samedi 14 novembre 2009 - 07h:08
Saleh Al-Naami - Al Jazeera
La conférence annuelle tenue par des officiers supérieurs de l’armée israélienne et présidée par le chef d’état-major Gabi Ashkenazi, a récemment eu lieu dans une base militaire dans le centre d’Israël et a été suivie par tous les officiers de grade de lieutenant-colonel ou supérieur.
L’écrasante majorité des officiers ayant assisté à la conférence font partie du courant religieux sioniste ; un reportage diffusé par les chaînes de la télévision israélienne de cette réunion montrait une pléthore d’officiers supérieurs portant une kippa crochetée, ce qui a poussé le chef du renseignement militaire israélien, le général Shlomo Gazit, à déclarer : ces images prouvent que « l’armée israélienne est tombé sous l’emprise des religieux sionistes. »
L’éruption du courant sioniste religieux aux postes de direction dans l’armée et dans les unités d’élite militaire à conduit à une vive polémique en Israël concernant la répercussions de ce phénomène sur l’avenir de l’Etat sachant que les religieux sionistes ne représentent que 8% de la population juive en Israël, tandis que les adeptes du courant religieux ultra-orthodoxe ne constitue que 22% de la population, ces derniers ne sont pas mobilisables dans l’armée et sont exemptés du service militaire afin de leur permettre la poursuite des études à temps plein dans les écoles religieuses.
Le différend entre les religieux sionistes et les religieux orthodoxes réside dans la justification de la création de l’Etat d’Israël. Au début, le courant religieux orthodoxe, s’est opposé à la création d’Israël qui, selon lui, ne pourra intervenir que lors de la venue du Messie, alors que le courant religieux sioniste considère que la création d’Israël est une condition de la venue du messie et non le contraire.
C’est pour cette raison que les religieux sionistes se sont engagés dans les différentes institutions de l’État, en particulier l’armée, alors que les religieux orthodoxes ont accepté Israël comme un fait accompli.
Données significatives
Selon les chiffres publiés par le ministère de la défense en 2008 : 60% des officiers des unités de combat, 70% des brigades d’infanterie et 75% des unités spéciales sont des religieux sionistes.
L’ancien vice-chef d’état-major, Dan Harel, affirme que les sionistes religieux, dirigent la plupart des bataillons et des brigades d’infanterie, à savoir : les brigades Hnahal , Golani et Givati. Les religieux sionistes monopolisent totalement la direction des unités d’élite de Sayeret Matkal, Eyjoz, Samson et Dokhaevat, ainsi que le contrôle des unités d’élite de la police israélienne YASAM.
L’ancien commandant de la région du nord dans l’armée israélienne, Moshé Kaplinski prévoit le contrôle, par les religieux sionistes, de tous les organes de l’armée au cours des deux prochaines décennies si leur engouement vers les postes de direction perdure.
Les adeptes du mouvement religieux sioniste ne se sont pas contentés de courir derrière le contrôle de l’armée, ils se sont aussi rendu compte de l’importance d’investir le service de renseignement interne (Shabak connu sous le nom de Shin Bet), considéré comme l’organe le plus influent dans la prise de décision dans l’État juif.
L’ancien président du Shabak, Perry Yaakov, indique que la plupart des responsables du Shabak sont des religieux, sachant que l’actuel vice -président du Shabak, désigné par « A » est aussi un religieux sioniste et il est le plus probable remplaçant du président de l’agence du contre-espionnage, Yuval Diskin.
Les motivations pour rejoindre les unités de combat
Jusqu’au début des années quatre-vingts, la proportion des sionistes religieux dans les instances dirigeantes de l’armée était faible. Jusqu’à cette période, les membres des kibboutzim qui étaient laïques contrôlaient d’une manière exclusive les postes de direction, à tel point que l’appartenance au kibboutz signifiait l’appartenance aux unités d’élites, Moshe Dayan , Yitzhak Rabin, Moshé Ya’alon, Amnon Lipkin-Shahak, Uri Ssagyh et d’autres généraux venaient de kibboutzim .
Mais depuis cette époque il y a eu un retournement important de la situation et la proportion des personnes provenant des kibboutzim rejoignant les unités de combat a considérablement diminué en raison de la désillusion de ces derniers sur « le devoir de se sacrifier pour l’Etat ». A la différence du mouvement sioniste religieux qui, lui, a incité ses partisans à s’engager dans des brigades et des unités spéciales. Si le service militaire est obligatoire en Israël, l’armée ne force pas les soldats à rejoindre les unités de combat et chaque nouvelle recrue au sein de l’armée choisit elle-même l’unité qu’elle souhaite intégrer.
