Hasan Abu Nimah
The Electronic Intifada
The Electronic Intifada
          L’assassinat à Dubaï de Mahmoud Al-Mabhouh - un des  responsables du mouvement Hamas - très certainement par un escadron de  la mort envoyé par le Mossad israélien, n’est nullement le premier crime  de ce genre contre la souveraineté d’un autre Etat. Alors qu’Israël a  littéralement commis à l’extérieur des meurtres par milliers, ce crime  serait-il le crime de trop ?         
          L’actuel Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu,  qui selon certaines informations a personnellement approuvé le meurtre  d’Al-Mabhouh, a dû penser que ce serait un haut fait d’armes célébré par  le monde « civilisé » qui est toujours engagé dans une « guerre contre  la terreur ». La soi-disant « communauté internationale » après tout, a  aidé Israël à isoler le mouvement Hamas et à le labelliser comme  organisation « terroriste » en dépit des ouverture diplomatiques faites  par ce mouvement, des offres répétées de trêves et de cessez-le-feu, et  du mandat gagné dans les urnes.
Malheureusement, cette fois-ci les choses ne tournent  pas de cette façon. Compter sur la complicité internationale habituelle  ne manquait pas d’un certain réalisme de la part d’Israël. En effet il  n’y a eu aucune condamnation claire de l’assassinat d’Al-Mabhouh, dans  une chambre d’hôtel, apparemment par électrocution et étouffement avec  un oreiller selon le Daily Mail. Ce qui a soulevé  l’indignation est le fait d’avoir fabriqué de faux passeports et d’avoir  usurpé des identités.
Réunis à Bruxelles, les ministres des Affaires  étrangères de l’Union européenne ont vigoureusement condamné  l’utilisation frauduleuse de passeports, mais n’ont pas eu le courage de  nommer publiquement Israël bien que plusieurs gouvernements dont le  Royaume-Uni et l’Irlande avaient déjà convoqué leurs ambassadeurs  israéliens. Les ministres des Affaires étrangères britanniques et  irlandais ont même directement interpellé leur alter ego israélien  Avigdor Lieberman, également présent à Bruxelles.
Le Mossad, service israélien d’espionnage et agence  internationale du crime organisé, a une longue histoire d’utilisation de  passeports fabriqués et volés impliquant des pays comme le Canada, la  Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Allemagne. Il a  notoirement employé de faux passeports canadiens lors de la tentative de  meurtre de Khaled Meshal, dirigeant du Hamas, à Amman en 1997.
Chaque pays considère ses passeports comme il le fait de  ses devises : leur crédibilité et leur valeur doivent être protégées.  Les vies de ses citoyens peuvent dépendre d’un passeport ; un  ressortissant irlandais, britannique ou allemand doit pouvoir voyager  partout dans le monde sans craindre qu’on ne le suspecte d’être un  assassin du Mossad.
Il y a plusieurs années la Nouvelle-Zélande, un pays de  trois millions d’habitants, a interrompu ses relations diplomatiques  avec Israël suite à l’utilisation de passeports néo-zélandais par le  Mossad. Mais indépendamment de ce cas, la plupart des pays ont été trop  timorés pour s’affronter à Israël. Que Lieberman ait refusé de fournir  la moindre information supplémentaire ou même simplement reconnu le rôle  israélien dans l’attaque de Dubaï alors qu’il rencontrait les ministres  européens des Affaires étrangères, est la preuve qu’Israël se sent  toujours en sécurité, montrant son arrogance et son mépris des lois car  il sait bien que « la communauté internationale » n’a jamais osé lui  demander de comptes.
Cette fois, cependant, l’arrogance israélienne a  peut-être dépassé les limites de ce qui était toléré jusqu’ici, et  transformé ce qui était censé être un acte « héroïque » en un scandale  aux conséquences majeures. Il y a quelques facteurs spécifiques et  généraux qui y contribuent. D’abord, le crime a été commis sur le  territoire d’un pays arabe modéré  [« modéré » signifie ici aligné sur  la politique des Etats-Unis et d’Israël au Proche-Orient - N.d.T] dont  le soutien à la paix avec Israël s’est pratiquement traduit en relations  bilatérales officieuses. Une délégation israélienne de haut niveau y  était présente quelques jours à peine avant l’arrivée de l’équipe de  tueurs du Mossad. Afficher tant de mépris pour un des premiers Etats  arabes modérés donne un très mauvais exemple pour n’importe quel autre  Etat arabe disposé à tempérer sa position envers Israël (comme les  Etats-Unis l’avaient exigé en tant que « mesures de mise  en confiance » pour le « processus de paix »).
