 2008 même si son mandat politique se limitait depuis  septembre à expédier les affaires courantes (il avait démissionné à la  suite de scandales politico-financiers).
Saëb Erekat rappelle (version palestinienne) ces  positions sur les principaux sujets : annexion de 6,5% de la Cisjordanie  (les Palestiniens acceptent 1,9%) compensée par des échanges de terre,  partage de Jérusalem selon un principe “clintonien” (ce qui est peuplé  de Palestiniens est palestinien, ce qui est peuplé d’Israéliens est  israélien), acceptation de 5000 réfugiés de 1948 en cinq ans (les  Palestiniens en demandent 150 000 sur dix ans).
Face à ce tableau, “quoi faire” se semande le Lénine de  Jéricho, avant de proposer des pistes qui en disent long sur le manque  d’alternatives palestiniennes :
1) recourir aux Nations unies (comme si elles pouvaient  jouer un rôle en surplomb des Etats-Unis dans cette affaire) pour tenter  de préserver la Ligne verte comme base de négociation, surtout pour la  question de Jérusalem, en un mot sauver la formulation de la “feuille de  route” acceptée en 2003 par toutes les parties et selon laquelle il  convient de “mettre fin à l’occupation qui a commencé en 1967″. Faire de  même pour que le règlement de la question des réfugiés se fasse en  référence à la résolution 194 qui, selon les Palestiniens, contient le  principe d’un “droit au retour” contesté par les Israéliens. Même sans  faire référence à ce “droit”, ce que déplore avec virulence electronic  intifada, le cadre de cette résolution semble présenter des avantages  indéniables pour les Palestiniens. Comme si les Nations unies pouvaient  jouer un rôle en surplomb des Etats-Unis dans cette affaire.
2) saisir la Cour internationale de justice pour prendre  acte des violations imputées aux Israéliens. Au vu de la condamnation  de la “clôture de sécurité”, on se demande bien en quoi ce recours peut  modifier le rapport de force.
3) obtenir des termes de références américains, sur le  modèle des “paramètres Clinton”, pour tenir  le choc dans les négociations face au rouleau-compresseur israélien.
4) enfin, et c’est sans doute le plus intéressant,  imaginer des plans B palestiniens. Parmi ceux-ci, Saëb Erekat évoque une  remobilisation de l’OLP sur un mode incantatoire, la création de  l’Autorité palestinienne s’est accompagné en effet d’un rétrécissement  sans précédent du mouvement national palestinien aux territoires de Gaza  et de Cisjordanie, puis de la Cisjordanie s’agissant du Fatah, sa  colonne vertébrale. Il parle aussi d’une réflexion approfondie sur la  viabilité de la solution des deux Etats (c’est la menace à peine voilée  d’une conversion à la solution de l’Etat unique que la presse a  principalement relatée).
Il évoque aussi, et c’est nouveau, une campagne de  résistance non-violente (une “intifada blanche” selon le chroniqueur  militaire du Yédioth Aharonoth, Alex Fishman) : boycottage des produits  israéliens, interdiction du travail palestinien (principalement de  construction) dans les colonies israéliennes (est-ce réalisable ?) Saëb  Erekat évoque enfin la ”bombe atomique palestinienne” : la dissolution  de l’Autorité palestinienne et la dénonciation des accords d’Oslo. Leur  caractère dissuasif est effectivement indiscutable. Mais la direction  palestinienne en a-t-elle jamais eu la capacité ?
[1] voir en anglais et en PDF sous  l’article
publié sur le blog du Monde  "Guerre ou Paix"