Les autorités du mouvement sioniste religieux n’ont pas caché leurs motivations derrière l’incitation de leurs membres à rejoindre les unités de combat et à s’accaparer des postes de direction dans l’armée, plusieurs rabbins de premier plan ont affirmé que cette approche vise à renforcer leur contrôle sur l’armée, car cela constitue une garantie importante pour ce courant d’avoir un impact sur la prise de décision dans le pays, et de ce fait, leur influence sera beaucoup plus grande comparée à leur proportion dans la population totale.
Le rabbin Abraham Shapira, chef de file de ce mouvement, a émis une fatwa dans les années quatre-vingts qui considère que « la mobilisation dans des unités de combat est un sacrifice pour dieu » et que « le service militaire et l’esprit combatif sont imposés par Dieu pour diriger le projet sioniste ».
Foyers du terrorisme
Afin d’assurer à leurs fidèles de préserver les valeurs religieuses durant leur service militaire, les responsables religieux de ce mouvement ont réussi à conclure des accords avec les dirigeants de l’armée afin de créer des institutions religieuses permettant à des officiers et à des soldats religieux de bénéficier d’études religieuses durant leur service militaire et des instituts connus sous le nom Yeshivat Hesder furent crées. Jusqu’à présent, 42 instituts de ce type ont vu le jour, le plus important et le plus grand est l’institut Mercaz Hrab dans Jérusalem occupée.
Bien que c’est l’armée qui finance la création de ces instituts et paye les salaires les rabbins qui les dirigent, ce sont les sionistes religieux qui ont un contrôle absolu sur ces écoles. En raison de l’extrême importance de ces écoles pour le courant sioniste religieux, leur gestion est confiée aux plus grands rabbins et d’autres personnes connus pour leur extrémisme radical.
Les programmes enseignés dans ces écoles sont des programmes racistes et forment les soldats pour être les plus féroces pour tuer les Arabes.
Le rabbin Shmuel Rosen, président de l’Institut religieux militaire à Maale Adumim, a déclaré enseigner à ses étudiants (soldats et officiers), la fatwa « Amalek » émise il y a deux années par le Rabbin Mordechai Eliyahu, président de l’institut Tsomet et grande référence religieuse juive. Cette fatwa émise en mars 2008 et qui a reçu un large succès appelle à l’application de la loi dite des « Amaleks » sur quiconque voue une haine à Israël. Cette loi appelle à tuer les hommes, les enfants, les nourrissons, les femmes, les vieux et même les animaux : « Tuez tous les Amaleks, tuez-les et dépossédez-les de leurs biens, n’ayez aucune pitié d’eux. Tuez-les les uns après les autres. Ne laissez aucun enfant, aucune végétation, tuez leur bétail, du chameau jusqu’à l’âne. »
Eliyahu considère les Palestiniens comme les « Amalek » de ces temps sur lesquels doit s’appliquer cette loi.
Plusieurs fatwa racistes ont été émises par les directeurs de ces écoles ; ainsi, le rabbin Shlomo Riskin, directeur de l’Institut militaire de la colonisation religieuse Shomron Krnih dans le nord de la Cisjordanie, a émis une loi pour rendre licite le pillage des récoltes d’olives palestiniennes et l’empoisonnement des puits d’eau.
Le Rabbi Iiezer Mlmid, Directeur de l’Institut religieux militaire dans la colonie Tafouh, au sud de Naplouse, a édicté une fatwa à ses étudiants les autorisant à voler les récoltes agricoles des palestiniens, au motif qu’ « ils font partie des goys. »
La guerre à Gaza comme exemple
on ne peut pas comprendre la brutalité de l’armée israélienne dans sa guerre criminelle contre la bande de Gaza sans tenir compte de la nature de la composante humaine des brigades et des unités militaires israéliennes qui ont participé à cette guerre.
Bien qu’il existe des instructions précises du commandement de l’armée de l’adoption de la stratégie de la « terre brûlée » pendant la guerre, on ne peut pas ignorer le fait que toutes les brigades d’infanterie qui ont participé à la guerre, à l’exception de la Brigade des Parachutistes, étaient dirigées par des généraux qui sont des sionistes religieux, justement ceux qui subissent un fort endoctrinement raciste.
Le journal israélien Ha’aretz a révélé que les écoles rabbiniques ont distribué aux soldats une fatwa émise par le rabbin Shlomo Avner, directeur de l’école extrémiste Kohnim Attiyrat dans Jérusalem, demandant la mise à mort des Palestiniens.