Un second facteur est que ne peut être facilement  dissimulé le fait qu’Israël a employé des identités volées à des  personnes vivantes, d’où le choc et la crainte du public de se réveiller  un jour en trouvant son nom éclaboussé dans les journaux et mêlé à un  meurtre.
Un troisième facteur est que le mauvais coup israélien à  Dubaï porte exactement la marque du genre d’acte de terrorisme que le  monde s’est mobilisé pour combattre. Des améliorations concernant le  contrôle des passeport ont été réalisées ces dernières années pour  stopper le terrorisme, mais voici un pays qui viole et sabote ces  mesures de sécurité afin de commettre un meurtre.
N’imaginons pas que l’assassinat de Dubaï sera la paille  qui brisera le dos de l’immunité et de l’impunité israéliennes, mais  nous pouvons par contre être certains que l’érosion générale de la  position d’Israël qui en résulte, en particulier après ses récentes  guerres d’agression contre le Liban et Gaza, signifie que ce qui a été  toléré par le monde plus facilement il y a cinq ou dix ans sera à  présent moins facilement toléré. Le dégoût général du public face aux  actions israéliennes a atteint des niveaux qui permettent d’exiger des  gouvernements qu’ils réagissent plutôt que de se taire et d’être  complices comme ils sont portés à le faire.
Quand il y avait un dit « processus de paix » les crimes  d’Israël, en particulier contre les Palestiniens, étaient ignorés pour  ne pas nuire à des relations ou ne pas retarder la conclusion positive  espérée. Mais personne aujourd’hui — sauf le plus naïf ou le plus  aveugle - ose croire qu’il y ait quoi que ce soit comme processus de  paix. En dépit des efforts israéliens pour en faire porter la  responsabilité aux Palestiniens, seuls les plus extrémistes des  proisraéliens osent encore nier que la violente colonisation israélienne  de Jérusalem et de la Cisjordanie, comme le blocus contre Gaza, sont  les faits qui tuent dans l’oeuf toute perspective d’une solution  négociée.
Rappelez-vous que juste quelques jours avant que  l’affaire des passeports n’éclate, Israël faisait pression sur le  Royaume-Uni pour qu’il change ses lois afin de protéger les officiels  israéliens d’une arrestation pour crimes de guerre, s’ils passaient par  Londres. Bien que les responsables britanniques aient publiquement  exprimé leur honteuse bonne disposition à modifier la loi britannique  pour répondre aux exigences israéliennes, ils peuvent maintenant faire  face à une réelle opposition publique s’ils essayent de la changer. Quel  intérêt le Royaume-Uni a-t-il à protéger d’une arrestation des  individus comme Tzipi Livni si les faits et l’évidence le justifient ?
La vérité est que plus il se sentira désespéré, plus  Israël sera violent et dangereux, non seulement pour ses voisins mais  aussi pour la paix, la sécurité et la prospérité du monde. Sans la  constante pression du lobby proisraélien, il n’y aurait eu aucune  invasion de l’Irak. Aujourd’hui, c’est Israël et ses inconditionnels qui  incitent en permanence à la confrontation et à la guerre avec l’Iran  alors que la majeure partie de cette région ne souhaite que la paix et  de bons voisinages.
Même si les pays affectés par le dernier coup tordu  d’Israël ne le tiennent pas justement responsable comme il se devrait,  celui-ci est sur le chemin qui le mène à l’autodestruction. La grande  crainte aujourd’hui est tout le mal qu’il fera à d’autres en cours de  route.
                25 février 2010 - The Electronic Intifada - Traduction de l’anglais :  Claude Zurbach