Franck Weil-Rabaud
Il n’est pas anodin que Benjamin Netanyahu  ait affirmé avant sa rencontre avec le président américain que Jérusalem  est la « capitale éternelle du seul Etat juif ».
La municipalité de Jérusalem a  donné son feu vert pour la construction de vingt logements juifs à  Jérusalem-Est. Ils verront le jour dans un hôtel racheté en 1985 par le  milliardaire juif américain Irving Moskowitz. L’annonce est intervenue  alors que Benyamin Netanyahu rencontrait le président américain Barack  Obama pour tenter d’apaiser les tensions nées d’un autre projet de  construction de 1 600 logements juifs dans la partie occupée de  Jérusalem. Depuis 1967, la ville sainte est l’un des points les plus  sensibles du conflit israélo-palestinien.
L’image, en positif ou en négatif, est restée gravé dans  toutes les mémoires. Nous sommes en juin 1967. Le général Moshe Dayan,  alors ministre de la Défense, accompagné du chef d’état-major, Ytzhak  Rabin, vient prier au Mur des Lamentations, le lieu le plus saint du  judaïsme. Pour l’Etat hébreu c’est un jour historique. Son armée vient  de remporter une victoire aussi éclatante que rapide sur une coalition  des armées arabes. Elle s’est entre autre emparée de la partie orientale  de Jérusalem, qui appartenait alors à la Jordanie. Depuis cette date,  et en dépit des lois internationales qui reconnaissent Jérusalem-Est  comme territoire occupé, les gouvernements israéliens n’ont eu de cesse  d’installer des familles juives pour tenter de modifier l’équilibre  démographique dans une partie de la ville que les Palestiniens veulent  ériger en capitale de leur éventuel futur Etat.
Une démographie favorable aux  Palestiniens
A l’issue de sa conquête militaire, le gouvernement  israélien procède à un recensement de la population arabe vivant à  Jérusalem-Est. Elle est alors de 66 000 personnes. Pour l’ensemble de  Jérusalem, la population arabe représente 33% des habitants. Année après  année, les autorités municipales et nationales israéliennes incitent  les juifs à s’installer dans la partie orientale de Jérusalem. Ils  bénéficient pour cela d’incitations financières. En 2009, le nombre  d’Israéliens juifs considérés par la loi internationale comme des colons  installés à Jérusalem-Est, dépasse les 200 000 personnes. Malgré cela,  la démographie reste favorable aux Palestiniens. Ils représentent 35% de  la population totale de Jérusalem aujourd’hui et, selon le démographe  israélien Sergio della Pergola, la parité entre juifs et arabes pourrait  être atteinte en 2030.
Une bureaucratie très politique
Parallèlement à l’implantation de résidents juifs,  Israël a multiplié les mesures pour limiter l’accroissement de la  population palestinienne. A l’issue de la guerre des Six-Jours, les  résidents arabes de Jérusalem, qui ont refusé de prendre la nationalité  israélienne, se sont vu accorder le statut de résident. Un statut très  précaire. Une loi israélienne stipule ainsi que tout résident qui a  séjourné plus de sept ans à l’extérieur des limites municipales de  Jérusalem, que ce soit à l’étranger ou en Cisjordanie, perd  automatiquement son droit de résidence. Les conditions du regroupement  familial se sont également durcies et restent à la discrétion du  ministère de l’Intérieur. Selon plusieurs organisations de défense des  droits de l’homme, plus de 120 000 dossiers sont aujourd’hui en attente  d’une décision. Les Palestiniens ont par ailleurs les plus grandes  difficultés à obtenir des permis de construire. De nombreuses maisons  sont alors considérées comme illégales et peuvent être ainsi détruites  par les autorités israéliennes. Plus de 2 500 d’entre elles ont ainsi  été rasées depuis 1967.
Unité de façade, discriminations de  fait
Alors que depuis 1980, et le vote d’une loi par la  Knesset, le Parlement israélien, l’ensemble de la ville de Jérusalem est  considéré comme la capitale unie et indivisible d’Israël, les  disparités des investissements municipaux entre les parties occidentale  et orientale de la ville sainte sont criantes. En 2006, alors que les  Palestiniens représentaient un peu plus de 30% de la population de la  ville, le budget global consacré à Jérusalem-Est atteignait à peine 12%  de l’ensemble du budget municipal. Pour le démographe israélien Sergio  della Pergola, dans l’optique d’une capitale pour deux Etats, « il  faudrait que chaque partie de Jérusalem dispose de son propre conseil  municipal, chapeauté par un super-conseil. Mais c’est une solution très  difficile à mettre en place en raison des oppositions qu’elle suscite de  part et d’autre ».
Il faut dire que le dossier ne semble pas près d’être  réglé. En visite aux Etats-Unis, le Premier ministre israélien Benyamin  Netanyahu a répété que « Jérusalem n’est pas une colonie. Jérusalem est  la capitale d’Israël ». Une affirmation qui ne laisse guère de place aux  aspirations palestiniennes de voir cesser toute colonisation juive dans  la ville sainte et au-delà dans les Territoires occupés. [1] L’Autorité  palestinienne en est aujourd’hui réduite à s’en tenir une nouvelle fois  aux promesses du Quartette. Ce dernier, composé des Etats-Unis, de la  Russie, de l’Union européenne et des Nations unies a encore récemment  exprimé son souhait de voir naître d’ici 2012 un Etat palestinien  indépendant et viable. Etat qui selon la « feuille de route » élaborée  par le même Quartette aurait dû voir le jour en… 2005.  .