Au même moment, le rabbin militaire en chef, le général de brigade Avi Ronzki accompagné de rabbins extrémistes, a rendu plusieurs visites aux soldats durant la guerre au cours desquelles, il a exhorté les soldats à tuer les Palestiniens, soulignant qu’il n’y a pas de civils parmi eux.
Selon le journaliste israélien Amos Harel, citant un des soldats qui ont participé à la guerre, le rabbin de Safed Eliahou Saül , a fait un certain nombre de sermons aux soldats pendant la guerre, les exhortant à « tuer des Palestiniens sans aucune compassion. »
Garantie de la poursuite du conflit
Les enjeux du courant sioniste religieux actuel est de pousser ses partisans à accéder à des postes-clés dans l’armée et dans les établissements de sécurité afin d’influencer les décideurs du pays.
Bien que le gouvernement soit l’organe décideur officiel, il est d’usage en Israël que la décision politique soit subordonnée à l’avis des militaires et des services de sécurité avant toute prise de décision importante. Cette influence prépondérante des militaires a amené Dan Kertiser, ancien ambassadeur américain à Tel - Aviv, à déclarer que « le chef du Shin Bet est le dirigeant de facto d’Israël. »
Il est bien évident que si les adeptes du courant sioniste religieux continuent à rafler les postes de direction dans l’armée et la sécurité, les conseils qu’ils fourniront aux politiques seront largement influencés par leurs positions religieuses.
Par exemple, l’ancien ministre israélien de l’Education, Yossi Sarid, a accusé l’ancien directeur du Collège de défense nationale de l’armée israélienne, le Général Yaakov AmiDror sioniste religieux, d’avoir "fabriquer" selon sa ligne politique des évaluations stratégiques et de les avoir fourni au gouvernement ; il a ajouté que Dror avait dépassé le cadre de sa fonction pour convaincre les membres du gouvernement de l’inutilité des négociations avec l’Autorité palestinienne, la Syrie et le Liban.
D’autre part, les partis israéliens se font la concurrence dans le recrutement des généraux qui partent à la retraite dans leurs listes électorales, ce qui ouvre la voie aux sionistes religieux dans plus de participation aux prises des décisions politiques. Plus le nombre de haut gradés religieux sionistes partant à la retraite est grand, plus leur influence sur la décision politique augmente. Ce qui signifie que la course des religieux sionistes vers des postes clés dans l’armée sera un facteur supplémentaire de l’échec des chances pour parvenir à un règlement politique du conflit.
Etant donné que la force de contribution des adeptes de cette tendance à l’effort de guerre dépasse celle de n’importe quel autre courant, les chefs religieux et les élites intellectuelles de ce mouvement exigent du gouvernement une oreille attentive et une prise en compte de leur position. Les religieux sionistes ne cessent de rappeler leur forte contribution dans la deuxième guerre du Liban, en mettant en parallèle le nombre de soldats tués dans cette guerre de la colonie Eli, ville de sept cent colons où habitent des adeptes de ce courant, qui est égal au nombre de soldats tués de Tel-Aviv, une ville de plus d’un million d’habitants.
Atteinte à la démocratie
Il est clair que le contrôle des adeptes du courant religieux sioniste de l’armée à des effets profonds sur la nature du régime en Israël, et entraînera l’érosion de la vie démocratique dans ce pays. Bien que l’une des caractéristiques d’une démocratie est que la hiérarchie militaire est sous les ordres du gouvernement élu, les partisans de cette tendance placent la loi de la Torah au dessus de toute autre loi y compris les lois émises par le gouvernement élu en Israël.
Quand un journaliste a demandé au rabbin le général Rontski « Si le gouvernement élu vous donne des instructions contraires à celles données par le Rabbin Mordechai Eliyahu, à quelles instructions allez-vous obéir ? » Rontski répondit fermement et sans équivoque : « Je suivrai les instructions du rabbin Eliyahu et je démissionne de l’armée. »
De là, il n’est pas étonnant de voir des officiers et des soldats de l’unité de Samson, dont la grande majorité sont des sionistes religieux, annoncer lors d’une cérémonie, vendredi dernier, que si le gouvernement émet des ordres d’évacuation des colonies, ils refuseront d’obéir. Il est à noter que des politiciens de la droite israélienne ont défendu ces soldats et rejeté les appels pour les punir.
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http://www.isesco.org.ma/francais/g...
9 novembre 2009 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.net/NR/exeres/...
Traduction de l’arabe : Leïla